Grève dure à la centrale thermique de Gardanne

Plus un Mégawatt ne sort de l’usine !
jeudi 6 février 2014
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Comment un patron allemand, plus habitué dans son pays à cogérer l’entreprise avec les syndicats se trouve désarçonné lorsqu’il se retrouve devant un syndicat de classe, en l’occurrence la CGT. En effet l’idée fixe du patron d’E.ON propriétaire de la centrale thermique de Gardanne est de supprimer des emplois, ce que le personnel refuse. Devant ce mur de solidarité, il vient de s’en prendre directement aux représentants syndicaux. Une mise en acte du fameux accord national interprofessionnel (ANI).

Arrivé sur le site je suis accueilli par les deux secrétaires généraux du syndicat. Première surprise, ce ne sont pas des vieux routiers de la défense des intérêts des travailleurs. Nicolas Casoni et Nadir Hadjali sont jeunes, accueillants, pertinents et surtout décontractés alors qu’ils viennent d’être mis à pied. Mais nous y reviendrons. Dans un préfabriqué situé à l’entrée de la centrale ils me retracent l’histoire de cette usine. Une histoire qui a fâcheusement tendance à se confondre avec une lutte perpétuelle pour l’emploi et qui montre surtout l’évolution négative du tissu industriel de notre pays.


Nadir Adjali et Nicolas Casoni les deux secrétaires généraux CGT de l’usine mis à pied.

En 1953, s’appuyant sur la mine de charbon locale est créée une centrale thermique d’une puissance de 580 Mégawatts. Mais l’histoire s’arrête le 1er février 2003. C’est aux prétextes de la sécurité et, bien sûr de la rentabilité, que le gouvernement Raffarin anticipe de deux ans la fermeture des mines de Provence : conséquence, 340 mineurs au chômage. Aujourd’hui la centrale à Lit Fluidisé la plus puissante au monde, produit 250 Mégawatts avec du charbon en provenance ... d’Australie et d’Afrique du Sud : cherchez l’erreur !

Depuis la privatisation de l’entreprise publique SNET (Unité de production électrique issue des Charbonnages de France) en 2001, les choses sont allées de mal en pis.En 2010, alors que E.ON souhaite arrêter ses usines françaises, la direction décide de fermer la tranche 4 de l’usine.

L’allemand E.ON accusé de condamner a mort ses centrales à charbon françaises.

C’est une histoire de fou. L’allemand E.ON a annoncé la fermeture de cinq centrales thermiques en France. Au total 535 emplois sont menacés à Saint-Avold en Moselle, Gardanne-Meyreuil dans les Bouches-du-Rhône, Hornaing dans le Nord et Montceau-les-Mines en Saône-et-Loire. L’électricien a certainement ses raisons pour fermer ses sites. Sauf qu’il bloque toute tentative de reprise par un autre électricien.

Extrait d’un article du journal Challenge s du 16/12/2011

Pendant 2 ans, toutes les formes d’actions ont été menées par les salariés, que ce soit en termes de grèves, d’interpellations des élus politiques, des pouvoirs publics et de procédures juridiques. Mais c’est grâce à cette démarche revendicative qu’un projet de reconversion en biomasse d’une unité de production a pu être acté entre le gouvernement et E.ON.

Mais c’était sans compter avec la volonté néfaste d’un actionnaire peu scrupuleux car, bloqué dans sa stratégie de réorganisation de l’entreprise, E.ON lance alors un ultimatum aux salariés de l’entreprise : il annonce l’abandon du projet biomasse et le licenciement de 535 agents statutaires de France si les organisations syndicales ne signent pas un accord, remettant notamment en cause le droit de grève dans l’entreprise et les décisions de justice.

C’est ni plus ni moins que le retour d’un système national-socialiste de triste mémoire !

11 juillet 2013 : Après de nombreuses actions les salariés obtiennent enfin la prise de responsabilité des pouvoirs publics car, au-delà de la mise en place d’une médiation qui s’est soldée d’ailleurs par un échec, c’est l’obtention historique d’un engagement d’Etat dans l’accord national SNET qui permet à ce qu’aucun salarié de la SNET ne puisse être licencié conformément aux règles statutaires et en application de la mobilité dans la Branche IEG.  [1]

Depuis septembre 2013 les négociations sont au point mort car la direction s’arcboute toujours sur une réduction d’effectifs, par une réduction des services et surtout l’externalisation du cœur de l’usine : la manutention. Les syndicats ne l’acceptent pas. Ils vont même jusqu’à proposer la création d’une centaine de postes supplémentaires afin de prendre en compte les besoins futurs induits par l’utilisation de la biomasse. Ce qui est parfaitement juste.

Devant l’entêtement patronal, les salariés de la centrale décident alors une grève illimitée. La production s’arrête. C’est une attaque directe envers les intérêts des actionnaires, car la centrale ne vend plus d’électricité. La direction voit « rouge » et décide de s’attaquer directement aux deux secrétaires généraux , Nicolas Casoni et Nadir Hadjali qui me l’annoncent avec un sourire en coin tellement le motif est absurde.
Le 27 janvier ils reçoivent par huissier une assignation leur signifiant « une mise à pieds conservatoire de 30 jours avec perte de salaire » et une convocation « pour entente préalable à un licenciement » pour le motif de : « harcèlement moral ayant porté atteinte à la santé du directeur ». Le certificat médical a bien sûr été obtenu auprès du médecin du travail de l’usine, médecin, qui, je vous le rappelle, est payé par la direction. Là on croit rêver !
C’est du grand n’importe quoi, mais lorsque l’on est du "côté du manche" et que les pouvoirs publics ne disent rien, pourquoi ne pas en profiter.

Le but : faire peur au personnel ! Comme en 14/18, les fusillés pour l’exemple devaient faire sortir de la tranchée les soldats récalcitrants devant tant de massacres. Ces méthodes d’un autre âge sont représentatives de l’état d’esprit des patrons lorsqu’ils se trouvent empêchés par la volonté des salariés : le fascisme ou presque !


Plus de 500 personnes se sont rassemblées le 4 février à la Centrale en solidarité avec les deux sanctionnés

Alors que l’année dernière, avec un taux de syndicalisation de 75%, la CGT obtenait 86% des voix, cette année elle en obtient 89%. C’est la preuve que les salariés de la centrale de Gardanne sont en plein accord avec la lutte menée par leur syndicat.

Nous sommes là dans une véritable bataille idéologique pour nous faire croire à des difficultés économiques comme on voudrait tellement nous le faire croire. Car ce que la direction ne dit pas, c’est qu’avec le « plan biomasse » elle va empocher 2,6 milliards d’euros sur 20 ans versés par le gouvernement et directement pris sur nos impôts. Devant une telle somme, les 182 postes exigés par les salariés ne sont que peu de chose. Bien sur, comme pour Fralib, le gouvernement socialiste ne fait surtout rien. C’est pourtant de notre argent et de l’avenir énergétique de notre pays dont il s’agit.

C’est la raison pour laquelle dans notre département et dans tout le pays, les luttes des salariés avec la CGT se multiplient dans une démarche d’action de convergence interprofessionnelle et intergénérationnelle. C’est tous ensemble que nous gagnerons. Unis et déterminés pour le progrès social, quoique puissent en penser les eurocrates de Bruxelles et les crânes d’oeufs de Bercy ! Nous sommes tous solidaires avec les deux de Gardanne !

La_peniche


[1Mais pour obtenir cet accord, le syndicat avait le couteau sous la gorge car il devait accepter aussi la fermeture de deux sites en France : Montceau-les-Mines en Bourgogne - 68 salariés - et Hornaing dans le Nord – 96 salariés.



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