La pointe avancée de l’Europe fasciste

lundi 8 février 2010
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Des minarets suisses à l’identité nationale ; des ratonades en Andalousie aux pogroms anti-immigrés en Grèce ou en Italie ; de la chasse aux Rroms en Roumanie au retour du nationalisme hongrois… L’Europe bâtit ses murailles derrière un discours de haine et d’exclusion.

“Sale noir”, c’est ainsi qu’a été qualifié Mario Balotelli, buteur de l’inter de Milan, né à Palerme en 1990. Sifflé régulièrement par les “tifosis” de la Juventus de Turin, il hésite à rejoindre Chelsea ou l’équipe du Ghana dont sont originaires ses parents naturels. Le racisme anti-nègre dépasse cependant largement les enceintes du stade. Il est avant tout institutionnel. C’est ainsi que l’immigration clandestine est devenu un délit, suite à une loi adoptée par le parlement en juillet 2009.

Cette loi a été précédée d’un accord avec la Libye qui permet à Rome de rapatrier les clandestins avant même qu’ils n’accostent sur le sol de l’Italie pour faire valoir une demande d’asile. (Besson semble avoir suivi cet exemple en faisant emprisonner 124 Kurdes Syriens à leur arrivée sur les côtes corses).

Cette volonté de fermer ses frontières a provoqué un drame cet été. Partis de Tripoli, en Libye, le 28 juillet 2009, 73 érythréens ont tenté de rejoindre l’île de Lampedusa. Embarqués sur un zodiac de 12 mètres, le frêle esquif a dérivé durant vingt jours. Seuls 5 survivants ont accosté à Lampedusa le 20 août.

Aucun navire de la marine nationale n’a cru bon d’accompagner les naufragés, alors que le canal de Sicile est le plus surveillé de la Méditerranée. “Cela veut dire que ce bateau a été abandonné à son destin” accuse Christopher Hein, responsable du conseil italien pour les réfugiés.

Le quotidien de la Conférence des évêques va plus loin encore : “Quand, aujourd’hui, nous lisons les récits sur les déportations des juifs sous le nazisme, nous nous demandons : ces convois plombés, les voix, les cris dans les gares de transit, personne ne les voyait ou ne les entendait ? À l’époque, c’était le totalitarisme et la terreur qui faisait fermer les yeux. Aujourd’hui, non. Une indifférence tranquille, résignée, peut-être même une aversion gênée…”
Quant au sinistre convoi, les autorités maltaises ont seulement annoncée que sept corps avaient été repérés au large des côtes libyennes. Ils n’ont pas été repêchés.

Le racisme ordinaire

Non content de refouler les clandestins, le gouvernement de Silvio Berlusconi a annoncé que “pour favoriser l’intégration”, les classes ne pourraient accueillir plus de 30 % d’élèves étrangers. Mariastella Gelmini, ministre de l’Éducation, a justifié cette décision en affirmant que “c’est un moyen utile pour éviter la création de classes ghetto”. Ce plafond de 30 % sera accompagné d’un renforcement des cours d’italiens, mais aussi du développement de “règles civiques”, règles ainsi formulées : “La lutte contre l’inégalité passe aussi par la défense orgueilleuse de nos racines, notamment chrétiennes. Si nous renonçons aux crèches de Noël dans nos écoles et au crucifix aux murs des classes, nous enverrons le message que notre peuple n’a plus de traditions. Et nous serons livrés à celle des autres !” Identité nationale quand tu nous tiens…

Cette défense de la tradition chrétienne est ainsi devenu un thème majeur de la Ligue du Nord, parti allié à Berlusconi. Franco Claretti, maire de Cocaglio déclare : “Pour moi Noël n’est pas la fête de l’accueil (des rois mages ? NDLR), mais une tradition chrétienne qui fait partie de notre identité !” Plus explicite encore quant à l’accueil des étrangers, le maire de San Martino dall’ Argine appelle les citoyens “qui ont connaissance de la présence d’immigrés clandestins sur le territoire communal à communiquer cette information au maire, à la police municipale ou à l’état civil”. Accusé de prôner la délation, Cedrick Pasetti, son premier adjoint et responsable local de la Ligue du Nord réplique : “Il s’agit simplement d’informer les citoyens et de les appeler à collaborer avec la mairie, tout comme on le ferait pour un trou dans la chaussée ou un lampadaire hors de service !” Les immigrés de plus en plus souvent agressés apprécieront ce trait d’humour.

Émeutes et chasse au faciès

Du Nord au Sud (la Ligue revendique l’indépendance du nord de la péninsule : “la Pandania”), le sort des immigrés, venus principalement d’Afrique, n’a de cesse de se dégrader. Le 7 janvier 2010, la violence anti- nègre a franchi un nouveau pallier. Dans la ville de Rosarno, en Calabre, des habitants tirent en direction d’ouvriers agricoles. Déjà excédés par de multiples humiliations, une marche est organisée dans la ville, regroupant 2 000 travailleurs immigrés. Ils s’en prennent aux commerces et aux voitures des habitants, avant d’être repoussés brutalement par les forces de l’ordre.

La population blanche se mobilise à son tour, occupant la mairie et organisant de véritables ratonades . Les émeutes racistes se poursuivent deux jours durant, entraînant le départ de nombreux saisonniers, trop terrorisés pour exiger le paiement de leur maigre paie. Le 12 janvier, la police opère un coup de filet dans la ville, arrêtant deux habitants ainsi qu’un responsable de la Ndrangheta, la mafia calabraise.

La plaine de Gioia est plantée d’orangers et on estime à 15 000 les saisonniers participant à la cueillette. Pour la plupart Africains sans papier, ils sont payés 20 € par jour pour 14 heures de travail. Ils sont entassés dans des baraques de fortune, sans eau, sans électricité, ni toilette. Mais pour Giuseppe, militant du “Comité citoyen de Rosarno” : “Les conditions de vie étaient ce qu’elles étaient, mais un salaire de 20, 25 € par jour, avait du bon pour eux. D’autant que nous leur donnions tout : vêtements, nourriture. Et voici comment ils nous ont remercié !”

Du côté des travailleurs agricoles, le ton est très différent. Sur son lit d’hôpital, les jambes criblées de chevrotine, Namouri Konate témoigne : “Je n’ai pas d’avenir, pas de papiers, pas d’argent, pas de travail, et maintenant j’ai peur. Cette année, il y avait peu de travail à Rosarno. Nous, les Africains, les caporaux (agents recruteurs, NDLR) nous prenaient seulement les jours de pluie et nous mettaient sur les mauvais terrains. souvent les jeunes du village nous fonçaient dessus en voiture quand nous revenions des champs. L’année dernière aussi, ils avaient tiré sur les Africains. Cette fois, on a réagi.”

La police italienne a comptabilisé 67 blessés (31 Africains, 19 policiers et 17 habitants) et a décidé de déplacer les ouvriers agricoles, les plaçant pour la plupart dans les centres de rétention de Bari et de Crotone. Ce qui a fait dire à Luigi Mancini (ancien ministre de gauche) : “Rosarno est désormais l’unique ville au monde totalement blanche. Même du temps de l’apartheid, l’Afrique du Sud n’avait pas obtenu un tel résultat.”

Au village, il ne reste plus qu’une dizaine d’Africains se terrant chez eux. Le tri et la mise en cagette des fruits est effectué par des immigrés venus de Roumanie, de Pologne et d’Ukraine. “Ils ont décidé de s’en prendre aux Africains, affirme Antonio Calogero, secrétaire de la CGIL de Gioia Tauro, car ils se sont révoltés. Les clans préfèrent une main d’œuvre plus docile. La leçon doit aussi servir aux autres.”

En effet cette soudaine flambée de violence qui fait dire à Roberto Maroni, ministre de l’Intérieur (Ligue du Nord) “il y a une trop grande tolérance envers l’immigration clandestine”, pose la question de la place de la mafia calabraise et de son lien avec les propriétaires terriens. Le conseil municipal de Rosarno a été dissous pour infiltration mafieuse et mis sous tutelle par le commissaire Francesco Bagnato (la police italienne a arrêté 17 membres du clan Belloco, le plus puissant de Rosarno, au lendemain des ratonades).

D’autre part, le secteur oranger est en crise et les producteurs sont prêts à demander à l’État la reconnaissance de catastrophe agricole. Ils pourront alors laisser pourrir les fruits et se débarrasser des bras devenus inutiles, d’autant que les producteurs ont obtenu de l’Union Européenne que les aides accordées soient calculées sur la base du nombre d’hectares cultivés et non plus sur la quantité de fruits cueillis. “La ’Ndrangheta contrôle tout, poursuit Antonio Calagero, de la production à la transformation jusqu’au commerce et au transport des agrumes. Les familles, une vingtaine à Rosarno gèrent la main d’œuvre qui est payée au noir à environ un tiers du contrat légal. Quand les propriétaires terriens ont considéré que les migrants n’étaient plus nécessaires, la ’Ndrangheta a fait en sorte de s’en débarrasser.”

D’après Médecins du monde, de la Calabre, jusqu’aux Pouilles, ce sont près de 20 000 immigrés qui vivent dans le plus grand dénuement. En septembre 2008, pour marquer son territoire, la Camorra napolitaine avait abattu six Africains…



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