Indépendance de l’Ecosse : la position du parti communiste de Grande Bretagne.

samedi 20 septembre 2014
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Le Parti communiste de Grande-Bretagne, dès mars 2014, expliquait, tout en rappelant sa position constante pour le droit des peuples à l’autodétermination, pourquoi il ne pouvait soutenir la revendication d’indépendance dans les termes où elle est posée.

Position rappelée à la veille du scrutin par Tommy Morrison, secrétaire écossais du Parti communiste de Grande-Bretagne

Dans sa déclaration de mars 2014, le Comité écossais du Parti Communiste Britannique (CPB) rappelle qu’il "défend le droit des nations à l’autodétermination et condamne le gouvernement de coalition pour ses menaces de non-coopération".

Pour autant "les communistes ne croient pas que l’indépendance dans les termes proposés soit dans l’intérêt du monde du travail pas plus aujourd’hui qu’elle ne l’était dans les années 1970. A cette époque, les communistes et la gauche syndicale ont lutté pour que le parlement écossais ait le pouvoir
- d’intervenir dans l’économie,
- de développer les services publics
- de renforcer la puissance de travail sur le capital.

Pouvoir qui à son tour aidait les travailleurs de toute la Grande Bretagne.

Notre conviction est que l’indépendance telle que proposée dans le Livre blanc affaiblirait ce pouvoir et renforcerait celui de la grande entreprise et de sa machine d’état, tant au niveau britannique qu’écossais. L’adhésion à la zone sterling subordonnerait l’Ecosse aux politiques néo-libérales actuelles sans aucun pouvoir de les changer - tout en érodant la possibilité d’une action de la classe ouvrière unie à travers les nations de la Grande-Bretagne.

Pire encore, l’adhésion à l’UE obligerait Ecosse à incorporer dans une constitution écrite les termes du Traité de 2012 sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Ce traité exige des contrôles encore plus sévères sur les dépenses du gouvernement que le Pacte de stabilité et de croissance - avec le même objectif : utiliser le chômage en tant que régulateur du marché pour freiner le mouvement syndical. S’il est concevable que certains des aspects les plus réactionnaires du Livre blanc, comme l’adhésion à l’OTAN ou la réduction de l’impôt des sociétés, pourrait être annulée à la suite de la mobilisation politique ultérieure par la gauche, nous jugeons qu’il est extrêmement peu probable qu’il y aurait un renversement de position sur l’adhésion à la zone Sterling et à l’UE." (mars 2014).

Timmy Morrison rajoute " S’il y a un vote « Oui », l’Écosse fera sécession en moins de deux ans, en mars 2016. Les députés écossais quitteront alors Westminster. Et si un gouvernement travailliste est élu en 2015, il devrait tomber : sur 59 députés écossais, un seul est conservateur, 44 sont travaillistes.

Les communistes d’Écosse ne soutiennent pas l’indépendance en ces termes. Depuis les années 1930, la revendication des communistes a été celle du fédéralisme progressiste, une revendication soutenue également dans les années 1970 par le TUC (Congrès des syndicats écossais) et le mouvement ouvrier écossais.

Qu’est-ce que signifie « progressiste » ? C’est un fédéralisme qui ne soit pas simplement un arrangement constitutionnel mais un instrument qui facilitera la lutte pour le changement social progressiste dans toutes les nations de Grande-Bretagne – qui permette une redistribution sociale des richesses et du pouvoir.

Sous un fédéralisme progressiste, le gouvernement fédéral au niveau britannique contrôlerait la politique économique générale et serait constitutionnellement contraint de redistribuer les revenus géographiquement en proportion des besoins sociaux.

Les Parlements d’Écosse, du Pays de Galles, et régions d’Angleterre qui se mobiliseront, auront le pouvoir de reprendre possession publique de services essentiels, d’intervenir industriellement pour soutenir l’emploi et augmenter le contrôle de la classe ouvrière sur les ressources de leur pays.

C’était la vision de l’Assemblée écossaise de 1972 : pour un « parlement ouvrier » - dont les actions aideront à relayer les luttes ailleurs, à unir et non à diviser.

L’indépendance que propose le « Livre blanc » du gouvernement SNP (Parti national écossais) est très différente et, nous communistes le pensons, est un piège pour les travailleurs. Cela affaiblira, et non renforcera, leur position contre le grand capital et les banques.

La recette du « Livre blanc » pour la croissance économique est de baisser l’Impôt sur les sociétés. Il cherche à offrir une stabilité pour que le secteur financier important en Écosse reste dans la zone Livre et à garantir le droits du grand capital étranger, qui détient plus de 80 % de l’industrie manufacturière écossaise, en recherchant l’adhésion à l’UE.

Sans une banque centrale ou sa propre monnaie, le budget écossais serait toujours fixé par Westminster – et une Westminster gouvernée par les Conservateurs (Tories). L’austérité continuera. Et elle sera orchestrée par l’Union européenne.

Le Traité de Stabilité de 2012 de l’UE, que l’Écosse devra incorporer dans sa Constitution, spécifie que les déficits annuels ne doivent pas excéder 0,5 % et, si la dette à long-terme ou la dette nationale excède 60 % du PIB, il convient de la rabaisser de 5 % par an. La dette de l’Écosse est actuellement estimée à 85 % du PIB.

Ainsi une indépendance dirigée par le SNP aggraverait l’austérité. La propriété publique ou les subventions publiques pour l’industrie, vous pouvez les oublier. Ce n’est pas permis par les règles de l’UE.

De façon surprenante, certaines parties de la gauche se sont engagées dans la campagne pour le « Oui » : le Parti socialiste écossais, le Parti des travailleurs socialistes, Solidarité, le Groupe socialiste international, le Parti socialiste en Écosse et même certains éléments du Parti travailliste font désormais partie de la Coalition radicale indépendante.

Il y a deux raisons. Premièrement, le SNP a très intelligemment pris l’engagement d’une Convention constitutionnelle qui devrait se tenir immédiatement après les premières élections au Parlement écossais en 2016. Elle aura la liberté d’analyser toutes les options constitutionnelles pour une Écosse indépendante. Comme le disent les partisans radicaux de l’Indépendance : « tout sera ouvert ».

Sauf que cela ne sera pas le cas. Les propositions du SNP notent que la composition de la Convention devra refléter la volonté démocratique du peuple écossais exprimée dans l’élection précédente. La Gauche radicale sera bien heureuse de gagner 5 %. Dans les conditions actuelles, elle aurait moins de 2 %.

Et ce sera alors trop tard de toute façon. L’adhésion à l’UE, l’OTAN et la zone Sterling sera négociée, selon le SNP, dans les quinze mois précédant la Convention constitutionnelle. Et sur la question de l’UE, la plus importante, la Coalition radicale indépendante est elle-même profondément divisée.

Mais il y a une seconde, probablement plus importante, raison à ce soutien de la gauche. C’est la conduite de la campagne pour le « Non ». La Campagne « mieux ensemble » est une coalition du Parti travailliste, des libéraux-démocrates et des conservateurs, elle est donc incapable de proposer une perspective qui peut séduire la gauche.

Pire, elle insinue l’adoption de menaces qui viseraient à saboter l’indépendance : menaçant le retrait de contrats de défense et refusant, même si ce sont pour de bonnes raisons économiques, l’adhésion de l’Écosse à la zone Livre.

Les voix de gauche dans le camp du « Non » sont limitées à la Campagne « travailler ensemble », soutenues par un certain nombre de syndicats et au « Livre rouge » et au groupes « le Socialisme d’abord » que les communistes soutiennent.

Ces campagnes ne disposent que de ressources financières limitées et sont ignorées par les médias de masse. Le Sunday Herald, propriété de la multinationale américaine Newsquest/Gannet, a déjà déclaré son soutien à l’indépendance. La presse de Murdoch qui a soutenu le SNP en 2012 pourrait bien faire de même.

Voilà pourquoi les syndicalistes et la gauche de toute la Grande-Bretagne doivent prendre conscience de la réalité de la situation en Écosse. Il y a un danger sérieux qu’en l’espace de quelques mois le mouvement ouvrier britannique soit grandement affaibli et que l’Angleterre et le Pays de Galles (et indirectement l’Écosse) soit condamné pour longtemps à un gouvernement conservateur.

La gauche trotskiste prétend que l’indépendance portera un coup à l’impérialisme. Hélas, l’inverse sera le cas. L’an dernier, le vote historique contre l’action militaire anglo-américaine envers la Syrie aurait été autre sans les députés écossais.

Les millionnaires écossais et les gestionnaires de fonds de pension qui abreuvent de fonds le SNP ne le feraient pas si leurs soutiens financiers à la City de Londres verraient leurs intérêts menacés. L’arrimage du SNP à la zone livre, l’UE et l’OTAN le garantit.

Qu’est-ce qui peut inverser la situation ? Seule une campagne forte de la Gauche pour un changement constitutionnel qui favorise la justice sociale. De façon plus importante, nous avons besoin de revendiquer une démocratie économique – permettant aux travailleurs d’exercer un contrôle sur le capital.

Et, pour avoir une crédibilité en Écosse, ces revendications auront besoin du soutien des syndicats et de la gauche au niveau de la Grande-Bretagne et intégrer les questions plus larges des changements constitutionnels progressistes à ce niveau.

Non moins important, le mouvement a besoin d’affronter la réalité anti-ouvrière de l’UE. Que ce soit l’Écosse ou la Grande-Bretagne, l’adhésion à l’UE empêche toute avancée vers la démocratie économique – un sujet toujours esquivé par ceux qui adoptent une position pro-indépendance."

Pour finir Morrison souligne que c’est une question de classe et de la foi qu’on a en elle en rappelant que Ce sont les luttes unies des années 1970, des dockers de Londres, des chantiers navals écossais, des ingénieurs et des mineurs de Birmingham, qui ont donné ensuite de la crédibilité aux revendications de changement constitutionnel progressiste.

Pour reprendre les mots de James Connolly, la cause de l’Ecosse et celle de de la classe ouvrière ne peuvent être séparées."




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