L’écologie comme prétexte ?

lundi 31 octobre 2011
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Mercredi 19 octobre 1500 marcheurs indiens sont arrivés à La Paz où ils ont été chaleureusement accueillis par des milliers d’habitants de la capitale.

Préoccupation environnementale légitime ou tentative de coup d’état ? Dans un pays enclavé comme l’est la Bolivie qui souffre d’un grand retard en matière de voies de communication, la question mérite d’être posée lorsque que l’on sait que la trop fameuse USAID a fermement soutenu en sous main les contestataires.

Pour autant faut il analyser comme le fait André Maltais la jonction avec les organisations syndicales et la grève générale appelée suite à la répression, comme le résultat de leur soumission aux pouvoirs locaux ? Cela semble un peu rapide...

L’essentiel étant qu’un accord ait finalement pu être trouvé ce qui prouve au moins qu’en Bolivie le pouvoir est prêt à entendre 1500 marcheurs quand en France (ou en Grèce) il reste sourd à des millions de manifestants...

Evidence qui a du échapper à la presse française qui, ayant consacré des centaines d’articles à la marche a quasiment ignoré l’accord qui en a résulté...

Le 15 août dernier, des indigènes de l’est bolivien entamaient une longue marche de protestation contre la construction d’un tronçon d’autoroute qui traverse leur territoire, une réserve naturelle baptisée Territoire Indigène du Parc National Isiboro Secure (TIPNIS).

Au début, les indigènes invoquaient des motifs écologiques alors que le gouvernement bolivien exprimait la volonté de l’exécutif de négocier et d’explorer d’autres alternatives pour le tronçon litigieux.

Mais des doutes quant aux véritables intentions des marcheurs sont apparus lorsque leurs chefs ne se sont pas présentés à un premier rendez-vous prévu à Puerto San Borja, dans la province du Beni, et auquel le gouvernement avait délégué pas moins de dix ministres.

Depuis, les marcheurs ont rejeté sept propositions de rencontres avec des ministres du gouvernement, préférant poursuivre leur marche vers la capitale, La Paz, radicaliser leurs demandes et en augmenter graduellement le nombre.

Il est clair, écrit la journaliste indigène bolivienne, Cynthia Cisneros, qu’il s’agit de prolonger le conflit pour gagner plus d’adhérents et de moyens à la cause des marcheurs, tâche à laquelle s’est prêtée avec enthousiasme la droite bolivienne, avec toutes les ressources politiques, financières et médiatiques dont elle dispose.

Deux mois plus tard, la marche a perdu son essence et son identité. Les marcheurs refusent toujours le dialogue même après que, le 27 septembre, le gouvernement ait officiellement suspendu la construction du tronçon litigieux et, qu’à la mi-octobre, le Congrès ait approuvé une loi déclarant le TIPNIS zone de préservation écologique.

Ces mesures survenaient après les violences de Yucumo (province du Beni) au cours desquelles un groupe de marcheurs et leurs supporteurs s’emparaient du chancelier bolivien, David Choquehuanca, et du vice-ministre à la Coordination des mouvements sociaux, Cesar Navarro, pour les forcer à marcher avec eux.

Une fois en possession de leurs otages et malgré la présence de nombreuses femmes enceintes dans leurs rangs, certains marcheurs ont rompu les cordons de sécurité et affronté les policiers et des contre-manifestants venus appuyer le gouvernement.

Les jours suivants, les médias qui occultent le refus de dialoguer des marcheurs, leurs abus contre les autorités gouvernementales et leurs provocations contre les policiers, ont préféré parler de morts et de disparus sans nommer de noms, accuser l’état de massacrer des indigènes, appeler à de nouvelles manifestations d’appui aux marcheurs et exiger la démission du président dont on compare les agissements avec ceux de l’ex-président Gonzalo Sanchez de Lozada lors des massacres de 2003, à El Alto.

En fait lors des affrontements il y a eu 74 blessés. Morales lui-même a condamné la répression et plusieurs démissions ont eu lieu dont celles de deux ministres.

Toutes ces tentatives de coup d’état se ressemblent, remarque Cisneros. On a d’abord une guerre médiatique, qui part de demandes populaires légitimes comme les autonomies, en 2008, et maintenant le TIPNIS, demandes qu’on détourne à des fins politiques.

On a ensuite une mobilisation syndicale, paysanne ou indigène bien soumise ou tout simplement cooptée par des pouvoirs locaux et régionaux. Puis, vient l’attaque contre les forces de l’ordre comme ce fut le cas avec les groupes de choc de Santa Cruz et, maintenant, avec certains groupes de marcheurs.

Pendant cela, les médias jettent continuellement de l’huile sur le feu en sur-dimensionnant la demande et le conflit et en exacerbant les préjugés et les craintes de la population.

La marche du TIPNIS, dit Juan Ramon Quintana, ex-ministre à la présidence du gouvernement Morales, fait partie d’une seconde phase de l’offensive de déstabilisation voulue par le gouvernement des Etats-Unis et la droite bolivienne.

La première phase avait commencé en 2008 quand les violences séparatistes des préfets de la Media Luna avaient débouché sur un quasi coup d’état freiné par l’expulsion de l’ambassadeur états-unien, Philip Goldberg, accusé d’intromission dans les affaires internes du pays.

Le but particulier semblait, cette fois, de faire déraper le processus électoral par lequel, pour la première fois de l’histoire, le gouvernement s’attaquait à un pouvoir judiciaire au service de l’oligarchie en invitant la population bolivienne à élire les 56 magistrats des cours suprêmes électorales, constitutionnelles et agro-écologiques du Conseil de la Magistrature.

Cela explique que, dès les premières semaines de la marche, ses dirigeants « prévoyaient » déjà arriver à La Paz, le 15 octobre, veille prévue de l’élection judiciaire et que, quelques semaines avant celle-ci, la Confédération des peuples indigènes de Bolivie (CIDOB), l’une des organisations qui parraine la marche, appelait à un vote nul.

Bien sûr, dit encore Quintana, le but plus général de cette seconde phase est de diviser les peuples indigènes qui sont les bases d’appui du gouvernement Morales et de générer des conflits obligeant l’état plurinational bolivien à employer la force publique avec tous les dangers que cela implique pour la démocratie.

Les Etats-Unis conseillent les marcheurs comme l’a révélé un registre d’appels téléphoniques que le gouvernement bolivien a présenté aux médias, le 21 août, et qui démontre que l’ambassade états-unienne a contacté par cellulaire, avant et pendant la marche, les dirigeants, Pedro Nuni, Rafael Quispe et Roxana Marupa Torres, épouse du président de la CIDOB, Adolfo Chavez.

William Mozdzierz, ministre conseiller de l’Ambassade, a dû, plus tard, avouer ces contacts, identifiant même Eliseo Abelo comme le fonctionnaire qui les a effectués.

L’USAID la fausse ONG par excellence

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L’Agence des États-Unis pour le développement international (United States Agency for International Development ou USAID) est une agence officiellement indépendante du gouvernement des Etats Unis qui a pour mission « d’aider à réduire la pauvreté, promouvoir la démocratie et la croissance économique, soulager les victimes des catastrophes naturelles et prévenir les conflits. » Son budget annuel pour est de l’ordre de 10 milliards de dollars. Avec des termes aussi généraux que la promotion de la démocratie et de la croissance économique ou la prévention des conflits on est évidemment en plein dans le droit d’ingérence comme par exemple à Gaza, Cuba, en Amérique du Sud, en Irak …ou en Bolivie dans le cas présent.

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Concernant son « indépendance » il n’est pas inutile de savoir qu’elle fut créée dans la foulée du Plan Marshall (et tirant les leçons de celui-ci) le 3 novembre 1961 par le président des États-Unis John Fitzgerald Kennedy. D’où cette définition comique de son indépendance : "un organisme gouvernemental fédéral indépendant qui reçoit l’ensemble de ses directives en matière de politique étrangère du Secrétariat d’Etat".

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Depuis 2003, il est explicitement demandé aux contractants et aux ONGs financées via l’USAID de promouvoir l’image de l’action du gouvernement américain, principal contributeur financier de cette aide.

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L’aide américaine à l’étranger a toujours servi les intérêts de la politique étrangère des Etats-Unis, ce qui implique le soutien à l’économie, à l’agriculture et au commerce des Etats-Unis, soutien qui compose l’essentiel de ses attributions.

Le site web de l’USAID déclare en toute candeur : "Le principal bénéficiaire de l’aide américaine à l’étranger a toujours été les Etats- Unis. Près de 80% des contrats et des dons de l’USAID vont directement à des entreprises américaines. Les programmes d’aide à l’étranger ont contribué à l’établissement de marchés importants pour les produits alimentaires, ont créé des nouveaux marchés pour les exportations industrielles américaines et généré des centaines de milliers d’emplois pour les Américains."

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Elle a par ailleurs fait l’objet de sanction du Government Accountability Office, bureau d’audit du gouvernement fédéral américain, concernant des scandales de fraudes.

Abelo, nous dit le journaliste bolivien, Fortunato Esquivel, est le chargé des affaires indigènes à l’ambassade des Etats-Unis. Son patron, Benjamin G. Hess, a invité en Bolivie trois spécialistes états-uniens en affaires indigènes, Lindsay Robertson, Stephen Greetham et Amanda Cobb. Ceux-ci ont rencontré des « représentants de la société civile », entre les 9 et 14 juillet dernier, un mois avant le début de la marche du TIPNIS.

Les spécialistes, raconte Esquivel, ont insisté sur le fait qu’aux Etats-Unis, les autochtones sont propriétaires des ressources naturelles de leurs territoires alors qu’en Bolivie ces ressources appartiennent à toute la population.

Esquivel dénonce également que de nombreuses ONG financées par l’USAID états-unienne sont à l’œuvre dans l’est bolivien, principalement dans les provinces du Pando et du Beni où, sous couvert de promouvoir l’environnement et les droits indigènes, elles agissent contre le gouvernement Morales.

Au Mexique aussi

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Un organisme mexicain, le Centre d’analyse politique et d’enquêtes socio-économiques (CAPISE) vient de publier un rapport qui montre comment une ONG états-unienne comme Conservation Internationale (CI) se comporte en cheval de Troie, au Chiapas.

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Le rapport révèle que la stratégie de CI consiste à provoquer des affrontements entre les communautés et peuples zapatistes comme les Lacandons et les Caraïbes. De plus, l’ONG donne toute l’information qu’elle peut à l’USAID et aux transnationales qui la parrainent (dont Monsanto, Chevron et Rio Tinto), beaucoup d’entre elles ayant des intérêts importants en matière de biodiversité.

Concernant le rôle de l’opposition d’un président largement réélu 60% des voix lors de la dernière élection, la population n’est pas dupe. Si elle a semblé globalement soutenir les marcheurs comme le montre le vote sanction du dimanche 23 octobre pour l’élection inédite des juges, vote pour lequel il y a eu une majorité de blancs ou nuls, elle n’est pas prête à se jeter dans la gueule du loup de la réaction.

Ainsi de nombreuses voix se sont faites entendre pour condamner toute tentative de récupération politique. On a pu ainsi lire sur Internet ou sur des pancartes : "Politiciens opportunistes, ayez du respect pour la marche du mouvement TIPNIS. N’allez pas à cette marche uniquement pour être sur les photos. Vous qui faites partie de cette inutile opposition, veuillez vous tenir à l’écart !!"

Ou ce jeu de mots pour décrire ceux qui tentent de prendre le train en marche, les appelant “OpporTIPNIStes” au lieu d’ “opportunistes”.

Après l’expulsion de l’ambassadeur Goldberg, en 2008, dit Esquivel, le gouvernement bolivien avait dit que l’USAID allait aussi sortir du pays. Il ne l’a pas fait. La marche aurait elle eu lieu si Evo était allé au bout de son intention ?

Quoiqu’il en soit lundi 24 un accord mettant un point final au mouvement a été signé. Le texte prévoit l’annulation du projet routier et la réponse aux 15 autres points soulevés par les marcheurs.« Tous les points soient résolus, avec des engagements sur les délais », a annoncé Fernando Vargas, un des représentants indiens.

Parmi les demandes des Indiens d’Amazonie figuraient également la fin des activités gazières dans le parc Aguaragüe, qui fournissent 80% de la production nationale de gaz, la principale richesse du pays, des garanties sur la préservation de leur habitat ainsi que la réaffirmation de leur droit à vivre dans un milieu naturel préservé. « Je pense que le gouvernement a fini par comprendre qu’il ne pouvait pas détruire un parc national. Je ne sais pas si c’est parce qu’il a compris ou parce qu’il a cédé sous la pression de la marche » a poursuivi M. Vargas.

Un accord qui, comme nous le disions dans le chapeau de l’article, mériterait un tout autre traitement dans un pays où, des retraites au gaz de schiste, le refus d’entendre la population est patent.

Rouge midi d’après un article d’André Maltais ( L’aut’journal info du 28/10/2011) transmis par Linsay



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