Petite Histoire du Premier Mai

Partie 1 :Des origines à la première guerre Mondiale
mardi 1er mai 2018
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Nous republions ces deux articles parus en 2013 sur l’histoire du 1er mai

Retracer, même dans les grandes lignes, l’histoire du 1er Mai, c’est retracer l’histoire des luttes de la classe ouvrière sur les cinq continents. Gabriel Deville, socialiste français, écrivait ainsi en 1896 dans son « Historiques du 1er Mai » : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! - ont écrit Marx et Engels, et le Premier Mai est la consécration de cette union. »
Et effectivement, le 1er Mai est le jour où, de Oslo à Pretoria, d’Islamabad à Buenos Aires, les travailleuses et les travailleurs descendent dans les rues, brandissent des mêmes drapeaux rouges et dans des conditions différentes, parfois malgré une répression sanglante, défendent leurs revendications.

Rosa Luxembourg souligne les origines australiennes du 1er Mai dans un article paru en 1894 dans la Sprawa Robotnicza : « Les travailleurs y décidèrent en 1856 d’organiser une journée d’arrêt total du travail, avec des réunions et des distractions, afin de manifester pour la journée de 8 heures. La date de cette manifestation devait être le 21 avril. Au début, les travailleurs australiens avaient prévu cela uniquement pour l’année 1856. Mais cette première manifestation eut une telle répercussion sur les masses prolétariennes d’Australie, les stimulant et les amenant à de nouvelles campagnes, qu’il fut décidé de renouveler cette manifestation tous les ans. »

Plaque commémorative à Melbourne de la décision des ouvriers de la construction de lancer un mouvement en avril 1856 pour les 8 heures.

En 1884, les syndicats américains se lancent dans une campagne de deux ans pour imposer la journée de 8 heures au patronat. Le 1 Mai 1886, la grève générale est un succès avec 340.000 travailleurs en grève à travers tous les Etats-Unis. A Chicago, alors que les ouvriers en grève de l’usine McCormick se dispersent, la police charge et réprime violemment la manifestation. Un ouvrier est tué et dix autres blessés.
Les journaux anarchistes « Arbeiter Zeitung » et « The Alarm » appellent à un rassemblement contre la répression policière le 4 mai. En fin de manifestation, une bombe lancée par un provocateur explose tuant un policier. La police tire pour tuer : six ouvriers tombent sous les balles.

Appel au rassemblement du 4 mai 1886

Sept militants ouvriers anarchistes sont arrêtés, et accusés de meurtre : August Spies, George Engel, Adolph Fischer, Louis Lingg, Michael Schwab, Oscar Neebe et Samuel Fielden. Un huitième nom s’ajoute à la liste quand Albert Parsons se livre à la police. Le procès s’ouvre le 21 juin 1886 et c’est avant tout le procès des anarchistes et du mouvement ouvrier. C’est ainsi que le procureur déclare au jury : « Ces huit hommes ont été choisis parce qu’ils sont des meneurs. Ils ne sont pas plus coupables que les milliers de personnes qui les suivent. Messieurs du jury : condamnez ces hommes, faites d’eux un exemple, faites-les pendre et vous sauverez nos institutions et notre société. » August Spies, George Engel, Adolph Fischer et Albert Parsons sont pendus le 11 novembre 1887. Les autres militants, condamnés à la perpétuité, seront libérés en 1893 tant l’absence de preuves est criante.
Les organisations ouvrières américaines décident en 1888 d’une nouvelle journée de mobilisation pour les huit heures fixée au 1 mai 1890.

Lors du congrès de Paris de 1889 de l’Internationale Socialiste (IIe internationale) la décision fut prise d’une journée de grèves et de manifestations internationale pour l’obtention des huit heures. Les travailleurs américains ayant déjà fixé une date au 1er Mai 1890, c’est tout naturellement cette date qui est retenue par l’Internationale.

Le 1er Mai 1890 est un succès. En France, on compte des manifestations dans 150 villes françaises et 40 000 travailleurs défilent à Lyon par exemple.

Meeting à Lyon pour le 1 mai 1890

Gravure : 1er mai 1890 à Paris

Dans de nombreux pays d’Europe et d’Amérique, comme en Allemagne (où on compte 100.000 grévistes), en Suède (on compte 50.000 manifestants à Stockholm), en Autriche, en Pologne (avec 10.000 travailleurs en grève à Varsovie) en Italie, en Bulgarie mais aussi aux Etats-Unis ou en Argentine (2.000 manifestants à Buenos Aires), les mobilisations du 1er Mai 1890 sont un succès.

1er Mai 1890 à Goteborg (Suède)

Cette démonstration de force du prolétariat mondial inquiète la bourgeoisie. D’autant que bien des villes et bourgs voient des manifestations ouvrières, comme à Villach, dans le sud de l’Autriche, où des bourgeois se barricadent chez eux de crainte d’une insurrection ouvrière. L’armée est détachée et mobilisée dans cette ville où un meeting ouvrier est organisé. Un travailleur témoigne 13 ans plus tard dans le journal « Volkswille » que lors de ce meeting, deux soldats ont sauté par dessus le mur et sont allés serrer la main des ouvriers en leur disant « Nous sommes des mineurs de Steiermark, vos camarades de parti. Nous n’aurions pas tiré sur vous ».

Appel pour le meeting du 1er Mai à Villach (Autriche)

En 1891, c’est à Fourmies, ville ouvrière du Nord de la France, que la répression s’abat sur les ouvriers en grève. Le 1er Mai 1891, l’armée tire sur la manifestation ouvrière : neuf ouvriers (dont un enfant de 11 ans) sont tués et trente-cinq au moins sont blessés en moins d’une minute.

Dessin publié dans « Le père peinard », journal anarchiste

A l’autre bout du monde, en 1909, c’est à Buenos Aires (Argentine) que les forces de répression tirent sur les ouvriers. A l’occasion du 1 mai 1909, à l’appel de la FORA (Fédération Ouvrière de la Région Argentine, syndicat anarchiste), 1.500 travailleurs se rassemblent à Buenos Aires. La police ouvre le feu tuant 14 travailleurs. La réponse ouvrière est immédiate : la FORA et l’UGT (syndicat socialiste) appellent à la grève générale. Entre 50.000 et 80.000 personnes manifestent le 4 mai à Buenos Aires à l’occasion de l’enterrement des victimes de la répression. La grève est levée le 9 mai après la libération des militants ouvriers arrêtés le 1er Mai.

1er Mai 1909 à Buenos Aires

La répression n’empêche pas, bien au contraire, les manifestations du 1er Mai d’avoir lieu chaque année. De journée pour les huit heures, le 1er Mai devient une journée pour l’ensemble des revendications de la classe ouvrière, qu’elles soient économiques ou politiques. Dès 1901, le mot d’ordre des 1er Mai en Russie est « A Bas l’autocratie ». Pour le 1er Mai 1905, un tract du Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie rédigé par Lénine appelle, dans le contexte de la révolution, au renversement de l’autocratie. On peut y lire : « A bas l’inimitié entre les ouvriers de différentes nationalités ou de différentes religions ! Une telle hostilité sert seulement les pillards et les tyrans qui vivent de l’ignorance et de la division du prolétariat. Juifs et chrétiens, Arméniens et Tatares, Polonais et Russes, Finlandais et Suédois, Lettons et Allemands, tous, tous marchent ensemble sous l’emblème commun du socialisme. Tous les ouvriers sont frères, et leur union solide est le seul garant du bien-être et du bonheur de toute l’humanité laborieuse et opprimée. Le premier mai, cette alliance des ouvriers de tous les pays, la social-démocratie internationale, passe en revue ses forces et serre les rangs pour une lutte nouvelle, inlassable, inflexible, pour la liberté, l’égalité et la fraternité. »

1 mai 1902 à Stockholm

1 mai 1905 à Belgrade

A noter qu’en plus des cités ouvrières d’Europe et d’Amérique, c’est dès 1903, que l’Union Obrera Democratica Filipina organisera une manifestation du 1er Mai à Manille. En Turquie, le 1er mai est célébré pour la première fois à Izmir en 1899, puis à Selanik en 1911 et à Istanbul en 1912.

1 mai 1907 à Paris

1 mai 1908 à Sulitjelma (Norvège)

1 Mai 1912 à New York

1 mai 1913 à New York

Avec la première guerre mondiale, bien des dirigeants et organisations du mouvement ouvrier trahissent les principes de l’internationalisme et s’allient, au nom de « l’Union Sacrée », avec la bourgeoisie. La révolution de février 1917 en Russie change la donne. Déjà en 1916, à l’appel des Spatakistes, des grèves et des manifestations avaient été organisées en Allemagne le 1er Mai contre la guerre. En Russie, des millions d’ouvriers, de paysans et de soldats manifestent à l’occasion du 1er Mai 1917 sous les slogans « A bas les ministres capitalistes ! », « Tout le pouvoir aux soviets ! » et « A bas la guerre impérialiste ! ».

1er Mai 1917 à Minsk (aujourd’hui au Bélarus, alors sous l’empire tsariste)

1 mai 1917 à Pskov (Russie)

Sur le front, en France, 10.000 soldats russes se mutinent et manifestent à l’occasion du 1er Mai. Didier Daeninckx décrit cette manifestation dans un article : « Un groupe, évalué à dix mille soldats, décide de former des Soviets. Un homme prend leur tête, Baltaïs, et il est décidé, pour la première fois au monde, de célébrer le 1er mai en faisant la grève au front ! On déploie des drapeaux rouges, on chante les hymnes révolutionnaires sous les fenêtres des châteaux de Bayé et de Montfort. Les représentants du soviet sillonnent la région, un fanion rouge et noir accroché à la portière de la voiture de l’état-major du général Palitzine qui a été réquisitionnée. »

Manifestation de soldats russes sur le front en France, 1 mai 1917

Avec la victoire de la révolution d’Octobre, s’ouvre une période de crise révolutionnaire internationale. La manifestation du 1er Mai 1919 est massive à Paris et prépare les grandes grèves de juin.

Jean LEVY

La suite : De 1920 à nos jours...

Transmis par la_peniche



Commentaires

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mardi 30 avril 2013 à 15h40 - par  Roger NYMO
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jeudi 25 avril 2013 à 14h27 - par  ermanito_che

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