Que veut Obama ?

dimanche 30 octobre 2011
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Pourquoi Barack Obama veut-il rencontrer la Présidente argentine ? L’hypothèse la plus plausible est de saboter diplomatiquement le projet intégrationniste UNASUR [1] et d’isoler les gouvernements de gauche de la région, en particulier le Venezuela.

Pourquoi Barack Obama veut-il se réunir avec la Présidente Cristina Fernandez de Kirchner ? Il y a des hypothèses faibles et en plus énigmatiques : des déclarations pertinentes de Washington renvoyant à un agenda contenant des sujets comme la supposée présence de groupes terroristes iraniens opérant en Amérique latine, et particulièrement en Argentine, et l’excessive labilité [2] de la législation nationale relativement au blanchiment d’argent, ce qui aurait été à l’origine du blocage étasunien à des crédits octroyés par la BID [3] et la Banque Mondiale.

En réalité, ces questions manquent de substance : celle des Iraniens est en partie la classique paranoïa de Washington et en partie une tactique pour faire pression sur nos pays et pour isoler, sataniser l’Iran. Celle du blanchiment d’argent est une autre accusation qui manque de fondement, surtout quand celui qui la brandit a à une centaine de kilomètres de la Maison Blanche un des paradis fiscaux les plus importants du monde : l’Etat du Delaware, qui publie dans tous les médias que toute compagnie qui installe dans l’Etat sa maison-mère, même s’il s’agit d’un petit bureau, sera exemptée du paiement d’impôts pour tous les revenus produits par ses filiales qui développent leurs activités hors des limites du Delaware, que ce soit aux Etats-Unis ou à l’extérieur. C’est pourquoi 60% des 500 plus importantes transnationales listées dans la revue Fortune ont leur siège social dans cet Etat, qui de plus se glorifie d’avoir une législation qui « ne fixe pas de limites à l’usure ».

Etant donné ces précédents et tenant toujours en compte que jamais on ne peut avoir confiance dans la mensongère bienveillance de l’impérialisme et de ses porte-paroles (celui qui en douterait, qu’il médite sur ce qui est arrivé à Kadhafi), l’hypothèse qui se profile avec le plus de force pour comprendre le sens de l’invitation d’Obama est qu’elle est motivée par le désir de saboter, pour le moment diplomatiquement, le projet intégrationniste représenté par l’ UNASUR et d’isoler les gouvernements de gauche de la région, principalement le Venezuela de Chavez.

L’Accord du Pacifique, récemment promu par les Etats-Unis et secondé par le Mexique et en Amérique du Sud par la Colombie, le Chili et le Pérou, équivaut
à introduire un cheval de Troie au sein de l’UNASUR. L’inattendue sollicitude de se réunir durant le Sommet du G-20 à Cannes n’a rien de fortuite, elle est intervenue un peu après que la Présidente ait prononcé deux discours emphatiquement « unasuriens » le dimanche dans la nuit après son éclatante victoire électorale. La maladive obsession de Washington est d’en finir avec l’expérience bolivarienne et de s’emparer du pétrole du Venezuela, comme il l’a fait déjà en Irak et en Libye. Pour les faucons étatsuniens-desquels Obama est l’empressé majordome-l’étroite relation consolidée ces dernières années entre l’Argentine et le Venezuela est un obstacle gênant qui doit être franchi le plus vite possible.

La stratégie pour 2012, année où se tiendra la cruciale élection présidentielle au Venezuela, arrive à un moment où Chavez est affaibli par une intense campagne déstabilisatrice qui inclut des cessations d’approvisionnement sélectifs d’articles de première nécessité, des assassinats au hasard par des paramilitaires colombiens infiltrés illégalement dans le pays ou des sous-prolétaires recrutés pour installer une sensation d’absolue insécurité urbaine, et par la permanente clameur de la « presse indépendante » (en réalité, la seule instance organisatrice qu’a la droite compte-tenu de la faiblesse de ses expressions partidaires) dénonçant de supposées restrictions à la liberté de la presse dans un pays où dans un périodique, une radio ou une télévision on peut faire l’apologie de l’assassinat du Président ou inciter à la violence en toute impunité.

Dans cette stratégie globale, écarter l’Argentine du projet intégrationniste sud-américain est une démarche tactique de la plus grande importance. Avancer vers cet objectif paraît être l’unique sens possible de l’invitation faite par le mandataire étasunien.

Atilio A.Boron

Traduit de l’espagnol par Gérard Jugant



Atilio A. Boron est un politologue et sociologue argentin, docteur en Sciences Politiques d’Harvard. Il est actuellement professeur de Théorie Politique à l’Université de Buenos Aires.

Il est l’auteur de nombreux livres d’orientation marxiste. Parmi les plus récents : "Socialisme siglo veintiuno. Hay vida después del neoliberalismo ? (Buenos Aires, Editions Luxemburg, 2008)


[1Ndt- Union des nations sud-américaines, l’UNASUR a été créée à Brasilia en 2008. Elle comprend les 12 Etats d’Amérique du Sud. Outre une communauté économique, le projet inclut à terme :
- une monnaie commune ;
- une citoyenneté et un passeport commun ;
- un parlement commun.

Cet ensemble représentera, s’il se concrétise, une population de 360 millions d’habitants et sera en superficie (17 millions de km2) la plus vaste union économique, monétaire et politique du monde.

[2la labilité est la propriété d’une chose à bouger, être mobile. Ici labilité est synonyme d’instabilité, de caractère changeant de la loi

[3Banque Interaméricaine de Développement



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