Jean-Claude Dassier : Les Sarkopains d’abord.

vendredi 11 juillet 2008
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Vétéran de l’audiovisuel, le nouveau patron de l’info de TF1 et LCI est aussi un vieil ami de Sarkozy.

Longtemps, Jean-Claude Dassier, tout nouveau patron de l’information de TF1 ( et de LCI réunies), n’a eu qu’une maxime pour certifier son exigeante déontologie :

« Viré par la droite, de France Inter, au lendemain de Mai-68 [1], viré par la gauche d’Europe 1 alors propriété de l’Etat, en 1983, cela prouve mon indépendance professionnelle. »

Cette sentence définitive mérite sans doute d’être aujourd’hui affinée.

Si, seul de tout l’état - major mis en place par les Bouygues en 87-88, Dassier a pu, non seulement se maintenir en place, mais aussi bénéficier d’une promotion, il le doit à son sarkozysme patent. Un plus nécessaire, sinon indispensable, dans une chaîne détenue par le meilleur ami du Président (Martin Bouygues), en partie dirigée par un ex-conseiller du Président, le préfet Laurent Solly, et objet de toute l’attention scrupuleuse du même président.

Grand golfeur devant l’Eternel, Jean-Claude n’a pas attendu le 6 mai 2007 pour manifester ses sentiments légitimistes.

Dès l’été 2005, il était, et a plusieurs reprises, le convive du chef de l’Etat du côté du bassin d’Arcachon. Plaisante villégiature où, aux municipales de mars dernier, il s’est, sans succès, présenté au titre de la majorité présidentielle dans la commune de La Teste-de-Buch.

Accessoirement, gérant de la société informatique L’Enchanteur des Nouveaux Médias- tout un poème ! -, son fils Arnaud, 39 ans, a installé le site Internet de l’UMP.

Plus cocasse : c’est par un souhaitable « renouvèlement » des équipes dirigeantes que Dassier père justifie le grand remue-ménage qui affecte aujourd’hui la Une.

Le raisonnement se tient.

En fonction depuis 1988 dans le groupe, Jean-Claude, 67 ans le 28 de ce mois, a trois ans de plus que son prédécesseur à la direction de l’information de TF1, Robert Namias, un autre ancien d’Europe1 au passage.

« Namias-Mougeotte (ex-vice-pédégé désormais autorecasé au »Figaro« ), Dassier, ect,, c’était une fine équipe, qui dans les années 70 roulait un peu des mécaniques dans les restaus du quartier des Champs-Elysées », se souvient un vieux routier de l’audiovisuel. « La station (domiciliée dans le secteur) était numéro un de l’audience, elle gagnait un fric fou ; ils étaient les rois ».

Arrivé à TF1 privatisée dans la foulée de ses potes, Dassier ne sera d’abord que roitelet dans la maison. Il y dirige tout ce qui relève du sport, jusqu’à ce que le nouveau pédégé Le Lay décide de se charger lui-même des contrats de retransmission du foot.

Dassier se reconvertit à LCI, la chaîne tout info de la maison, la première du genre en France et qui, pour les Bouygues, présente un autre avantage : se faire un max de potes chez les élus, les artistes, les auteurs et même les confrères en leur ouvrant largement une antenne évidemment plus large que sur TF1.

LCI, la chaîne qui a révélé Pujadas, Melissa Theuriau, Anne-Sophie Lapix, ect., c’est pour Dassier, qui roule en Mercedes de fonction, la Rolls de l’info.

Quand apparaissent ses concurrentes (i-Télé pour Canal, et plus tard BFM), il n’a pour les nouvelles venues que la plus intense commisération.
Sûr : avant de s’affirmer, les chaînes de la TNT vont connaître « des déficits considérables ».

Pas faux, mais partial et partiel.

Toujours payante, LCI se fait tailler des croupières par ses rivales gratuites, et ses pertes, en cours de réduction, ont grimpé jusqu’à 3,5 millions d’euros. Aujourd’hui, il n’est plus question de « mutualisation » - de mise en commun si l’on préfère - de services et de moyens entre TF1 et sa petite soeur.

Direct, à l’occasion colérique, maugréant beaucoup et l’œil toujours vrillé sur les quatorze petits écrans de son bureau, Dassier a ses partisans et ses adversaires au sein de la Chaîne Info.

Les premiers mettent en valeur sa « réactivité » à l’évènement, son souci du détail, son côté « amateur de bons pinards ».

Les seconds se lassent de son interventionnisme orienté.

L’un deux : « On ne peut pas lui dénier un certain zèle. Jusqu’à une date très récente, le conseiller officieux de Sarko, Patrick Buisson ( »Le Canard« du 25/6), jouait chez nous les quasi-gourous. En tout état de cause, Dassier dévie rarement d’une règle simple : ne pas gêner le Président. LCI ne s’est pas trop étendue, par exemple, sur les fermetures annoncées de casernes. En revanche, elle a diffusé des reportages sur les reconversions réussies de villes privées de garnison. »

Un autre : « Pendant la campagne présidentielle, il était assez coton de mentionner un sondage défavorable à Sarko, dont on repassait beaucoup les grands discours. Ce n’était évidemment pas le cas pour Ségolène, que Dassier n’appelait que »l’autre nunuche. Idem lorsque Sarko a commencé à dévisser dans les sondages (toujours eux) à l’automne dernier.

Là, difficile de faire l’impasse.

Mais on voyait aussitôt se pointer une Rama Yade ou une autre éminence qui venait doctement expliquer que tout cela n’avait aucune espèce de signification.".

"Dassier, poursuit le même, ne connaît que deux réponses à la plus minime de nos remarques.
- S’il s’agit de nos conditions de travail ( nous bossons tout de même beaucoup et vite) :
« Tu te crois à la Poste ? »
- Si la revendication est un peu plus politique :
« Mais qui est-ce qui te paie ? »

Voilà un sujet sur lequel Dassier, lui, ne cultive pas le moindre doute.

Par Patrice Lestrohan dans Le Canard Enchaîné du 09/07/2008

Transmis par Linsay


[1La charette fut alors assez fournie.



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