Pour un communisme futur à partir du moment présent (I)

vendredi 7 janvier 2011
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Le philosophe Yvon Quiniou publiait en novembre 2010 un texte intitulé « Thèses pour un communisme futur
à partir du moment présent ». Jean Paul Legrand et Michel Peyret donnent sur le texte.

J’ai lu le texte d’Yvon Quiniou. Il s’inscrit malheureusement dans la démarche du Front de Gauche qui de mon point de vue est une impasse.

Nous vivons la plus grande crise de l’époque contemporaine, celle qui résulte de la contradiction entre l’explosion des forces productives et l’étau insupportable dans lequel le capitalisme les enserre : analyser cette réalité est la condition fondamentale pour envisager une perspective politique.

Or la gauche institutionnelle française est à mille lieux de cela. Elle continue à considérer qu’il est impossible de passer au communisme ici et maintenant, le reléguant soit aux oubliettes de l’Histoire, soit au futur de Léo Ferré... dans 10.000 ans.

D’où les thèses réformistes que Quiniou rappelle dans son texte et qu’il semble adopter en se fondant sur le concept d’ « évolution révolutionnaire ».

L’évolution révolutionnaire était sans doute possible dans le capitalisme précédent mais nous n’en sommes plus là. A l’évidence le "pacte" du CNR qui avait cadré une certaine forme de la lutte des classes est mort.
Nous pouvons le regretter évidemment mais il faut considérer que c’était une forme de parenthèse en faveur du peuple avant l’échéance de la bataille terrible (et définitive ?) entre le capital et le travail dans la phase que nous vivons actuellement.

Ce « pacte » a peut être d’ailleurs créé l’illusion qu’il était possible de réformer le capitalisme d’où l’influence réelle de la social-démocratie qui commence à se réduire sensiblement parmi le peuple à mon avis en raison de l’âpre réalité de la crise capitaliste.

Du fait de cette crise nous entrons dans le vif du sujet, cette fois ci ce n’est plus un pacte : c’est la vie ou la mort, c’est capitalisme barbare contre un communisme humaniste pour caricaturer à peine le combat qui a commencé et auquel nous allons devoir nous livrer en reconstruisant une organisation révolutionnaire.

Le mouvement populaire de transformation n’en est qu’à ses débuts car il est le produit de cette nouvelle situation.
Parce que cette situation est inédite, il cherche une voie autre que tout ce qui a été réalisé jusqu’ici et cela est difficile, douloureux...rien ne nous interdit de penser que la crise donnera des accélérations de l’histoire démocratique comme elle peut entrainer de graves reculs de civilisation.

L’affaire est à un niveau bien plus profond que de simples élections présidentielles dont le résultat pourra du jour au lendemain être anéanti par le mouvement des masses en fonction de leurs réactions vis à vis de la crise qu’elles vont subir et qui va être encore plus terrible que ce que nous connaissons et à laquelle il va falloir faire face pour mobiliser, former, éduquer à l’auto-organisation populaire et révolutionnaire.
Soyons réalistes, la déferlante du tsunami arrive, face à elle, seul un mouvement populaire d’ampleur pourra l’affaiblir et l’anéantir, pas une élection truquée d’avance et pas plus des combinaisons d’appareils comme le Front de gauche.

Jean-Paul LEGRAND ( Creil, Oise )

***

Le texte de Quiniou est également une scandaleuse revalorisation du rôle historique de la social-démocratie, alors que cette dernière, et notamment en France, a été un modèle d’assujettissement aux intérêts du capital, qu’il s’agisse, pour l’histoire récente, du rôle joué par François Mitterrand lors de ses deux mandats, comme de celui du gouvernement de Lionel Jospin, un de ceux parmi les plus exemplaires, notamment avec le record qu’il détient du nombre de privatisations.

Je partage ce que tu dis, et je vois bien ce que tu mets dans l’expression "la déferlante du tsunami arrive", il me semble que c’est déterminer à l’avance ce que pourrait être une ou des réactions du système à la montée du mouvement populaire.

Pour moi, ce qui monte dans le temps long, plus précisément depuis Maastricht, c’est justement le mouvement populaire qui, certes, se cherche, mais gagne en ampleur et en qualité ( le quantitatif et le qualitatif ).

Un certain nombre de données, je ne les invente pas, situent les rapports de force dans la population à 70/30. C’est considérable et c’est certainement une grande première en France, y compris par rapport à la Libération.

Je pense que ceci n’épuise pas la question des rapports de forces, qu’il y a d’autres aspects à prendre en considération, mais cela est également constitutif de ces rapports.

Car il me semble aussi que les classes dirigeantes paniquent quelque peu devant l’approfondissement de la crise et la montée du mouvement populaire qu’ils ressentent évidemment. Les classes dirigeants et leurs alliés dans l’ensemble du personnel politique.

J’ai déjà parlé des réactions de Soros qui demande RV à Hobsbawm pour qu’il lui parle de Marx.

Attali a également constaté et prend aussi en considération ce que cela peut signifier, c’est une indication forte de ce que les classes dites dirigeantes ne maîtrisent à peu près plus rien du point de vue économique et plus grand chose du point de vue politique !

Il me semble que la grande question qui nous est posée, c’est que le mouvement populaire ne voit pas encore ces évolutions en sa faveur. Et il y a aussi, encore, la crainte de l’inconnu après ce qui s’est passé à l’Est et qui a coûté cher en vies humaines et sacrifices de toutes sortes, il peut vivre la perspective du changement comme une répétition de l’histoire parce qu’il n’est pas en mesure d’apprécier les changements intervenus depuis plus d’un siècle.

Comment dédramatiser cette situation, comment faire mesurer ce qu’il y a de nouveau, de très profondément nouveau dans les évolutions de tout un siècle ?

Comment montrer que le capitalisme est en train de s’écrouler et qu’il n’a plus aujourd’hui les "réserves stratégiques" dont il a pu disposer à d’autres moments de l’histoire.

Si j’osais une comparaison, et contradictoirement avec ce que je viens de dire, je reviendrais à la Russie de 1917 : le pouvoir tsariste s’écroulait de lui-même sous l’effet de plusieurs facteurs, il ne maîtrisait plus rien. En gros, le pouvoir était à "ramasser" et justement il n’y avait personne pour le faire ou pour l’oser !

Cela a été l’intelligence de Lénine de voir cette situation inédite, et il savait aussi que "l’histoire ne repasse jamais les plats". Il fallait oser, il l’a fait, et les forces "réactionnaires" n’ont pas été en mesure, ne pouvaient être en mesure de l’empêcher même si cela a coûté cher ( guerre civile jusqu’en 1921) . Ni les autres forces politiques...

Bien évidemment, la France de 2011 n’est pas la Russie de 1917, la Russie d’il y a bientôt un siècle !

La plus grosse différence, ce sont les évolutions du capitalisme, les évolutions économiques, les évolutions de la composition sociale de la population... d’autres évolutions quantitatives et qualitatives, par exemple le fait qu’il y a aujourd’hui 92% de salariés dans la population active, c’est une réalité qui n’a jamais existé ailleurs, comme d’ailleurs dans bien d’autres domaines, les rapports de forces dont j’ai parlé, et je montre qu’ils ne sont pas les seuls à prendre en compte, mais positivement, positivement au sens de Marx qui aurait considéré que la Russie n’était pas mûre pour la révolution, à l’inverse de la France d’aujourd’hui qui remplit les conditions comme jamais elles n’ont été réunies ailleurs !

Dans ce contexte, le capitalisme, ses milieux dirigeants, n’ont plus les moyens d’imposer ce que tu pourrais appeler un "tsunami".

Et si, ici, Sarko a pu encore l’emporter et faire passer son projet de loi, c’est parce que le mouvement populaire s’est fait "balader", je crois l’avoir écrit alors, et qu’il ne s’est pas encore donné l’organisation indépendante qui lui permettrait de se diriger lui-même : il reste pour l’essentiel prisonnier de dirigeants politiques et syndicaux eux-mêmes inféodés sous différentes formes au capitalisme, ne serait-ce que s’agissant du financement.

Je pense que cet aspect organisationnel est aujourd’hui essentiel, c’est là-dessus qu’il faut avancer en priorité, ce que ne signifie pas que les anciens partis et syndicats doivent disparaître.

Michel PEYRET ( Gironde )



Documents joints

Texte de Quiniou

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