Nous , peuples des Nations-Unies ,

mardi 18 août 2009
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Laissons quelques témoins des enjeux de notre temps exprimer leurs préoccupations

ISABELLE STENGERS [1]

Question : « Barbarie , c’est un mot qui apparaît dans le sous-titre de votre livre « résister à la barbarie qui vient » . Notion chargée , piégée puisque quand on parle de barbares c’est qu’on se considère soi-même comme un civilisé... Pourquoi l’utiliser ?

I.S. :« Je l’ai choisi parce qu’il a un passé historique qui est plus ancien et plus respectable que l’usage contemporain des « barbares » au sens de terroristes et tout ce joli monde . C’est Rosa Luxemburg qui citait elle-même Engels , au début de la guerre 1914-1918 quand elle était en prison : « socialisme ou barbarie ». C’est une manière de dire que ce qu’elle appelle socialisme n’est pas une fatalité , mais si le socialisme n’advient pas , l’autre avenir , c’est la barbarie...Nous ne savons toujours pas ce qu’est le socialisme , mais j’ai été impressionnée par le fait que les choses qui étaient totalement impensables sont devenues tolérables , même si certains continuent à résister ... »

PHILIPPE CORCUFF [2]

« Ceux qui continuent , comme Jacques Capdevielle , à faire de la contradiction capital/travail la boussole principale ( à la fois « dernière instance » dans l’analyse et « front principal » dans l’action politique ) posent une question légitime , mais à laquelle il est possible de répondre autrement qu’eux . Cette question légitime renvoie aux fortes capacités de récupération par le capitalisme des revendications qui émergent à l’intérieur de lui , à la plasticité de la dynamique capitaliste...Pour limiter sans éliminer ces risques , peut-être doit-on insister sur les interactions de la contradiction capital/individualité ( comme les contradictions capital/nature et capital/démocratie , comme de la domination masculine ) avec la contradiction capital/travail , plutôt que de focaliser sur sa logique propre... »

SAMIR AMIN [3]

« La prise en compte de la valeur d’usage ( dont la mesure de l’empreinte écologique constitue un premier bel exemple ) implique que le socialisme doit être « écologique » , ne peut être qu’écologique … Mais elle implique aussi que cette prise en compte est impossible dans un régime capitaliste quelconque …

« Marx , en son temps , en avait déjà formulé l’expression de l’existence par la distinction vigoureuse qu’il faisait entre la valeur et la richesse , confondus par l’économie vulgaire . Marx dit explicitement que l’accumulation capitaliste détruit les bases naturelles sur lesquelles elle se fonde : l’homme ( le travailleur aliéné et exploité , dominé et opprimé ) et la terre ( symbole de la richesse naturelle offerte à l’humanité ) . Et quelles que soient les limites de cette expression , prisonnière comme toujours de celles de son époque , elle n’en demeure pas moins la manifestation d’une conscience lucide du problème (au-delà de l’intuition ) qui mérite d’être reconnu... »

FRANCOIS CHESNAIS [4]

« En septembre 2008 , j’ai défendu l’idée que « nous entrons dans une phase qui est réellement celle de la crise de l’humanité , dans ses relations complexes . Celles-ci incluent les guerres . Mais même en excluant le déclenchement d’une guerre de grande ampleur , une guerre mondiale , qui ne pourrait présentement être qu’une guerre nucléaire , nous sommes face à un nouveau type de crise , la combinaison de cette crise économique qui a commencé avec une situation où la nature , traitée sans égards et brutalisée par l’Homme dans le cadre du capitalisme , réagit de manière brutale … J’ai abordé les questions écologiques en lecteur de Marx ayant privilégié depuis très longtemps chez lui tout ce qui aide à comprendre l’accumulation , ou plus exactement l’expropriation primitive , le caractère de classe des technologies produites dans le cadre du capitalisme et tout ce qui assume dans Le Capital le processus de transformation des « forces productives » en forces destructives ... »

LUCIEN SEVE [5]

Question : « Quant au combat écologique , qui serait oublieux de la « planète homme » ,, n’est-ce pas réducteur de le résumer au sauvetage de la Terre ? »

L.S. : « Parce que vous entendez beaucoup Cohn-Bendit s’en prendre à la monstrueuse inhumanité du management capitaliste , dénoncer les licenciements boursiers , réclamer une vraie revalorisation des retraites ? Allons donc !

Moi je ne sépare en rien la cause écologique et ce que je nomme – songez qu’elle n’a même pas un nom aujourd’hui – la « cause anthropologique » , c’est-à-dire l’urgente bataille contre la déshumanisation de vies humaines , j’écris au contraire en toutes lettres qu’elles sont « intimement connexes ». C’est le mouvement écologique tel qu’il est dans la plupart des cas qui , je le regrette fort , se réduit lui-même en croyant pouvoir rester « neutre » envers un capitalisme « personnicide » . On ne sauvera pas la planète Terre sans un gigantesque effort social , politique , culturel pour sauver la planète homme , aujourd’hui non moins gravement menacée que le climat par le règne universel du fric ... »

JEAN ZIN [6]

« Pour la bombe climatique , c’est bien possible qu’il soit trop tard mais on ne peut pas dire qu’à ce jour la cause soit entendue . Pour un certain nombre , le réchauffement est une bonne blague , une manipulation des gouvernements et rien de plus qu’un petit événement naturel auquel on s’adaptera sans grand mal . Hélas , les risques sont démesurés même s’ils ne sont pas tout-à-fait certains . Ce n’est pas le moment de paniquer mais d’approfondir nos connaissances . Il est certain que les mesures prises sont très insuffisantes et que même si on arrêtait tout , le réchauffement atteindra des seuils intolérables ...La perspective du Peak Oil et l’augmentation des prix du pétrole jouent en faveur d’un basculement assez rapide vers les énergies renouvelables . La géoingénierie va sans doute passer des délires fous à quelques solutions possibles ... »

CHARTE DES NATIONS UNIES

« Préambule : Nous, peuples des Nations Unies,

Résolus

à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances,

à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites,

à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international,

à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande,

Et à ces fins
à pratiquer la tolérance, à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage,

à unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales,

à accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l’intérêt commun,

à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples,

Avons décidé d’associer nos efforts pour réaliser ces desseins
en conséquence, nos gouvernements respectifs, par l’intermédiaire de leurs représentants, réunis en la ville de San Francisco, et munis de pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, ont adopté la présente Charte des Nations Unies et établissent par les présentes une organisation internationale qui prendra le nom de Nations Unies . »

Cette Charte a été signée à San Francisco le 26 juin 1945 dans les circonstances qui étaient celles de cette époque...

Il y a certes plus que des nuances parmi les témoignages collationnés ci-dessus .

Mais le temps n’est-il pas venu à nouveau pour les les peuples de redire dans l’aujourd’hui leurs nouvelles et indispensables résolutions ?




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