Voici revenu le temps des expulsions

mardi 1er avril 2014
par  Charles Hoareau
popularité : 4%

Le 1er avril, et ce n’est pas une farce, marque la fin de la trêve hivernale et le retour des expulsions locatives. C’est à ce genre de mesure que l’on mesure le degré de civilisation d’un gouvernement.

« Vous ne pouvez plus payer ? L’enquête sociale effectuée par le commissariat » (et oui en France on considère peut-être que les travailleurs sociaux ne sont pas qualifiés ou trop laxistes et on préfère confier l’enquête sociale à des policiers dont il n’est pas bien sûr que ce soit leur vocation première), « l’enquête sociale donc a déterminé que vous n’aviez pas fait d’effort pour payer » (ou chercher autre chose ailleurs c’est selon). Allez hop dehors"

Et au petit matin un camion arrive, place vos meubles dans un garde meuble (qu’il faudra payer pour pouvoir les récupérer ce qui arrange drôlement les fins de mois) et vous met à la rue. S’il y a des enfants ils peuvent alors être placés et séparés de leurs parents...

Mesures d’un autre âge, les expulsions locatives ont vu leur nombre exploser pour augmenter de 37% en 10 ans....c’est à cela que l’on voit que nos gouvernements ont été efficaces... « En 2011 (derniers chiffres connus), 145 828 ménages ont été assignés en justice pour impayés de loyer ou défaut d’assurance. Parmi ces assignations, 113 669 décisions de justice prononçant l’expulsion ont été rendues. Un chiffre en constante hausse : 81 080 décisions de justice avaient été rendues dix ans plus tôt pour le même motif. » [1]
En 2011, entre le 15 mars et le 1er novembre, 12 759 ménages ont été expulsés avec le concours de la force publique.
Un nombre près de deux fois plus important qu’en 2001 (6 337 expulsions).

Et ne croyez pas que tout vient des gouvernements précédents l’actuel ne fait pas mieux. La fondation Abbé Pierre dans son rapport 2014 estime à 3,5 millions le nombre de personnes mal logées (dont 141 000 sans domicile) et à 5 millions le nombre de personnes fragilisées par rapport au logement...Et quand on sait que « 30% des personnes à la rue le sont à la suite d’une expulsion » selon Patrick Doutreligne de la Fondation on peut en déduire que le nombre des expulsions n’a pas diminué en 2013 [2]

Pourtant comme l’indique la CNL, les impayés ne représentent que 2,5% des loyers et d’autres choix (fonds de solidarité, retour du fonds social des chômeurs, baisse des loyers ou tout simplement augmentation des salaires et politique de l’emploi) seraient possibles.
Dans l’attente, les élus communistes demandent un moratoire des expulsions et quelques uns d’entre eux sont même allés jusqu’à prendre des arrêtés municipaux en ce sens. Mais pour l’instant le pouvoir ne change pas de méthode.

La Fondation parle même d’un « traitement répressif sans précédent » dans la mesure où les procédures d’expulsion sont mises en œuvre « de manière plus systématique ».

Combien de familles seront expulsées cette année ? Nul ne sait mais pour les éviter, il faut sans doute bien plus compter sur les luttes solidaires des habitants que sur le pouvoir en place.

A moins que la nomination récente à Matignon d’un qui jusqu’à hier était encore chef du « service des enquêtes sociales » ne vienne changer les choses....

Là oui, si vous le croyez, c’est que vous avez oublié que c’est le 1er avril !


[1Le Monde du 1er avril 2013

[22011 est le dernier chiffre connu



Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur