Le 29 mai ou le retour de l’histoire ?

dimanche 3 juillet 2005
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L’ASSURANCE SOCIALE :

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une Europe détruite tant sur un plan matériel que sur un plan humain (morts, invalides, blessés), la reconstruction et le développement serait dus, selon la thèse idéologique officielle (actuellement développée par les médias), à deux facteurs complémentaires :

• Le plan Marshall (plan d’aides de financement de la reconstruction) [1]

• L’Etat providence (considéré comme principal acteur de l’Economie)

La question de « l’Etat providence » explicatif du développement économique et social des trente glorieuses (1945-1973) revient avec force. Il est vrai que notre Pays et l’Europe de manière générale ont connu, durant cette période, croissance, plein emploi et assurances sociales (sécurité sociale, chômage indemnisé, retraites, extinction de la pauvreté). C’est d’ailleurs à cette période que s’est construit ce qu’on appelle aujourd’hui le « modèle social Français ». N’oublions pas que celui-ci a débouché sur le fait que l’O.M.S (Organisation Mondiale de la Santé) considère que la France possédait le meilleur système de santé au monde.

Que la thèse de la fin de « l’Etat providence » revienne aujourd’hui en première ligne n’est ni neutre ni dénué d’arrière pensées idéologiques et politiques, ce que nous verrons en deuxième partie.

LA FIN DE L’ETAT PROVIDENCE ?

Il s’agit en fait d’expliquer que la crise de 1973 (dite « crise du pétrole ») met fin à une période politique où l’Etat était le grand ordonnateur de l’Economie, d’où son appellation « d’Etat Providence ». En clair, face à un problème, l’Etat intervenait et le problème était réglé (Etat providence). Lorsque survient la « crise de 1973 », la société constate à ce moment là que :

• les entreprises, se restructurent, ferment et licencient à tour de bras.

• Le chômage progresse de manière rapide,

• L’inflation se développe (10 à 12 % l’an),

• Le déficit public se creuse, alors que dans le même temps les prélèvements obligatoires (impôts) augmentent, posant la question de l’efficacité de la dépense publique.

• Les équilibres sociaux se rompent (déficit de l’assurance chômage, de la sécurité sociale),

• La délinquance et les violences progressent,

Et face à tous ces problèmes, « l’Etat providence » qui continuait à jouer son rôle d’intervenant économique, échoue dans ses tentatives de régler ses problèmes (relance de Jacques Chirac, plan emploi jeune de Raymond Barre [2], relance de 1981, etc.). Les politiques expliquent : « L’Etat Providence » ne peut plus marcher, car mondialisation oblige, il faudrait s’adapter à cette donnée majeure qui s’impose à tous, même au politique [3]. Dans ces conditions, selon l’idéologue interviewé, « le modèle social français » ne marcherait plus [4], « la France qui tombe » [5], « les 35 h sont une aberration » [6], « la France vit au dessus de ses moyens » [7]. Seule aujourd’hui la libéralisation et le libéralisme à l’anglo-saxonne produiraient des résultats positifs (U.S.A, Grande Bretagne).Telle est en tout cas la thèse développée par l’idéologie du consensus de la « science économique » enseigné à l’Université, pratiquée à Bercy et bien relayée par les médias. Et ce, quelque soit par ailleurs les statistiques sur le développement des inégalités, du développement de la pauvreté, en un mot de « l’insécurité sociale » généralisée.

Un autre type d’approche est-il encore intellectuellement possible, ou faut-il comprendre que comme pour le référendum, on n’a le choix qu’entre le OUI et le OUI ?

QUEST-CE QUE L’ETAT ?

Pour réfléchir à la question de l’Etat, il faut alors le faire, non en fonction des objectifs qu’une idéologie lui assigne, mais en fonction de son caractère et de son statut.
• Sous les régimes de dictatures, l’Etat représente l’intérêt de ceux qui ont mis les dictateurs au pouvoir (Hitler, Mussolini, Pinochet), en règle générale les grands possédants. Observons que dans les ex-pays socialistes, la « dictature du prolétariat », s’est transformée en « dictature des intérêts » de la nomenklatura du parti. L’Etat représentait donc là aussi, les intérêts des dominants.
• Sous les régimes dits démocratiques, l’Etat n’a pas changé de nature, il représente les intérêts idéologiques et matériels de la classe dominante. La seule différence, avec les dictatures c’est que cette représentation se joue dans un cadre électoral (l’élection traduit un rapport de forces).

En clair, quelque soit la période historique, et le contexte politique (dictature ou démocratie représentative), l’Etat met en Å“uvre la politique des catégories sociales qu’il représente dans le cadre du « rapport de forces » entre les classes sociales. En d’autre terme « l’Etat est la preuve de la lutte des classes » [8], dont il n’est en définitive que le régulateur politique ultime, avant conflit ouvert (révoltes, révolutions, guerres).

IL N’Y A JAMAIS EU D’ETAT PROVIDENCE :

En 1945, il n’y a jamais eu « d’Etat Providence », car ce qui a été mis en Å“uvre par l’Etat (ex la sécurité sociale) avait été décidé dans le cadre du rapport de forces établi au cours de la seconde guerre mondiale, qui avait vu la bourgeoisie et le patronat faire le choix massif du soutien à Hitler « Mieux vaut Hitler que le Front Populaire », et la classe ouvrière faire le choix de la Résistance. La sécurité sociale, les grandes nationalisations (ex E.D.F), sont écrites en toute lettre dans le programme du Conseil National de la Résistance. Renault fut nationalisé pour avoir fourni volontairement des chars à Hitler. Le « modèle social Français » de 1936 à la Résistance est le produit de cette histoire, et n’a rien à voir avec « l’Etat Providence ». En 1945, aucun patron n’aurait pu dire : « pour la sécurité sociale des salariés, je refuse de payer, car la santé des salariés ne concerne pas l’entreprise » (c’est pourtant l’idée aujourd’hui développée par le M.E.D.E.F).

POURQUOI REPARLER DE LA CRISE DE L’ETAT PROVIDENCE AUJOURDHUI ?

Ce que certains appellent aujourd’hui la crise de « l’Etat Providence », est un détournement idéologique et une réécriture de l’histoire avec deux objectifs assignés :
• Faire oublier le rôle et la fonction du patronat français et de la haute bourgeoisie au cours de la seconde guerre mondiale,
• Empêcher par tout moyen, le retour du « spectre » des luttes sociales (« la lutte des classes »), que les idéologues libéraux avaient cru définitivement enterré, avec le concept de « la fin de l’Histoire », mais que le 29 Mai a remis sur le devant de la scène (l’action militante a été plus forte que la propagande médiatique).

N’oublions pas que récemment, vient de se passer une « révolution dans les urnes » (cf Marianne). Le 29 Mai représente une défaite cuisante pour les promoteurs du libéralisme et de la « fin de l’Etat Providence ». A cette occasion certains politologues ont parlé du retour d’un « vote de classes », dans lequel les « classes populaires » et les jeunes qui ne votaient jamais sur les questions européennes, sont revenus voter en masse et en masse ils ont voté NON. Dans tout le pays, les votes sont majoritairement pour le NON, seules Paris et Lyon [9] votent majoritairement pour le OUI. C’est pour contrer ce renouveau de l’idéologie des luttes sociales, que les idéologues remettent en avant le concept de « fin de l’Etat Providence ».

DE L’ETAT PROVIDENCE A LA VIOLENCE D’ETAT :

Le « NON Français » a engendré le retour d’une psychose du retour potentiel de la « lutte des classes », comme pratique sociale dominante (ce sont les collectifs militants pluriels qui ont gagné le NON). D’où les solutions de repli de l’Union Européenne qui recule les référendums prévus (la preuve de la « lutte des classes » se mesure aussi dans la peur du peuple). Il faut alors expliquer l’Europe aux peuples qui n’ont pas compris. Pendant ce temps là, le budget européen est volontairement en panne [10] et le chômage et la précarité continuent, car il faut tout faire pour que le plan stratégique de reconquête du libéralisme (« retour des français au travail » [11]) se poursuive. L’idéologie de la « fin de l’Etat Providence » s’accompagne d’une politique de « violence d’Etat » (gouvernement par ordonnances) car en définitive, il faut faire payer au peuple, son refus d’obéir aux ordres du Capital. Et si le 29 Mai traduisait le retour de l’Histoire !!

Martigues, le jeudi 23 juin 2005 / Fabrice AUBERT

[1] Je ne développerai pas ici cet aspect. N’oublions pas pourtant que celui-ci a existé afin d’empêcher des pays de « basculer » vers le bloc des pays socialistes. En ce sens, le plan Marshall est la première étape de la guerre froide.
[2] Premier plan qui au nom de l’emploi pour les jeunes,s’appuyait sur une incitation fiscale (la baisse des charges) pour les entreprises, en vue de produire de l’emploi pour les jeunes. Plus de 30 ans après, les plans emplois pour les jeunes continuent selon la même logique (baisse des charges) avec comme seule résultat le développement des déficits (publics et sociaux).
[3] Face aux licenciements Michelin, Jospin déclare : « c’est la mondialisation, je n’y peux rien ». On s’étonne après du 21 Avril...
[4] Nicolas SARKOZY, ministre
[5] Nicolas BAVEREZ, Economiste.
[6] Antoine SEILLIERE, Président du M.E.D.E..F
[7] Thierry BRETON, Ministre de l’Economie
[8] Karl MARX
[9] Deux métropoles « globales », celles-ci étant avant tout des espaces mondialisés dédiés au « capitalisme informationnel ».
[10] Un budget Européen démocratique aurait du s’appuyer sur la signification du NON Français et hollandais (rejet du libéralisme). Pour ne pas en tenir compte, on oppose pour la galerie médiatique 2 conceptions de l’Europe, qui cache le fait que les chefs d’Etats étaient tous d’accord pour une constitution, qui inscrivait dans le marbre, une politique ultra-libérale.
[11] Thierry BRETON, qui propose de reculer l’âge de la retraite, pour « préserver notre modèle social ».



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