Désobéir c’est dire NON,

jeudi 14 juillet 2005
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Le 25 avril dernier avait lieu à Nice un débat sur la désobéissance civique. Invités nous n’avons pu nous y rendre pour cause... de désobéissance aux horodateurs ! M France BILLI, élue PCF y faisait le rapport introductif suivant qu’elle nous a transmis et que nous publions bien volontiers.

DESOBEIR, c’est dire NON. REFUSER.

Verbe vieux comme le monde, puisqu’il se réfère à la conscience humaine, à la liberté humaine.

Vaste débat, qui a traversé l’Histoire puisqu’il en appelle à l’Ethique, à la Morale, à la Philosophie, au Politique, au Juridique - dans le contrat social, du vivre ensemble.
Cette question a titillé la pensée de l’Antiquité à nos jours.

A travers la littérature :

Dans la mythologie grecque, Sophocle fait dire à Antigone que la défense de l’Etat ne saurait permettre de passer outre les lois non-écrites. C’est une femme qui émerge, plus de 1000 ans avant notre ère, comme figure de la désobéissance aux lois de la Cité. Femmes encore, sorties de l’imagination d’Aristophane qui innovent dans la désobéissance en conjugant enjeux d’Etat et intimité quotidienne ; Lysistrate convainc les femmes de toutes les cités grecques de faire la grève totale du sexe tant que les hommes feront la guerre. Athènes y gagnera la défaite et les femmes des hommes vivants.

De La Boétie, en 1570 dans le Discours de la Servitude Volontaire à Thoreau (1870) en passant par Alain (penser c’est dire non), du Pasteur Luther King à Gandhi, qui par la désobéissance, dans l’action non violente ont gagné le droit à l’indépendance pour l’Inde, l’abolition de la ségrégation entre Noirs et Blancs, on voit au cours de l’Histoire que c’est un débat qui a questionné la morale et la politique, ainsi que la nature de leur relation.

De tous temps, en France et dans le monde, pour gagner des libertés, des droits, il a fallu à un moment ou à un autre que des gens entrent dans l’illégalité :

-  femmes qui gagnèrent le droit à l’avortement et à la contraception en bravant la loi (manifeste des 343 salopes) et MLAC qui pratique des avortements gratuits à domicile (réappropriation par les femmes de leur corps)
-  refus de partir à la guerre d’Algérie ou d’Indochine, refus de pratiquer la torture (Henri Alleg, De la Bollardière), Refuzniks en Israël
-  résistance en 1940
-  Indiens du Chiapas
-  sans-papiers en 1997 (suite à loi inique qui viole les libertés, et emprisonnement d’une femme qui a hébergé des sans-papiers, des cinéastes lancent l’appel à désobéir)
-  droit à un toit : en 1990 48 familles expulsées à Paris campent 4 mois ; DAL gagne le droit au relogement. Elus qui s’opposent aux expulsions et sont cités au Tribunal.
-  Larzac
-  OGM
-  radios pirates avant 1981 : droit d’émettre ondes radiophoniques
-  PCF qui présente des femmes aux élections avant droit de vote des femmes

Les élus ne sont pas des représentants de la loi, mais du peuple.
Ils ne sont pas hors la loi, c’est la loi qui est hors la société.

Il peut paraître choquant dans une démocratie de désobéir, paradoxal d’attaquer la loi pour défendre le droit. Mais le rôle de la loi dans une République, c’est de promouvoir l’intérêt commun, l’intérêt de tous et non de quelques uns.

Le droit est-il seulement la somme des lois ?

Il y a du droit en formation, reconnu dans les grands textes juridiques à portée universelle (Déclaration des Droits de l’Homme - Constitution de 1945).

La désobéissance est assurément un acte illégal. Peut-elle être un acte fondé en droit ?
Hors la loi, hors du droit ?

Quand on a épuisé tous les recours disponibles dans le cadre du droit existant, il faut agir pour changer le droit, ou agrandir son champ. Pour certains juristes, la résistance est un acte, un fait, ce n’est pas du droit. Elle peut être légitime moralement, politiquement, mais pas juridiquement ; car remettre en cause le résultat du contrat social serait retourner à la loi du plus fort.

Evoquer des principes universels qui sont au-dessus des lois, l’état de nécessité.
Se poser la question : où se trouve le droit dans notre société ? Dans la sphère de la représentation politique qui élabore les lois et les déverse dans la société civile qui n’a qu’à obéir ? Ou bien le droit s’enracine-t-il là où les gens vivent ? Le droit est en formation dans la société. En s’opposant aux lois, on crée du droit.

Tout acte qui s’oppose à la loi n’est pas acte de désobéissance civique. On enfreint délibérément la loi, ou on refuse de satisfaire à une obligation, mais avec des motifs et un but précis.

La loi a trois facettes : obligation, interdiction, autorisation.
L’individu prend deux décisions conjointes : la première de refuser de participer à ce qu’il juge contraire à sa conscience, décision qui le concerne et dont il est prêt à assumer les conséquences ; la deuxième de prendre à témoin la société de son insurrection de conscience.

Ce qui est visé, c’est le débat public. La désobéissance n’a de sens que collective.
(Si les motifs sont personnels, le rebelle déserte, la femme avorte clandestinement, le paysan change de métier pour ne pas aller à l’encontre de sa conscience). Dans la désobéissance, chaque participant à l’action collective désobéit dansl’intérêt général jusqu’à payer de sa personne. C’est une action citoyenne, qui préfère s’expliquer devant un tribunal que devant sa conscience.

Qu’implique la désobéissance au regard de la loi, de la citoyenneté, de la responsabilité politique ? A quelles conditions ? :
-  situation d’urgence
-  bien que toujours fondé sur une décision individuelle, ne reste pas un geste de témoignagne isolé, mais ouvre la possibilité d’une action collective
-  non violence
-  au grand jour, à visage découvert
-  accepte les conséquences, jusqu’à la prison et les effets dans le champ politique

Le citoyen doit-il jamais un seul instant abdiquer sa conscience au législateur ?
Peut-on s’opposer par principe, et ne rien faire en pratique ? Conscience et honneur sont liés
et renvoient à l’engagement, au pari. C’est la contrepartie nécessaire du danger d’arbitraire du pouvoir, l’équivalent démocratique de l’état d’urgence.

L’état de la société, le désengagement du monde politique nécessitent d’autres engagements. Il y a grand besoin de revisiter le contrat social ; urgence de réappropriation de l’intérêt général par les citoyens. La désobéissance civique porte l’élargissement de la liberté (obtient de nouveaux droits) et la transformation sociale. La désobéissance est appropriable par tous, la non-coopération au système oppresseur est accessible à tous, chacun à son degré. Elle enraye la résignation, redonne de la force en soi, redonne la maîtrise de sa vie. Quand on s’expose à des sanctions prévues, on ne subit pas la répression on la défie.
Pour que les moyens restent des moyens, ils doivent toujours être à notre portée.

Désobéir n’est pas seulement une éthique, mais aussi une stratégie de combat.
La désobéissance ne peut être conçue que comme un moment dans un projet plus vaste.

NE JAMAIS OUBLIER QUE LE MONDE EST MENACE DAVANTAGE PAR CEUX QUI TOLERENT LE MAL QUE PAR CEUX QUI S’EMPLOIENT ACTIVEMENT A LE FAIRE



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