Claude Guéant : le valet de piques.

vendredi 22 avril 2011
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Sur ordre de son maître, ce très obéissant collaborateur chasse en terre lepéniste.

Enfoncé, Hortefeux !.

Dépassé, Besson !.

Claude Guéant, le nouveau ministre de l’Intérieur, revient tout juste d’Italie, où il est allé faire de la surenchère contre son homologue berlusconien pour endiguer le flux des clandestins tunisiens, quitte à malmener les accords de Schengen...

Sur les traces de Marine Le Pen, qui s’était précipitée à Lampedusa ?.

En à peine un mois, il a crevé le fin plafond qui sépare l’UMP du FN, à coups de petites phrases comme autant de coups de canif dans le contrat (républicain).

Pour mémoire, le 17 mars sur Europe 1, premier coup de cymbale :

« Les Français, à force d’immigration incontrôlée, ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux ».

Commentaire d’une grande élue UMP issue de la diversité :

"Cette phrase, je ne pourrais pas la dire, moi, sur le marché !
Les Français qui peuvent dire cela, c’est ceux qui sont de souche : le message est clair".

Guéant en remet une souche, pardon une louche, quatre jours plus tard au « Talk Orange »-« Le Figaro » :

« Les Français partagent ce constat : un excès d’immigration irrégulière les trouble, les ennuie... ».

Apologie de l’intolérance ?.

A propos de la guerre de Sarko en Libye, il lâche dans la même émission :

« Heureusement, le Président a pris la tête de la croisade pour mobiliser... »

Contre les infidèles ?.

Interrogé sur la place de l’islam en France le 4 avril, Guéant lâche une nouvelle rafale :

« C’est vrai que l’accroissement du nombre de fidèles de cette religion et leur comportement posent un problème ».

La phrase de Guéant n’est pas si loin de celle qui a fait condamner Hortefeux en première instance :

« Quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a problèmes ».

L’élève va dépasser le maître en fines saillies ?.

Dernier feu d’artifice en date dans le « Fif-Mag » (8/4) :
Guéant s’en prend notamment à « l’immigration légale (...) de travail », vantée par Sarko en 2005 comme « choisie ».

Une sortie qui a fait bondir Christine Lagarde et Laurence Parisot, et tiquer Jean-François Copé.

S’il divise a droite , en plus...

Le ministre de l’Intérieur est assurément en mission commandée de l’Elysée, mais sans grand résultat : malgré ses clins d’oeil appuyés, les sondés votant UMP restent à 21% tentés par le FN, d’après une enquête Viavoice- « Libé » (11/4).

Ses dérapages sont-ils aussi « calculés » que l’imagine la presse ?.

Une ex-conseillère du Président qui a longuement pratiqué Guéant nuance :

"Sarko lui a donné cette feuille de route, mais sûrement pas dit de créer une polémique chaque semaine.

C’est le baptême du feu d’un novice en politique. Je sais qu’il est surpris par la violence des réactions...".

Jean-François Copé, le patron de l’UMP, confirme :

« Tout n’est pas volontaire ».

Comme cette phrase lâchée au « Figaro » (7/4) :

« Je ne serai pas le ministre des faits divers », sans se rendre compte que c’est ce que faisait Sarko Place Beauvau, réclamant à chaque drame une loi pour les victimes !.

Rien ne préparait le très courtois Claude Guéant, 66 ans, « animal à sang froid » et « économe de ses mots », à tenir ce rôle de boutefeu, après sa carrière rectiligne de préfet.

Si ce n’est, peut-être, sa proximité avec son premier mentor, Charles Pasqua, qui fit de lui son dircab adjoint en 1993 à l’Intérieur avant de le bombarder l’année suivante directeur général de la police nationale, où il brilla dans la gestion des attentats islamistes.

Devenu l’indéboulonnable et indispensable bras droit de Sarko depuis 2002 ; Guéant, bourreau de travail mais toujours disponible, se montre désormais prêt à sacrifier son image aux intérêts électoraux de son patron :

« A l’Elysée, raconte une ex-ministre, il assistait à presque tous les rendez-vous de Sarkozy, prenant des notes dans son petit cahier, mais on ne sait jamais ce qu’il pense. Aujourd’hui, il dit et fait ce que Sarko lui dit ».

Nombre de conseillers évincés lui reprochent d’avoir isolé Sarkozy, éloigné ceux qui osaient lui parler franchement.

L’un deux croit connaître la raison de cette tendance à faire le vide autour du patron :

« Claude Guéant garde la peur typique des préfets d’être débarqué du jour au lendemain ».

Lui qui ne se met jamais en colère rassure et tempère son patron éruptif, mais sa « servilité », dixit ses détracteurs, l’a toujours empêché de lui dire non, même lorsque Sarko lui faisait faire le sale boulot de passer des savons à Fillon, ce qui humiliait encore davantage le Premier Ministre.

« Imbu de son pouvoir, dans l’ombre confortable du Président », Guéant a encore fourbi ses réseaux dans la police et le renseignement, ou chez les francs-maçons, et s’est mêlé de tout : des dossiers industriels, en poussant Proglio à EDF, aux dossiers diplomatiques, en accomplissant des missions secrètes en Afrique ou au Moyen-Orient.

Il s’est lié à des intermédiaires sulfureux, comme Alexandre Djouhri, qu’il trouve « très sympa », il a noué des liens étroits avec l’ex-patron du renseignement libyen, Moussa Koussa, et avec son équivalent syrien, il est allé offrir en personne la tête du sous-ministre Bockel à Omar Bongo, qui l’exigeait.

Place Beauvau, ses sorties peu diplomatiques sur l’immigration font déjà soupirer certains flics.

Le secrétaire général adjoint du Syndicat des commissaires, Emmanuel Roux, loue ce « grand professionnel » qui connaît à fond les dossiers et sait écouter.

Mais s’inquiète de la voir multiplier les déclarations très politiques sans trancher dans les réformes internes du ministère :

« Au bout d’un mois, pas l’ombre d’une décision concrète ».

C’est juste que le dérapage plus ou moins contrôlé est un métier à plein temps.

Par David Fontaine dans Le Canard enchaîné du 13/04/2011

Transmis par Linsay



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