Bant Singh chante la révolte des intouchables.

samedi 24 février 2007
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Ses chansons et sa résistance à l’oppression de caste ont fait le tour du Pendjab.
Il porte désormais les espoirs de milliers de ses semblables, qui l’ont surnommé le « révolutionnaire ».

Bant Singh est un intouchable sikh, un chanteur rebelle qui, pour briser les tabous les plus anciens, exprime son mécontentement à travers des ballades. A Burj Jhabber, son village, il fait figure de légende. Même si certains habitants ont peur de le suivre, beaucoup d’autres l’ont rejoint, peut-être dans l’espoir que son action aboutisse à la libération des intouchables.

Le district de Mansa, où il vit, est situé dans une région du Pendjab [dans le nord-ouest du pays] qui fut jadis prospère. On raconte que des milliers de paysans endettés s’y sont suicidés en absorbant le même pesticide que celui qui avait détruit leurs récoltes. La drogue et l’alcool y font des ravages, le fÅ“ticide féminin est quasiment la norme et la violence est permanente. Pour les activistes, ces conditions sociales sont le cocktail idéal pour une révolution de gauche ou le retour d’une idéologie de droite.

La situation des intouchables à Burj Jhabber est la même que dans le reste de l’Inde. Comme dans la plupart des autres villages, pas un seul d’entre eux n’y possède des terres. Les fonds gouvernementaux destinés à améliorer leur sort sont usurpés par les membres du conseil du village, tous de caste supérieure. Ils vivent dans de petites huttes d’argile et de chaume. Ils sont employés comme journaliers dans les champs ou accomplissent des corvées pour des salaires de misère.

Endettées, beaucoup de femmes doivent trimer pendant des années pour rembourser de petites sommes. Dans ce village relativement prospère, les intouchables sont relégués dans une zone où il n’y a ni centre de santé, ni école, ni eau courante, ni toilettes. Si l’un d’eux essaie de protester ou refuse de travailler, leur maître en informe le temple sikh et l’ensemble des intouchables - hommes, femmes et enfants - sont interdits d’ablutions dans le village.

Un provocateur qui remet en question l’ordre établi

C’est parce qu’un tel système rend toute protestation presque impossible que le cas de Bant Singh est si singulier. Rejetant l’idée d’aller travailler dans les champs, cet homme a monté une porcherie, un élevage de volailles et un petit commerce de jouets. Il refuse également de se rendre dans le temple sikh du village, où les membres de sa caste ont été humiliés. Son comportement, qui remet en question les fondements des dogmes hérités de l’époque féodale, a alarmé les propriétaires terriens.

Pendant un temps, Bant Singh a collaboré avec le Bahujan Samaj Party [Parti des masses], un parti politique fondé pour représenter les personnes marginalisées et discriminées par le système de castes. Puis il a lutté sur divers fronts avant de rejoindre le Parti communiste indien - marxiste-léniniste (PCI-ML), qui, au début des années 1970, a commencé à attirer les travailleurs ruraux les plus démunis de l’Etat du Bihar [dans le nord-est du pays] pour s’en prendre ensuite aux propriétaires terriens de l’Etat. Le PCI-ML, qui compte aujourd’hui six élus à l’assemblée régionale du Bihar, bénéficie d’un soutien important dans le district de Mansa.

Mais c’est ultérieurement que Bant Singh a véritablement franchi un cap, en rassemblant les petits paysans et les paysans sans terres - les intouchables en particulier - de douze villages au sein d’une vaste organisation, le Front de libération des travailleurs. Face au succès de sa campagne, les propriétaires terriens de la région ont lancé une violente contre-offensive. Début janvier 2006, alors qu’il rentrait chez lui à vélo après une journée d’action, il a été très violemment agressé. Le médecin qui l’a reçu a refusé de le soigner avant de toucher 1 000 roupies [environ 17 euros]. Mais, le temps de réunir cette somme, la gangrène s’était déjà déclarée, et Bant Singh a dû être amputé de ses deux avant-bras et de sa jambe gauche.

C’est alors qu’un vent de résistance s’est levé. Le PCI-ML et 14 autres organisations ont conduit des actions massives de protestation. L’histoire de Bant Singh a fait le tour des villages, et le rebelle intouchable est devenu une légende vivante dans la région. Pour beaucoup d’habitants, sa lutte pour la dignité sortait des clichés politiques habituels et s’inscrivait dans un mouvement humain de libération. Il est ainsi devenu un symbole d’une résistance qui a commencé à faire reculer les propriétaires terriens devant les pauvres. Ses agresseurs ont d’ailleurs été arrêtés et jetés en prison. Le gouvernement de l’Etat du Pendjab lui a versé 1 million de roupies et a ordonné la radiation du médecin qui avait refusé de le soigner. D’ailleurs, des centaines de visiteurs se pressent chaque jour à l’hôpital pour le voir, lui parler, et écouter ses idées et ses chants révolutionnaires.

Source : Le Courrier international

Transmis par : Linsay



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