L’envers du décor du « miracle économique » allemand

vendredi 28 octobre 2011
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Un coup de projecteur instructif... ou les chiffres dont on parle si peu

« Un vrai miracle économique : un taux de chômage historiquement bas, un commerce extérieur florissant, une croissance meilleure qu’en France, des PME orientées vers les nouvelles technologies... N’en jetez plus ! (...) L’Allemagne, c’est aussi, d’après l’OCDE, le pays développé où les inégalités et la pauvreté ont le plus progressé. 20% de travailleurs pauvres, des retraités obligés de retourner travailler pour compléter leurs maigres pensions (...) . Cette face cachée ne concerne pas seulement les oubliés du miracle allemand. Elle est une des raisons de ce miracle (...) A l’heure de la sacro-sainte nécessité d’une convergence franco-allemande, ces questions méritaient bien d’être posées. Retraites, immigration, démographie, précarité... » peut-on lire sur le site de Myeurop qui vient de consacrer un dossier en plusieurs volets : « Le miracle allemand, à quel prix ? »

Nos élites politiques ou économiques français si promptes à louer le modèle économique de l’Allemagne nous auraient donc menti sur la formidable réussite d’un modèle qu’ils recommandent chaudement pour notre pays ?

Nicolas Sarkozy : « J’admire le modèle économique allemand »
Jean-François Copé : « Nous devrions utiliser le modèle allemand comme exemple »
François Fillon : « Il faudra aller vers un temps de travail commun, vers un âge de retraite commun […], c’est la clé de la survie de la zone euro »
Laurence Parisot : « il est indispensable que la France et l’Allemagne aient une approche économique et sociale de plus en plus similaire, pas forcément identique mais similaire et ce que veut dire le mot convergence, c’est réduire les divergences »

Le problème, c’est que toutes ces « déclarations d’amour » font l’impasse, par méconnaissance ou opportunisme, sur une des pires conséquences du modèle économique allemand : La précarité !

Pour la découvrir, il est nécessaire de prendre connaissance du dossier publié par Myeurope dont nous extrayons ces quelques données :

La réalité des chiffres du chômage

« (...) un système qui, par vases communicants, aurait progressivement fait passer plusieurs millions d’allemands des listes de chômeurs à ceux de quasi-chômeurs ou travailleurs pauvres (...) Une responsable de l’Arbeitsagentur d’Hambourg (Pôle-emploi allemand), souhaitant garder l’anonymat, ne cache pas sa colère : Qu’on arrête de parler de miracle économique. Aujourd’hui, le gouvernement répète que nous sommes aux alentours de 3 millions de chômeurs, ce qui serait effectivement historique. La réalité est toute autre, 6 millions de personnes touchent Hartz IV [1], ce sont tous des chômeurs ou des grands précaires. Le vrai chiffre n’est pas 3 millions de chômeurs mais 9 millions de précaires (...) »

La chasse aux chômeurs...qui se retourne contre l’ensemble des salariés

En Allemagne comme en France on a voulu s’attaquer dans les années 2000, aux "Anspruchdenker", les "profiteurs du système". Avec une philosophie héritée du traité d’Amsterdam et qui donne des sueurs froides à nombre de chômeurs européens : "activer" les chômeurs. Depuis 2005, le demandeur d’emploi doit faire des démarches "positives" bimensuelles, et peut surtout être contraint d’accepter un emploi moins payé que le précédent, plus éloigné ou en-dessous de ses qualifications sous peine de perdre ses subsides.

Des chômeurs ont bien essayé de saisir la justice. la cour a tranché : le minimum vital "digne" a été estimé à 374€ !

Résultat : 2 millions de salariés à moins de 6€ de l’heure, en 10 ans de 1999 à 2009 les formes de travail atypique ont bondi de plus de 20%, [2] 6,55 millions de personnes en Allemagne touchent moins de 10 euros brut de l’heure - soit 2,26 millions de plus en 10 ans. En majorité d’anciens chômeurs que le système Hartz a réussi à "activer" : les moins de 25 ans, les étrangers et les femmes (69% du total)....et des allocations chômage en chute libre.

Une telle paupérisation du monde du travail est rendue possible par l’apparition de nouveaux types de contrat de travail.

Les nouveaux types de contrat de travail.

Pour renforcer sa compétitivité et exporter, l’Allemagne à libéralisé son marché du travail et précipité une part croissante des salariés dans la précarité : absence de salaire minimum, travail à temps partiel, "mini jobs" sans assurance maladie ou petit boulots payés 1 euro de l’heure. Aujourd’hui, près d’un travailleur allemands sur cinq est « pauvre ».

Focus sur celui qui séduit le plus les employeurs allemands

« Les Mini-Jobs : des contrats à temps partiel, payés 400 euros par mois, qui permettent aux employeurs d’être exonérés de charges mais prive ses bénéficiaires d’assurance maladie et travail. Ils n’ouvrent aucun droit à la retraite ou aux allocations chômage (...) »

Ils : (...) tiennent le haut du pavé, avec une augmentation de 47,7%, simplement devancés par le boom de l’intérim (+134%) (...) Certaines entreprises ont voulu tirer profit du système, privilégiant, par exemple, deux ou trois mini-jobs, fiscalement neutres, à l’embauche d’un salarié en plein-temps (...) » Ils sont estimés dans les statistiques officielles à 5 millions de contrats.

Et bien sûr le tristement célèbre

Les 1 euro-jobs, ces fameux contrats payé un euro de l’heure : généralement pour des travaux d’intérêt public.

Ces retraités obligés de travailler

Myeurope cite le cas de ce retraité qui sert des parts de gâteau à la cafétéria d’un centre de soins : « En tant que retraité je touche 525 euros par mois. Je paye un loyer de 440 euros. Avec téléphone, le gaz, etc, il faut rajouter 150 euros. Et cela ne suffit pas. Il faut bien vivre de quelque chose c’est pour ca que je travaille ici. Wolgang travaille donc 20 heures par semaine dans ce centre, et cela pour 390 euros par mois (...) »

D’autres données ?

« Selon le ministère des affaires sociales, plus de 660 000 séniors de 65 à 74 ans auraient un emploi à temps partiel (...) cette catégorie de population est menacée de paupérisation. Ils n’étaient que 416 000 en 2000. Leur nombre a donc augmenté de plus de 58% en dix ans ( soit 660 000 ) Selon les experts, la paupérisation des séniors ne va cesser d’augmenter durant les vingt prochaines années (...) »

Conclusion d’une retraitée : « (...) Des salaires de misère ne peuvent entrainer que des retraites de misère (...) »

Ils sont ingrats ces allemands

A noter au passage, que ces « ingrats » d’allemands, contrairement à Nicolas Sarkozy ou Jean-François Copé ne trouvent pas ce miracle à leur goût. Ils profitent d’ailleurs de chaque élection pour balayer les candidats du parti d’Angela Merckel !

Alors, toujours tenté par : « une approche économique et sociale de plus en plus similaire » ?

D’après un article de J-C Slovar paru sur Marianne 2 le 25/10/2011 et transmis par Linsay


[1les lois Hartz datent des années 2000 avec comme objectif “l’activation des dépenses passives” en direction des chômeurs : ça ne vous rappelle rien ?

[2donnée de DESTATIS équivalent de l’INSEE français



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