Al Katel, l’assassin de l’emploi et des libertés.

lundi 23 janvier 2012
par  Charles Hoareau
popularité : 3%

Ce vendredi 20 janvier à 9h 30, 200 personnes se sont rassemblées devant les bureaux de Nextira One (ex ALCATEL) à Marseille suite à la décision du ministre d’autoriser le licenciement de deux délégués CGT de cette entreprise.

ALCATEL, devenue NEXTIRA ONE, est une entreprise désormais LBO, (autrement dit produit financier selon le vœu de Pierre Tchuruk son PDG qui s’était illustré en énonçant tout haut son rêve de « l’entreprise sans ouvriers », rien qu’avec le fric donc !) au lourd passé antisocial. (Voir article précédent Quand les « nervis en col blanc » récidivent…).

Plans de licenciements successifs, recours (condamné au pénal par la cour de cassation) à une officine anti CGT, tentatives multiples de licenciements des élus CGT (la photo de l’article précédent que nous reprenons ici est particulièrement éloquente)….bref depuis des années les nervis sont à l’œuvre.

Ils ont donc recommencé au printemps dernier ce dont l’inspecteur du travail n’a pas été dupe puisqu’il a refusé les licenciements. Qu’à cela ne tienne, estimant qu’en Sarkozie ce n’était sans doute que reculer pour mieux sauter, la direction a fait un recours au ministre pour parvenir à ses fins.

Normalement la loi prévoit que dans ce cas-là, le ministre doit donner sa réponse dans les 4 mois et qu’en cas de non réponse dans ce délai cela équivaut à un refus.

Le 7 janvier le ministère écrivait à l’employeur pour lui dire que le délai de 4 mois étant passé le licenciement était refusé.
Puis très curieusement, quelques jours plus tard un courrier recommandé, adressé ce coup-ci aux salariés indiquait que la lettre du 7 janvier était annulée et que le licenciement était autorisé…

On peut spéculer longtemps sur ce qui a du se passer dans les couloirs, au téléphone et sur la légalité d’une telle décision, mais pour l’heure ce n’est pas les suppositions ou la légalité qui rassemblent les près de 200 personnes présentes devant les bureaux désertés par une direction qui a annulé courageusement la réunion des délégués du personnel prévue ce jour et a fui pour ne pas répondre aux questions des employé-e-s et des élus.

Ce qui rassemble c’est l’illégitimité d’une telle décision. La colère devant ce coup de force, cette injustice, cette volonté de se débarrasser de celles et ceux qui gênent la direction dans sa course au fric, plan après plan. La décision du ministre a ceci de révoltant qu’il ne se laisse même pas l’apparence d’avoir étudié le dossier, les arguments des uns et autres sur la réalité des faits (une discussion vive pendant une réunion des élus) voire une réflexion sur le contexte, non. Il recopie les arguments de la direction, les délégués CGT ont depuis des années une « violence comportementale » (puisqu’ils n’acceptent pas les plans successifs de licenciements), ils doivent donc être jetés dehors pour que les financiers qui sont aux commandes puissent continuer à casser l’emploi en paix. Un de ces dirigeants a d’ailleurs reconnu les faits en déclarant en privé : « Peu importe ce qui s’est passé à cette réunion, ce n’est pas notre problème. On a un plan à appliquer et ces deux là peuvent nous freiner, donc on s’en débarrasse ».

Au micro les interventions se suivent.

Paul MICHEL, l’un des deux licenciés fait un rappel des luttes, des grèves, des occupations, des condamnations multiples de l’entreprise qui a changé de nom à de multiples reprises mais pas de méthode. Avec son collègue, Francis Battista, ce sont plus de 30 ans de combat qu’ils partagent et que la direction ne leur pardonne pas. Au rassemblement sont présents les autres délégués qui ont connu des procédures de licenciement et eux aussi témoigneront de la volonté d’acharnement de la direction. Dans une entreprise où la majorité des salarié-e-s sont des cadres, la direction ne digère pas que la CGT, avec 34% des voix, soit la première organisation, en particulier à Marseille où elle atteint 75%.

Les cadeaux au patron, aux salariés le bâton

Le plus incroyable de la décision du ministre, c’est qu’alors que Nextira One a été condamnée à de multiples reprises pour discrimination syndicale, que sur cette question Paul MICHEL (et d’autres) ait un nouveau procès en cours qui doit venir aux prud’hommes en mars prochain, le ministre ose écrire que la demande d’autorisation de licenciement par la direction n’a aucun lien avec le mandat syndical !

Comme si même la direction voulait lui prouver le contraire, au lendemain de la décision du ministre, on apprenait qu’un 3e délégué CGT, de Grenoble cette fois-ci, était visé par une procédure de licenciement : sans lien avec son mandat ? A qui le ministre veut il le faire croire ?

Paul dans son intervention rappelle aussi que ce même gouvernement vient de décider de verser 5 millions de prêt à l’entreprise et ceci sans aucune contrepartie sur l’emploi : licenciements d’un côté, cadeaux de l’autre, tout est dit.

Deux retraités, anciens du syndicat viennent aussi témoigner de la dureté du combat face à ces directions cyniques qui se sont succédé. L’un d’eux dira, parlant d’un des licenciements annulés après des années de combat : « les ministres passent, la CGT reste ».

Les salarié-e-s et les soutiens présents applaudissent à chaque affirmation de détermination à ne pas laisser faire qui s’exprime. Zouhir pour l’UL des quartiers Nord, Yann pour l’USTM [1] qui fait le lien avec le dossier des élus Renault de Marseille qui ont gagné leur combat de la réintégration après des années de lutte, Eric pour l’UD des Bouches du Rhône…

Rendez-vous est pris pour ce lundi et les jours suivants pour faire reculer la direction. La grève est la seule solution qui reste pour défendre des élus en pleine bataille contre les restructurations, pour une reconnaissance des méfaits de l’amiante et l’égalité des salaires hommes/femmes.

Comme le dira l’un des intervenants et le confirmera Zouhir, en arabe Al katel veut dire l’assassin. Coïncidence ? En tous cas depuis des années ceux qui gouvernent l’entreprise se comportent comme des criminels de l’emploi et des libertés. Comme le disent Paul et ses camarades, "avec cette décision, la direction veut décapiter la CGT".

Mais comme le dit un proverbe africain et pour rester dans le vocabulaire guerrier, "la guerre n’a jamais tué un absent" : nous sommes et nous serons présents pour empêcher les massacres, il en va de nos libertés.


[1Union Syndicale des Travailleurs de la Métallurgie



Commentaires

mercredi 25 janvier 2012 à 17h35

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur