Travailler plus pour gagner plus !!!

vendredi 7 décembre 2007
popularité : 4%

Il fut un temps où à l’écoute d’un tel slogan on aurait ri de sa stupidité et on l’aurait certainement attribué à un quelconque individu dépourvu de lucidité économique et les médias n’auraient pas pris le risque de véhiculer des propos aussi simplistes.

Et pourtant, en période de droitisation de la société, toute les âneries circulent visiblement sans obstacles et sans arguments sérieux pour s’y opposer. Faut-il croire en ces temps que c’est la stupidité d’une idée qui en fait sa force. Peut-être pense t-on que ce genre d’idée peut s’éteindre d’elle même. Preuve en est que non. S’il n’y a pas d’opposition capable d’y faire face, les idées les plus ringardes et les plus nauséabondes répétées à longueur d’antennes par d’éminents spécialistes, peuvent s’ancrer dans notre société.

J’ai vu le dimanche 2 décembre un débat à l’émission « Riposte » sur F5 où étaient invités, un chef d’entreprise, un économiste, JF Coppé, F Hollande et MG Buffet. Et là j’ai pu me rendre compte une fois de plus de l’état réel de l’opposition dans ce pays. Sauf, il faut le dire, le chef d’entreprise d’une PME qui a su mettre un souffle de réalité sur le travail et l’entreprise. Ceci étant je ne crois pas qu’il était représentatif de son milieu professionnel. Quoi que certaines voix patronales tiennent des propos discordants !!!

En effet, l’économiste et JF Coppé n’ont cessé de marteler que pour développer la croissance il fallait accroître le volume de travail et donc travailler plus pour produire plus. S’en prenant également au 35h qui ont fait de nous un pays de fainéants. Argumentant que la France est un des pays occidentaux qui a le temps de travail le plus bas. Pourtant la production n’a pas faibli après la mise en place des 35h. [1]
Cet argument a visiblement embarrassé tous les représentants de la gauche qui n’ont su démontrer que l’on pouvait accroître la croissance autrement qu’en augmentant l’intensité du travail.

La croissance c’est elle qui est au cœur du débat. Même s’il me semble insensé de s’inscrire dans une idée de la croissance en soi dans un contexte où l’on peut mesurer que ce type de croissance qui privilégie l’exportation [2]Je préfèrerais parler d’une meilleure efficacité des entreprises pour produire mieux et autrement. Or il semble, mon propos est quelque peu provocateur, que la gauche ne connaît pas bien l’entreprise et est restée sur le modèle d’entreprise des trente glorieuses. Je n’ai jamais entendu dans la bouche de nos dirigeants de la gauche française l’idée d’une autre croissance qui ne pourrait d’ailleurs pas être forcément celles de marchandises.

Si l’on reste sur l’idée capitaliste de la croissance qui est sans issue, on ne peut combattre cette idée de « travailler plus pour gagner plus ». Cela met en évidence selon moi l’impasse dans laquelle la gauche française se trouve aujourd’hui.

Tout d’abord, s’il fallait travailler plus pourquoi ne pas faire travailler les chômeurs. On réduirait par là même la dette sociale et ils contribueraient à l’effort national. Pourquoi ne pas accroître le nombre d’heures de travail des précaires. Pourquoi vouloir absolument accroître l’intensité de travail de ceux qui ont un travail. Et bien tout simplement, parce que concentrer le maximum d’heures de travail par salariés permet de réduire le nombre de salariés. Qui est encore gagnant dans cette affaire ?… Y a-t-il un gain d’efficacité pour les entreprises ? Pas vraiment, par contre pour les actionnaires c’est du gain rapide.

Deuxièmement, le défaut de croissance ou plutôt d’efficacité des entreprises peut-il être résolu par une augmentation de l’intensité du travail ? Penser une telle absurdité, c’est méconnaître la réalité des processus de fabrication actuels.
Par exemple : où se joue la productivité d’un technicien face à un tour à commande numérique : dans le nombre d’heures de travail qu’il réalise ou dans la qualité de sa programmation, du contrôle et la pertinence des informations auxquelles il a plus ou moins accès. Que veut dire travailler plus pour un individu qui gère un process, alors que sa productivité est déterminée par la qualité des décisions et des choix qu’il fait qui sont elles mêmes la plupart du temps déterminées par la bonne organisation du collectif de travail. Et l’on pourrait énumérer ainsi toutes les situations professionnelles.

J’invite chaque lecteur qui a un travail à analyser si les véritables conditions de son efficacité sont plus liées à un accroissement de son temps de travail ou à une amélioration de ses conditions d’activité et de l’organisation du travail.

J’ai trop souvent entendu dans les entreprises des opérateurs, des maîtrises et des cadres se plaindre des carences organisationnelles qui freinent l’efficacité, des dysfonctionnements entre services que l’on met souvent en concurrence, et de l’absence d’autonomie des opérateurs qui altère la réactivité, sans parler d’un management encore trop souvent très taylorien... Ce qu’il faut dire, c’est que ces gâchis humains et techniques, altèrent l’efficience et dans le même temps dégradent les conditions de travail et surtout démotivent les salariés.
N’y a t-il pas du grain à moudre pour améliorer les résultats et les conditions d’activité avant de clamer à qui veux bien entendre qu’il faut accroître l’intensité du travail. Il y a à ce niveau un véritable matraquage idéologique qui masque la réalité des véritables conditions de l’efficacité dans l’entreprise. [3]

Tous les chefs d’entreprises sérieux, savent bien qu’épuiser la force de travail ne sert à rien [4]
et qu’aujourd’hui dans nos systèmes modernisés, c’est d’abord la compétence et la qualité de l’organisation qui déterminent la productivité. Tous ces éléments sont eux mêmes déterminés par le niveau d’adhésion des salariés au projet d’entreprise. Tout le monde perçoit bien aujourd’hui, que cette qualité s’est fortement détériorée ces dernières décennies, que les organisations, même si elles ont réduit les hiérarchies, ont en même temps renforcé la centralisation des décisions. Le travail s’est déshumanisé, il est ramené de plus en plus à un rapport économique.

Il y a opposition entre l’intérêt de l’entreprise et l’intérêt des actionnaires. Avec les changements générés dans le travail et l’organisation du travail par l’informatisation, l’efficacité qui détermine également la croissance implique d’optimiser le rapport Homme/machine ce qui veut dire améliorer l’exploitation des systèmes modernes par l’optimisation des compétences humaines et de la qualité de l’organisation du travail. Or, cela oblige un investissement à plus long terme que celui attendu par les actionnaires. Ce sont ces choix contre l’efficacité et l’intérêt de l’entreprise et de ses salariés qui freinent la croissance.

Pour de plus amples informations sur l’impact de la modernisation sur les processus de production, les qualifications et l’organisation, consultez l’article (paragraphe 6) figurant sur la page d’accueil du blog suivant : http://quellesalternatives.over-blog.com/

En conclusion, je dirai que pour améliorer l’efficacité des entreprises et les conditions d’activité des salariés, le slogan suivant : « travailler mieux pour vivre mieux », serait plus approprié.


[1Il faut rappeler à ce sujet que la loi a permis de financer par les fonds publics 2h50 des 4h de réduction de travail. L’absence de recrutement s’est traduite par des gains de productivité. J’ai accompagné 34 entreprises sur la mise en place des 35h, aucune n’a perdu de l’argent. Bien au contraire.

[2Une croissance basée sur l’exportation vecteur de guerre économique au détriment d’une qualité de production interne et d’une coopération entre pays. est génératrice de tensions et de déséquilibres économiques, politiques et écologiques…

[3Qu’elle soit de production de biens matériels ou de services.

[4Le chef d’entreprise présent sur le plateau de « Riposte » l’a très bien souligné. De plus, quand on connaît les contraintes qui pèsent sur les situations de travail de nos jours, on peut voir que dans bien des cas les limites humaines sont atteintes voire dépassées.



Commentaires

Logo de pam
samedi 15 décembre 2007 à 15h14 - par  pam

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur