Jeunesse en lutte : ici aussi

vendredi 29 avril 2011
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A la suite de la Tunisie et récemment du Portugal, les jeunes précaires et souvent diplômes se révoltent. Pour l’instant le mouvement est encore petit mais les ingrédients de son épanouissement sont présents dans la société espagnole. Si l’article affirme (de manière péremptoire ?) que la jeunesse ne veut pas rompre avec le capitalisme, il n’en reste pas moins vrai que les aspirations sont là et que ce n’est pas le système actuel qui y répondra.
Affaire à suivre donc...

“Ce n’est que le début”, promet le texte dans lequel l’organisation Juventud sin Futuro [1] remercie les participants à la manifestation du 7 avril dernier à Madrid. Entre 1000 et 2000 personnes étaient présentes, mais l’organisation est satisfaite et place beaucoup d’espoir dans le prochain appel, prévu pour la mi-mai. Ce qui est certain, c’est qu’au moins une petite partie de ces jeunes – de cette “jeunesse la plus diplômée” de l’histoire qui “vivra moins bien que ses parents”, comme le dit leur manifeste – s’indigne et descend dans la rue comme le leur demandait l’activiste français de 93 ans Stéphane Hessel.

Quelle que soit l’attitude adoptée face à ce mouvement – peur, rejet, paternalisme, compréhension, adhésion – chacun peut comprendre les raisons de l’indignation des jeunes Espagnols : une décennie de précarité professionnelle – si ce n’est de chômage galopant –, de vie avec 1 000 euros par mois, de surqualification des diplômés universitaires et de difficultés (pour ne pas dire d’impossibilité) à accéder au logement. Aujourd’hui, après plus de deux années de crise économique, le chômage des jeunes (plus de 40 %) est deux fois supérieur à la moyenne européenne, et la moitié des chômeurs espagnols a moins de 34 ans.

Par ailleurs, la durabilité d’un Etat-providence dont ils commencent à peine à bénéficier est remise en cause, et le soutien que représente la famille est ébranlé. Le sociologue de l’UNED José Félix Tezanos affirme que “l’atmosphère n’est pas explosive, mais inflammable ; il suffirait d’une étincelle..." Il ajoute : "Le bouillon de culture se crée sur Internet.”

Passivité de l’ensemble de la société espagnole De manière générale, la crise économique apparait de plus en plus comme une crise payée par ceux qui ne l’ont pas causée, alors que les élites économiques, qui en sont responsables, en sont sorties indemnes. La préface de l’édition espagnole du livre de Hessel a été rédigé par José Luis Sampedro. Et Hessel a signé celle du recueil d’articles intitulé Reacciona [2].

Dans ce dernier, Sampedro, 93 ans, comme l’activiste français, s’adresse à cette entité diffuse que l’on appelle jeunesse, et pas seulement pour qu’elle réagisse à ses problèmes particuliers : “Le système a besoin d’un changement en profondeur, compris par les jeunes, qui devront faire mieux que leurs aînés, toujours bloqués dans le passé. […] Même si leurs dirigeants restent au poste de commande et tiennent le gouvernail, même s’ils continuent à donner, de là, des ordres anachroniques, les jeunes peuvent diriger le navire en ramant”.

Le mécontentement, exacerbé par la crise, est bien là, sans aucun doute. L’appel à la mobilisation aussi. La question est de savoir si un mouvement comme Juventud sin Futuro, ou un autre, peut le canaliser dans une direction précise et aller plus loin. Pablo Padilla est un étudiant en anthropologie de 22 ans impliqué dans l’organisation. Quand on lui fait remarquer la passivité de la jeunesse, il proteste : “Et dans le reste de la société, ça se remue beaucoup, peut-être ?”

"C’est le capitalisme qui a rompu avec eux"

Pourtant, de nombreux spécialistes insistent sur la passivité et l’apathie. “Le manque de confiance envers les hommes politiques peut se manifester par un conflit, ou par de l’apathie et du désintérêt ; et c’est ce dernier modèle qui a finalement été adopté. L’absence de tradition politique continue de peser sur un pays qui n’a pas l’habitude de se mobiliser, dépourvu d’associations fortes et de nouvelles générations de syndicalistes”, assure Marta Gutiérrez Sastre, professeur à l’université de Salamanque.

Pour le sociologue Antonio Alaminos, de l’université d’Alicante, des alternatives et des objectifs clairs sont nécessaires pour qu’une protestation de ce type aboutisse. Ou alors, un “détonateur irrationnel”. Ainsi, il explique que les révoltes arabes disposent de ces objectifs clairs (améliorations économiques et démocratiques) et que dans les pays de l’UE où ils ont été formulés, ce détonateur irrationnel a eu lieu.

“La difficulté de la mobilisation des jeunes Espagnols vient de la perspective d’absence de résultats, estime-t-il. Les jeunes Espagnols (et beaucoup d’Européens) se caractérisent par le fait de vouloir vivre comme leurs parents, dans un monde capitaliste consumériste. Ils ne veulent pas rompre avec ce modèle, mais c’est le capitalisme qui a rompu avec eux.”

Il est possible que très peu de jeunes soient descendus dans la rue jusqu’à maintenant. Il est possible que, bon an, mal an, la famille, le travail au noir et la protection sociale tiennent le mécontentement à distance, dans la mesure où les besoins essentiels sont couverts. Il est même possible que la passivité de la majorité de la jeunesse finisse par prévaloir sur la fougue de ceux qui agissent.

“Les jeunes n’ont pas une attitude très rebelle, ils sont perplexes, parce que l’on a porté atteinte au contrat social, explique le sociologue José Félix Tezanos. Mais il prévient : Des mouvements très profonds se produisent actuellement, et s’il n’y a pas de changements sociaux importants, les problèmes finiront par apparaître”.

Par Juan Antonio Aunion le 27/04/ 2011 dans El País Madrid

Transmis par Linsay


[1Jeunesse sans avenir

[2Réagis



Commentaires

jeudi 16 juin 2011 à 16h49

Well I really liked reading it. This article procured by you is very effective for correct planning. =-=

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