A propos des radiations de chômeurs

samedi 3 septembre 2005
par  Charles Hoareau
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Depuis cet été cette question fait régulièrement la « une » de l’actualité le gouvernement se défendant de vouloir organiser la chasse aux chômeurs mais voulant simplement « remettre la France au travail ». Si on l’écoute il ne s’agit que de contraindre ceux et celles qui refusent un emploi à l’accepter. En fait de quoi s’agit-il : la mise en Å“uvre d’une orientation européenne définie dans le traité d’Amsterdam : la « recherche active » d’emploi (ainsi nomment-ils leur dispositif), sous entendant ou disant explicitement que les chômeurs, parce qu’ils ont des droits, vivent sur leurs acquis et ne s’engagent pas à chercher du travail. Le PARE (Plan d’Aide au Retour à l’Emploi) répondait déjà à cette logique contestable à plus d’un titre. Avant d’en venir au détail des mesures quelques réflexions sur cette logique.

Des mesures inhumaines et inefficaces...

Il n’y avait aucune opportunité à mettre en place ces dispositions, pourquoi ?

-Deux rapports du précédent gouvernement ( Belorgey et Joint-Lambert) ont montré que plus un chômeur est indemnisé plus vite il retrouve du travail.

-Les radiations administratives pour insuffisance de recherche d’emploi non seulement ont toujours existé mais en plus explosent ces dernières années sans que le chiffre du chômage baisse. 400.000 radiés en 2003 ! Autant que le total des 5 années précédentes et ce chiffre est en constante augmentation (165 000 pour les 5 premiers mois de 2005 donc avant les nouvelles mesures)

- L’assurance chômage couvre aujourd’hui difficilement 4 chômeurs sur 10 et ce chiffre même montre l’inutilité de la sanction financière, puisque les « sanctionnés » ne trouvent pas plus vite de travail et que leur nombre grandit sans cesse.

- Enfin - et c’est certainement le plus important - Comment une société qui double sa richesse tous les 40 ans, dont la productivité a été multipliée par 100 depuis la guerre dans nombre de grands secteurs industriels, comment cette société pourrait diminuer les droits sociaux garantis à l’ensemble de la population ? Au nom de quels choix économiques ou philosophiques ne pourrions nous avoir le même niveau de protection sociale que celui mis en place en 1945 dans un pays dévasté par la guerre ?

...qui masquent des arrières pensées...

A moins de 20 refus d’emploi par mois et par département ( chiffres donnés par le ministère du travail lui-même) il y a fort à parier que même ce train de mesures ne suffira pas à lui tout seul à faire dégonfler les statistiques. De ce point de vue les restrictions de droits lors du renouvellement de convention d’assurance chômage ont davantage démontré leur redoutable efficacité que toutes les mesures de renforcement des radiations qui se sont succédées.

La vraie raison se trouve ailleurs. En annonçant une chasse aux fainéants le gouvernement inverse les responsabilités. Ce n’est plus lui qui est responsable du chômage mais les chômeurs qui sont coupables de leur situation. Avec l’argument de la fatalité économique mondiale (prétexte bien pratique pour justifier l’inaction face aux délocalisations et autres fermetures), celui de la culpabilisation des victimes est un autre facette du détournement de responsabilité.

...et répondent à une logique

La question de fond c’est que deux logiques s’affrontent, une, la notre qui veut une société solidaire basée sur la mise en commun des richesses et des revenus issus de celle-ci, une autre qui s’apparente à la loi de la jungle.

Un choix de société

A la Libération le CNR en créant la sécu est parti d’un principe simple. La richesse d’un pays est le fruit du travail humain, une partie de cette richesse est redistribuée sous forme de salaire individuel, l’autre redistribution doit se faire sous forme de salaire socialisé obligatoire afin de protéger solidairement les gens des accidents de la vie , de la naissance à la mort. Cette protection sociale devait intégrer la perte d’emploi et l’assurance chômage devait être la 5e branche de la sécu s’ajoutant aux 4 qui existent encore aujourd’hui : maladie, retraite, accident du travail et famille.

Depuis des décennies et en particulier les deux dernières, le MEDEF - qui n’a jamais accepté la création de la sécu - se bat, aidé (ou pas combattu) par les gouvernements qui se sont succédés, pour remettre en cause la notion même de protection sociale. Dans ce scénario, s’assure qui en a les moyens et cette assurance en soi doit rapporter, donc la collecte doit en être confiée au privé.

C’est la fin du salaire socialisé avec deux conséquences :

- Une diminution considérable de la part des salaires dans la richesse produite (de 1970 à 1990 la part du salaire - direct plus cotisations - dans le PIB est passée de 70% à 60% soit 120 à 150 milliards d’euros par an !!).

- Une montée de l’exclusion, la montée des individualismes, le recul des solidarités.

De plus le travail salarié étant vécu par nos « décideurs » comme une charge et non comme une création de richesses on a assisté au fur et à mesure de la montée de la productivité à une montée en parallèle du chômage.
Ces choix de société guidés par la recherche du profit mettent en cause gravement la cohésion sociale et ont des conséquences prévisibles : les pauvres n’acceptent pas leur paupérisation croissante et, soit se révoltent collectivement, soit se résolvent à des expédients individuels, vols, délits, trafics...

Et là, pour les gouvernants il n’y a que 2 réponses possibles :

- Ou bien on répond à l’urgence sociale en créant des emplois, en augmentant les salaires, en améliorant la protection sociale et le cadre de vie de la population en particulier celle qui est la plus pauvre,

- Ou bien on enraye (plus exactement on tente d’enrayer) les révoltes, les trafics...par une répression de plus en plus grande.

C’est la société des barbelés,

*barbelés aux frontières de France et d’Europe pour empêcher les pauvres du sud de venir tenter leur chance de vivre moins mal au nord,

*barbelés autour des quartiers dits aisés pour empêcher les pauvres de la cité d’à côté de venir piquer dans les frigos,

*barbelés devant les entreprises pour empêcher les chômeurs de venir réclamer du travail.

C’est cette 2e solution qu’à l’évidence le pouvoir en place a choisi depuis plusieurs années.

Détail des mesures

Avec le PARE, au travers de « l’activation » était déjà introduite l’inversion de responsabilité. Pour autant le pouvoir de radiation restait l’apanage du service public de l’emploi au grand dam de l’ASSEDIC et du MEDEF qui voulaient se voir confier cette tâche.

Là, avec les mesures VILLEPIN, on peut dire que c’est le PARE qui est entré dans la loi.
Le pouvoir de suspension est confié à l’ASSEDIC, la sanction est automatique (au cas où des employés voudraient ne pas appliquer ces mesures d’exclusion) et ce sont les préfets seuls, sans contrôle, qui gardent la faculté de sanction. C’est donc à une aggravation sans précédent des dispositifs existants (parmi les plus sévères d’Europe aux dires de Borloo lui même !) à laquelle on devrait assister dès le début septembre.

De plus dans un nombre croissant de départements, les Conseils Généraux face à une décentralisation qui a instauré un transfert de charges sans les moyens correspondants et face aussi à une inflation du nombre de Rmistes, sont tentés par des dispositifs complétant le dispositif gouvernemental et s’inspirant de la même logique. On assisterait alors, si nous laissons faire, à la multiplication de spirales infernales de l’emploi, au chômage indemnisé, au RMI, à rien du tout...

C’est le toboggan de l’exclusion qui est en marche...



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