ALERTE

DES VILLAGES DE CORSE A CEUX DE PICARDIE, DE DRESDE A COPENHAGUE, LE BALLET DES IDENTITÉS AGRESSIVES
mercredi 9 décembre 2015
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Si on en croit nos médias quotidiens, ces temps derniers, l’identité se parfume à
la haine de l’autre.
Juin 2015 : alors qu’un été flamboyant se déploie sur les collines corses, le
village de Prunelli di Fiumorbu fait durant quelques jours les titres des journaux
à son corps défendant : des parents d’élèves y ont refusé de laisser leurs enfants
chanter à la kermesse de l’école une chanson en langue arabe ( celle des
quelques immigrés du lieu ), a côté du français, du corse, de l’anglais. Dans la
foulée, de courageux anonymes, par le biais des « réseaux sociaux », ont menacé
les institutrices au nom leur identité « , menacée d’invasion », sont venus taguer
les murs de slogans anti-Arabes, et les ont contraintes à annuler la fête.
Ne nous méprenons pas : ce lamentable fait local n’est pas, contrairement aux
assertions de la « grande presse » française, symptomatique d’une " société corse
en crise " ( Le Monde ), mais l’indice parmi bien d’autres d’une xénophobie fort
répandue de Méditerranée à la France du Nord, voire à l’ensemble du continent
européen.

Le pire en matière d’identités agressives vint en novembre, a l’issue d’une arrière
saison si ensoleillée qu’elle incitait à l’optimisme. Et pourtant, le 13 de ce mois
ont lieu des centaines d’assassinats dans les rues de Paris, perpétrés par de jeunes
Français qui ne se reconnaissent plus dans leur nation et leur famille, au point de
leur cracher leur haine, en se faisant les exécuteurs d’une insurrection moyen-orientale, où la terreur le dispute au fanatisme prétendument « islamique ». C’est
au nom d’un Coran qu’ils n’ont pour la plupart jamais lu, que ces enfants perdus
en perte de repères se croient les paladins d’une nouvelle identité qui les pousse
à tuer tout ce qui n’est pas eux. On a dit jusqu’à satiété à quel point ces
exécutions avaient révulsé l’opinion, en insistant plus que de raison sur le
discours d’amour universel, en Marseillaises tricolores et en bougies du
souvenir, qui a déferlé le long des rues sur la France meurtrie. Ce mouvement
compassionnel justifié ne doit pas occulter la réaction en miroir des xénophobies
réciproques au coeur de cet hiver français 2015. Dans les semaines de novembre
et décembre, les agressions contre des mosquées, des Kebab, contre des
Musulmans en un mot, allègrement confondus avec les crimes « djihadistes » par
certains, se sont multipliés, bien qu’on en parle peu, qu’on le formule avec
prudence.

Puis vint le coup de massue des élections du 6 décembre : Maître en démagogie,
le Front National a su engranger les conséquences traumatisantes des politiques
« d’austérité », de l’afflux organisé de migrants, et des attentats djihadistes. Parti
de tous les Nationalistes, des résidus du Pétainisme aux Gaullistes oublieux des
temps d’Algérie, il réunit les sectateurs d’une nation qui serait expurgée de toute
lutte de classes entre exploiteurs et exploités, au profit de dérives « identitaires ».
Il a su habilement se poser en défenseur des petites gens contre les « technocrates européens », sans mettre en cause le moins du monde l’idéologie
« libérale » et le Capitalisme qui les anime. Mais la fille Le Pen et sa nièce
savent tout aussi bien que l’ancêtre OAS quels fantasmes agitent leur électorat.
Marine conclut sa campagne en Nord-Picardie en félicitant " les Français qui ne
veulent pas porter la djellaba "
.Et Marion en Provence ajoute pour sa part :
" nous ne sommes pas une terre d’Islam...qui n’a pas vibre au Sacre de Reims
n’est pas vraiment français "
.Et c’est sur ces énormités dignes des temps de
pogrom ou de camps de concentration qu’elles recueillent 40 pour cent des voix
en Nord-Picardie, la region demeurée la plus ouvrière de France, et sur les
rivages lumineux de Méditerranée....

Une vison pathologique, irrationnelle, d’une identité fière de sa peau blanche, de
ses « valeurs » chrétiennes, humanistes, qui seraient menacées de
« remplacement » par les immigrés à peau sombre, musulmans de culture ou de
pratique religieuse, est devenue habituelle aux propos de comptoir. Elle sert de
substrat tacite au geste électoral de ces 40 ou 50 pour cent d’électeurs de certains
villages picards, milliers de braves gens meurtris par la société qu’ils ne
comprennent plus, et qui traduisent leur rancoeur en votant pour le Front
National : Il leur offre un bouc émissaire responsable de tous ses maux,
chômage, délinquance, l’envahisseur bronzé qui menace son univers. Le
phénomène est de tous les états européens ( interviews du journal Présent, hors série nov/dec 2015 ) : Il se traduit par la croissance en Suisse de l’UDC, dont le
leader Oskar Freysinger veut défendre " le drapeau national ( qui ) porte une
croix, et notre hymne national ( qui ) à la forme d’un cantique "
. En Pologne, il
gonfle l’électorat du FIS, dont le député Marek Jurek dit refuser " l’islamisation
de notre pays "
. Il vote en Italie pour la Lega, qui n’est plus seulement du Nord,
et dont le Sénateur Volpi affirme clairement s’opposer au "déferlement
migratoire « 
et défendre les  » valeurs ancestrales ". Les pays nordiques voient à
chaque échéance électorale croître les mêmes défenseurs hargneux d’une identité
prétendument menacée, Vrais Finlandais à Helsinki, « Démocrates » de Suède ou
de Norvège, Parti du Peuple Danois à Copenhague, qui se définissent tous
comme « identitaires ». Comme les partisans de l’universitaire britannique John
Laughland, proche du parti UKIP, qui pourfend le « Londonistan » :("seulement
44,9 pour cent de la population de Londres se déclare blanc britannique ". Et les
manifestants de Pegida à Dresde en Allemagne ne sont pas en reste, pour
lesquels la formule « Nous sommes le Peuple » exprime la volonté de défendre « le sang germanique », comme il y a 70 ans....

Identités clamées comme une insulte à la face du monde, pour lui signifier qu’on
est différent, et généralement supérieur, par sa race parfois, sa couleur de peau,
sa religion, sa langue, sa culture, que sais je encore... Identités prétendument
menacées par les Arabes ou les Noirs, les Musulmans ou les Chrétiens, les Roms
ou les gens du voyage, les plombiers polonais ou les migrants syriens, qui sais je
encore....

Ces bulles de colère xénophobe qui viennent exhaler leur puanteur à la surface
des sociétés d’Europe, révèlent les tensions et frustrations qui les agitent en
profondeur. Faudrait il craindre de les voir envahir le monde, provoquer partout
le chaos et la haine ?
Ce phénomène xénophobe n’est pas nouveau en Europe, il était présent un peu
partout aux années 30 du XXe siècle, il y féconda les fascismes européens en
Allemagne, en Croatie, et en France les Ligues, au coeur d’une crise économique
et sociale qui n’avait rien à envier à celle de notre siècle. Mais, différence
fondamentale de contexte, les mouvements progressistes et rationalistes étaient
en 1936 très forts, adossés à des organisations ouvrières actives en luttes de
classe sans concessions : Cela a permis par exemple à la France d’échapper au
naufrage fasciste, et de gagner quelques étapes de progrès par le Front Populaire.

Ce bloc de forte résistance antixenophobie - antifascisme est en 2015 émoussé
et parfois moribond : le Capital transnational a décimé les " forteresses
ouvrières« , » les Gauches « souvent converties aux dogmes du » Marché ", à la
guerre impérialiste au nom des « Droits de l’Homme », et à l’opportunisme/carriérisme, ont oublié que l’action politique n’était que le moyen de changer le monde, et n’y voient plus qu’un objectif, conquérir les pouvoirs et leurs
prérogatives. Les organisations « rouges », qui se voulaient en 1936 de Solidarité
avec les militants étrangers persécutés pour leur combat anti-fasciste ou leur « race », se déclarent en 2015 « humanistes », et ne sont plus que caritatives....

Les ripostes rationnelles ou moralisatrices aux dérives xénophobes sont certes
nécessaires, mais en aucun cas suffisantes. les xénophobies contemporaines ne
seront vaincues que grâce à la reconstruction d’un mouvement révolutionnaire,
arme de ses idéaux d’égalité entre les hommes et les peuples. Car dans le
triptyque que nous a légué 1792, Fraternité, Liberté, Égalité, les deux premiers
préceptes sont conditionnés par le troisième.

RIEN DE PLUS ACTUEL EN 2016 QUE LE RASSEMBLEMENT DE TOUS
LES COMMUNISTES ÉPARPILLÉS EN CHAPELLES CONCURRENTES,
INEFFICACES DE CE FAIT, ET LEBAT ENTRE EUX :
COMMENT, SUR QUELLES BASES, CRÉER UNE ENTITÉ
COMMUNISTE UNIQUE ET ACTIVE, RESPECTUEUSE DE NOS
DIFFÉRENCESGITIMES, AU SEIN DE LAQUELLE CHAQUE
MILITANT COMPTE POUR UN, ÉVITANT LE CAPORALISME DES
DIRIGEANTS ET LE LEGITIMISME DES ADHÉRENTS QUI ONT FAIT
TANT DE MAL AUX ORGANISATIONS ANTERIEURES ?

Face au déferlement d’idées d’extrême-droite qui menace, face à la destruction
programmée par les tenants du Capital transnational des quelques acquis sociaux
qui nous restent, ce débat ne relève pas du sexe des anges, il est d’une urgence
absolue.

Francis Arzalier
Le lundi 7 decembre 2015



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