Les responsables du désastre.

Ou le désarroi de ceux qui voudraient croire à un capitalisme raisonnable
vendredi 25 août 2006
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De l’Irak à l’Afghanistan en passant par le Liban, les initiatives de Bush et de ses alliés, au nom de la guerre antiterroriste,ensanglantent la planète et favorisent tous les fanatismes.

- Ce n’est plus une opinion, c’est un constat.

- Terrible. Lamentable.

- Faut-il résumer ?

Au moment ou l’on bombarde, à jets continus, en laissant chaque fois derrière soi de véritables mares de sang, au nom de la guerre antiterroriste, l’Irak, l’Afghanistan et, hier, le Liban, que nous affirme -t-on ? Que les pires terroristes, les vrais, ceux d’Al-Qaida, sont où ? A Londres. Qu’ils sont anglais et originaires des deux pays les plus étroitement alliés aux Etats-Unis, le Pakistan aujourd’hui et l’Arabie saoudite hier.

- BRAVO, GEORGE !.

- Donc, le bilan est tout simplement consternant, comme on le constatera tout au long de ce dossier* : même les Cassandres les plus catastrophiques - dont il paraît que que nous étions- n’avaient pas imaginé que l’horreur, le chaos, l’ignominie puisse atteindre en Irak un niveau aussi cataclysmique.

C’est le patron du Point, Franz-Olivier Giesbert, qui, il y a deux ans encore, daubait sur « les prophètes de malheur qui (avaient) annoncé une guerre civile en Irak ».

- On y est.

- Qui aurait prévu que plus de jeunes Américains se feraient tuer dans ce pays que d’Américains et de non-Américains de tous âges n’ont été victimes des attentats contre les deux tours du World Trade Center ?
qu’on tuerait, chaque jour en Irak (hors guerre contre l’Iran et le Koweït), beaucoup, beaucoup plus de gens que sous Saddam Hussein (100.000 environ depuis le déclenchement de l’invasion, près de 2.000 en juillet, simplement à Bagdad, soit plus qu’au Liban) ? que des centaines de milliers de chïïtes irakiens, « libérés » par les Américains, manifesteraient en masse à Bagdad, en faveur du Hezbollah en hurlant « A mort les Etats-Unis ! A mort Israel ! » ?
que Al-Qaïda, absent du pays avant l’occupation, en ferait, mais après, son principal terrain de chasse ? qu’il ne serait même plus possible de distinguer la police officielle, pourtant formée par l’occupant, des « escadrons de la mort » ?
qu’après trois ans et demi de « libération », dans une grande partie du pays, la population ne disposerait, pendant une grande partie de la journée, ni d’eau ni d’électricité ?

- Le summum : on en vient à construire des murs pour que des quartiers se protègent les uns des autres.

- BRAVO , GEORGE !

En Afghanistan, l’intervention militaire était juste puisqu’elle visait à expulser, voire à éradiquer, Al-Qaïda qui avait agressé l’Amérique er à renverser le pouvoir taliban complice au profit de l’Alliance du Nord.

Mais en quoi cela justifiait-il les bombardements massifs, totalement inutiles, qui d’ailleurs se poursuivent aujourd’hui, des milliers de civils tués par erreur et, surtout, de facto, une quasi-occupation du pays par les forces alliées ?

Le résultat, c’est que les talibans, un temps complètement éliminés, reviennent en force en ralliant à eux une grande partie de la population exaspérée par les bavures américaines et les révélations sur les traitements des prisonniers, mais, surtout, de plus en plus hostile à ce qui ressemble fâcheusement à une prise en main du pays par les puissances occidentales.

La coalition est en train de se retrouver dans la même situation que les Soviétiques il y a vingt ans et face, sinon aux mêmes adversaires, au moins à leurs enfants.

Presque considéré comme un Pétain local, Hamid Karzaï en arrive à favoriser une réislamisation totale et radicale de la société pour rameuter une clientèle.

- Le comble, c’est que, à l’issue d’on ne sait quel processus surréaliste, Washington est parvenu à entraîner l’Otan, organisation de défense européenne contre le communisme, dans cette galère. Ce qui ravit, naturellement, les populations musulmanes !

- Le Liban : c’était la seule et unique petite victoire « bushiste », puisque l’armée syrienne avait été contrainte de quitter le pays (la France jouant, en l’occurence, un rôle dans ce succès) et que, à l’issue d’élections relativement libres, le camp pro-occidental y avait pris l’avantage et formait un gouvernement élargi.

Or le Liban n’est plus q’un champ de ruines, l’Etat libanais est cassé et la force poitique, militaire, mais aussi, malheureusement, morale, dominante dans le pays apparaît être le Hezbollah, allié à la fraction chrétienne du général Aoun.

Le seul pays qui n’était pas antioccidental, loin de là, a basculé dans l’antiaméranisme le plus virulent.

Faut-il le répéter ? si le cessez-le-feu avait été imposé, comme la communauté internationale l’exigeait au cinquième ou sixième jour des hostilités, l’Etat libanais était sauvé, mais, surtout, Isaël se retrouvait en situation de force.

Au lieu de quoi, en faisant en sorte que coûte que coûte, le conflit se poursuive, George Bush et Condoleezza Rice ont obtenu ce résultat : une grave crise de confiance en Israël, une dangereuse remise en cause du mythe de son invincibilité, une héroïsation inouïe et quasiment planétaire du Hezbollah soutenu par Téhéran -dont il n’est même pas exclu qu’il sorte vainqueur des prochaines élections), un renforcement du régime de Damas et un retour en force de la Syrie dans le jeu diplomatique, une affirmation de l’Iran comme grande puissance régionale et un affaiblissement des régimes arabes modérés, de plus en plus coupés de leurs opinions publiques.

- MERCI, GEORGE !

- Le processus de paix israélo-palestinien ?

- Il n’en reste rien.

- Gaza est martyrisée dans l’indifférence générale.

- On a trouvé intelligent de laisser démanteler, humilier même l’Autorité palestinienne.
Conséquence : le triomphe électoral du Hamas, mouvement islamiste qui n’a toujours pas reconnu le droit d’Israël à l’existence.
Lequel, les mêmes causes produisant les mêmes effets, ne fait que se renforcer grâce à la répression, tandis que le brave président Mahmoud Abbas ressemble à un pantin pathétique.

- Qui a donné son feu vert à la décision la plus imbécile qui se puisse concevoir : le désengagement unilatéral de Gaza, sans négociations préalables, en dehors de tout processus politique, donc en échange de rien ?

- BUSH ENCORE.

Résultat : tandis que 200 palestiniens de Gaza sont tués en cinq semaines, dont 30% d’enfants, le Premier ministre palestinien issu du Hamas propose de dissoudre l’Autorité palestinienne pour revenir au statut d’occupation pur et simple.

Or, pour Israël, y aurait-il pire catastrophe ?

- MERCI ,GEORGE !

Et qui sont les grands profiteurs de ces fiascos à répétition ?

D’abord l’Iran du président Mahmoud Ahmadinejad, renforcé par l’arrivée au pouvoir de ses amis en Irak et la chute des talibans, ses « bêtes noires », à Kaboul.

L’Iran qui est en train de se mettre les foules arabes dans la poche, ce qui est un comble, et de justifier aux yeux des pays du Sud sa prétention à l’obtention de la puissance nucléaire tout en s’imposant, pour la première fois depuis la chute du Shah, comme un acteur clé, sinon central, dans la crise du Proche-Orient.

L’Iran qui utilise au maximum, pour se pousser du col et se gagner les opinions publiques dans les pays musulmans, les menaces d’interventions militaires que fait peser sur lui l’Amérique, tout en estimant (à tort et à raison) que les échecs répétés des Etats-Unis en Irak, en Afghanistan et même au Liban rendent cette hypothèse peu probable.

L’Iran qui, outre son alliance avec Damas, dispose de deux forces de frappe : les chïïtes irakiens et le Hezbollah libanais.

Deuxième profiteur :

La Russie de Vladimir Poutine. Conservant, contrairement à Washington, des liens avec toutes les parties en cause, y compris l’Iran, la Syrie ou la Corée du Nord, jouant de ses bonnes relations avec plusieurs dirigeants européens tels que Tony Blair, Jacques Chirac ou Angela Merkel, enrichi par la flambée des cours du pétrole, surfant sur la montée de l’antiaméricanisme partout dans le monde, y compris chez lui, exploitant les prurits nationalistes que les arrogances bushistes provoquent au sein de sa propre population, mais, paradoxalement, étant en passe, lui, de venir en patie à bout de la rebellion tchétchène, Poutine trône, au milieu du chaos mondial, comme un coq en pâte.

Et d’autant plus que la révolution orange ukrainienne, largement encouragée par les Etats-Unis pour lui faire pièce, tourne à la farce, et que l’autre révolution proaméricaine, celle de Géorgie, débouche sur une autocratie populiste qui fédère peu à peu contre elle tous les mécontents.

La « nouvelle Europe », elle, exaltée par Donald Rumsfeld à travers la Pologne, est en train de se donner aux populistes et à l’extrême droite.

Quand à la Corée du Nord, elle est convaincue qu’elle peut désormais n’en faire qu’à sa tête, d’autant que, par antiaméricanisme, une partie de l’opinion sud-coréenne témoigne de la plus grande complaisance à son endroit.

Et si c’était tout... Mais le pire des échecs de George Bush, dont nous sommes tous, aujourd’hui, les victimes, est peut-être la façon dont il a objectivement favorisé la victoire du président conservateur Ahmadinejad en Iran, en rejetant les réformateurs et les pragmatiques (favorables à des relations pacifiées avec les Etats-Unis) dans le même chaudron de « l’axe du mal » et, surtout, en soutenant, comme seule alternative, l’opposition favorable à l’ancienne dictature du Shah.

Le Hamas, le Hezbollah, le président iranien peuvent donc dire : merci George !

Et aussi la gauche néocastriste latino-américaine qui, grâce à l’enfermé de la Maison-Blanche, reprend peu à peu, partout, des couleurs, au point même de frôler la victoire au Pérou. Ou, d’ailleurs, sur le continent latino-américain, à part la Colombie ( un modèle comme chacun sait), la droite libérale garde-t-elle des bastions ?

Si encore le bushisme n’avait provoqué que cela : Aznar battu en Espagne, Berlusconi en Italie, Barroso et ses successeurs au Portugal, de même que ses disciples norvégiens et hollandais, tandis que Blair est déjà quasiment à l’infirmerie, on ne s’en lamenterait pas outre mesure. Mais hélas, il y a aussi des islamistes qui ont pris le pouvoir à Mogadiscio en Somalie, gagné les élections au Bahreïn, au Koweït, aux Comores, et, en fait, en Egypte, progressent en Indonésie, pourraient l’emporter au Maroc.

Et pis, encore, partout, les démocrates et les libéraux, identifiés aux « nouveaux croisés » de plus en plus marginalisés, voire éradiqués.

- Faut-il y ajouter ( mais c’est sans doute là le plus désastreux) l’exaspération planétaire, à un point presque jamais atteint, de l’antiaméricanisme, de l’antioccidentalisme, de l’antisémitisme et des fanatismes de toutes factures ?

- MERCI , George !

Les responsables ?

Pas seulement Bush, naturellement.

N’étant de notoriété publique, pas intelligent, l’homme est influençable et les néoconservateurs qui l’entourent, pas seulement Condoleezza Rice, Donald Rumsfeld ou le vice-président Dick Cheney, mais aussi les Kristol, Perle, Wolfowitz et autres néoconservateurs exaltés, portent une lourde part de responsabilité.

Mais aussi Tony Blair dont le pays, l’Angleterre, qui aurait pu le retenir, l’a conforté par son alignement ; l’Australien John Howard, l’Espagnol José Maria Aznar, le Portugais José Manuel Barroso qui, se réclamant vaguement de la même idéologie que lui, auraient pu le « corriger » mais , l’ont, au contraire , encouragé et poussé à la faute.

L’Europe qui n’a pas su surmonter ses divisions, l’ONU qui s’est laissé paralyser.

- Un homme, Milosevic, est mort dans sa prison su Tribunal international de La Haye.
Il n’avait, personnellement, tué personne, mais il était accusé d’avoir, par sa politique, favorisé ou encouragé des conflits qui ont fait des dizaines de milliers de victimes.

- Bush n’a personnellement tué personne.
Mais il est à l’origine d’initiatives qui ont déjà fait au moins 150 000 morts et sont en train d’ensanglanter la planète.

- A quand sa comparution devant un tribunal international ?

Art de « Thomas Vallières », dans « Marianne ».

Transmis par Linsay.

* Marianne a fait un dossier sur ce thème.

Evidemment nous ne partageons pas tout dans cet article -d’où son sous titre qui est de Rouge Midi :l’approbation d’une guerre qui aurait pu être de ce qu’on en comprend limitée et intelligente en Afghanistan, la justification de l’attaque initiale d’Israël, le couplet sur les pays « néo castristes », le rôle de L’OTAN et de l’UE...mais il a le mérite de pointer les éléments de la faillite de l’impérialisme américain.

Avec lui nous pouvons dire que ce n’est plus une opinion mais un constat. Reste à se mettre d’accord sur les solutions...



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