Une analyse sur les élections au Chili

mercredi 29 décembre 2021
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Il y a un débat ici en France sur les leçons à tirer de l’élection présidentielle au Chili, ci-dessous l’analyse de Jean-Pierre Page participant de ce débat dans lequel il pointe un « manque de lucidité délibéré, ce qui n’est même pas certain, [et] consiste à vouloir faire croire que la »gauche« par un miraculeux coup de balancier repartirait de l’avant et que par effet domino la »gauche« en France va ou pourrait bénéficier de ce mouvement. »
Il poursuit...

Cela me conduit à faire quatre remarques !

1) Certes, l’on ne peut que se féliciter de l’échec des Etats-Unis et de l’extrême droite au Chili, au Honduras, au Pérou, possiblement en Colombie et sans doute prochainement au Brésil.
Mais de là à considérer ces succès du mouvement populaire comme acquis et synonymes obligatoirement de progrès social, voire plus, il y a une marge. D’abord comme le souligne le petit-fils d’Allende il y a la réalité des positions politiques des uns et des autres et leur référence à la « gauche » sont extensibles selon les circonstances. Ce qui ne veut pas dire que ces élections ne traduisent pas une évolution positive du rapport des forces. Cela exige d’être lucide et prudent pour ne pas avoir à se mordre les doigts par la suite. Ce qui sera décisif c’est la force et l’intelligence du mouvement populaire comme c’est le cas ces derniers mois à Cuba, au Chili, au Nicaragua, au Venezuela et en Bolivie. En sont la démonstration : Cuba ou l’on constate l’échec des manifestations « pro démocratie », l’isolement des forces manipulées par Washington et en Bolivie, la marche de 200 kms à travers le pays d’1 million de personnes à l’appel des communautés indigènes, des syndicats, des forces progressistes, etc.

2) Toutefois l’impérialisme n’a pas pour habitude de rester l’arme au pied. De plus il y a les contradictions au sein du mouvement populaire. Au Venezuela sans sous estimer le succès politique de Maduro aux récentes élections mais avec une abstention massive, il ne faut pas perdre de vue le pragmatisme des forces de la bourgeoisie et par ailleurs les critiques fortes du PC et les discriminations dont il fait l’objet, ainsi que les faiblesses structurelles du syndicalisme. Au Honduras, au Pérou, en Colombie et au Chili et même au Brésil les forces extrêmes de la droite fasciste et nostalgique des dictatures sont en recul mais demeurent très influentes.
Elles ont même repris du poil de la bête après leur victoire électorale en Uruguay et récemment en Argentine. La cause de ces échecs étant comme souvent les dérives social-démocrate d’autant qu’en Amérique latine comme ailleurs, en Europe, la « gauche » adore le moindre mal, les demi mesures, les conversions au libéralisme et aux préoccupations sociétales au détriment des luttes de classe. Nous n’en avons
pas l’exclusivité. Il faut donc raison garder. Il ne s’agit pas de faire la fine bouche, mais de garder les yeux grands ouverts comme le font les Cubains qui ont une longue expérience et qui bénéficient en ce domaine des leçons politiques de Fidel. D’ailleurs je remarque que Lula même si il est donné gagnant, à condition qu’il se présente, ce qui n’est pas encore le cas, souligne que vaincre Bolsonaro et les américains exigera une longue et dure bataille sur le contenu autant que sur l’ampleur de la mobilisation. On ne saurait tout réduire aux alliances d’autant que celles-ci surtout en Amérique latine sont changeantes. Il faut espérer que l’on aura tiré les leçons des causes des échecs et des défaites précédentes en particulier au Brésil au sein de son mouvement politique et syndical du PT à la CUT. C’est donc à voir !

3) Quant à l’OEA, il y a et c’est tant mieux de nombreuses critiques, mais elle est toujours en place, la CELAC peut être une alternative mais la CELAC est très composite et elle va de gouvernements de droite jusqu’à la gauche.
Donc ce n’est pas si simple car en Amérique latine on peut chasser la droite et la droite extrême y compris par opportunisme politicien, mais ensuite connaître les compromis, les freins et réticences qui conduisent aux remises en cause, aux désespérances, aux regrets et aux démobilisations. Par conséquent là aussi il ne faut pas se raconter d’histoires. Quant à la Chine et la CELAC, oui certes, mais là aussi il faut avoir une photographie réelle des choses. La Chine a vu ses relations sensiblement progresser en Amérique latine où des pays, même comme le Brésil de Bolsonaro ont 30% de leurs échanges commerciaux avec celle-ci. Mais la Chine se garde bien d’exporter son système. Disons plutôt que de nouveaux gouvernements
progressistes en Amérique Latine y compris par leur politique pragmatique peuvent contribuer à isoler les Etats-Unis dans leur campagne de diabolisation de la Chine, et de mise en échec du programme des « nouvelles routes de la soie » dont Cuba entre autre est maintenant totalement partie prenante, ce qui est une très bonne chose.

4) Biden depuis son arrivée à renforcé l’étau sur Cuba et a repris à son compte la politique de Trump. Il n’y a que les gogos qui pensent qu’il a changé ou qu’il ne respecte pas ses promesses. C’est d’ailleurs ce que fut la politique d’Obama capable de se rendre à La Havane, rétablir le statut de son Ambassade, s’abstenir pour la première fois sur la résolution condamnant le blocus US à l’assemblée générale des Nations Unies et avant son départ approuver une directive contre Cuba plus contraignante encore que les précédentes. Ce qui a permis à Trump d’enfoncer le clou.

Cela dit, la radicalisation de la crise systémique, le déclin des USA, la montée en puissance de la Chine, l’exigence de multilatéralisme dans les relations internationales, les progrès des alliances anti hégémoniques conjuguées aux actions du mouvement populaire peuvent créer des situations permettant aux forces conjuguées de l’antiimpérialisme et de l’anticapitalisme de marquer des points. L’espace existe et il faut l’occuper. Entre risques et opportunités, il serait
inconcevable que les forces révolutionnaires ne trouvent pas dans ces conditions des raisons supplémentaires de se mobiliser et agir.

Comme on le sait on a rien sans rien, sans luttes et surtout sans clairvoyance et clarification. Le texte du petit-fils d’Allende a cette utilité

Fraternellement, JP Page



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