Et une formidable victoire

Entretien avec Noël Kouici secrétaire du syndicat CGT de l’UNM
jeudi 29 juillet 2010
par  Charles Hoareau
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501 jours faits de manifs, de réunions, de moments de doute, d’autres d’espoir.
501 jours de lucidité, de ténacité, de sang-froid quand en face droite et patronat les trainaient dans la boue. Pour mieux taire le projet qui est de faire de Marseille une plate-forme du tourisme de luxe capitale de leur « Californie de l’Europe » dans laquelle ouvriers et activité industrielle font tâche, projet qu’ils essaient de mettre en œuvre dans le logement, l’emploi, l’aménagement urbain et les transports, pour mieux cacher ce projet-là en face, pendant 501 jours ou presque (sur la fin cela devenait compliqué !) patronat et gouvernement n’ont cessé de manier l’insulte et le mensonge face des salarié-e-s qui se battaient uniquement pour défendre leur emploi et la réparation navale lourde marseillaise.

Celles et ceux qui rêvent d’un Marseille St Tropez puissance 10 ont trouvé en face d’eux une CGT de la réparation navale et de tout un département qui s’est battue. On pourrait paraphraser la banderole que le comité chômeurs CGT avait sortie quand le pouvoir avait voulu expulser de leur logement des dizaines de familles de la rue de la République voisine : Droit à l’emploi, les marseillais restent et résistent.

Et comme dirait Noël avec tout son enthousiasme :« et le résultat est là ! ».
Pour la sixième fois, (vous avez bien lu la sixième !) la réparation navale, volet indispensable de l’activité portuaire marseillaise est sauvée des mains des affairistes qui depuis des années rêvent d’un port sans dockers, sans ouvriers, sans service public portuaire et lieu privilégié d’implantation d’hôtels de grand luxe et point de départ de croisières pour gens fortunés.

La réparation navale marseillaise, que gouvernement et patronat avaient enterrée, repart avec 45 premiers emplois à la clef et un nouvel employeur, le chantier naval génois San Giorgio qui, le 20 juillet, a pris officiellement possession des clefs et du droit d’exploitation des formes de radoub.

Ici quand Boluda leur « sinistre employeur » (comme le dit à juste titre l’UD CGT) est parti les salarié-e-s ne se sont pas résigné-e-s. Ils ne se sont pas battus pour une prime au départ ou pour un plan social. Ils se sont battus pour l’emploi et par là même pour l’avenir de la réparation navale marseillaise et l’avenir du port poumon économique de la ville. Comme le dit Patrick Castello, le secrétaire général CGT de la réparation navale «  C’est le combat victorieux de ceux qui, dès le premier jour, ont préféré le travail à l’enveloppe  ».Leur combat a payé.

Le 13 juillet, entourés par une haie d’honneur formée par des délégations CGT et leurs drapeaux venus de tout le département, les salarié-e-s ex-UNM et nouveaux CNM [1] sont rentré-e-s dans leur entreprise qu’ils venaient de sauver. Pour l’occasion ils n’avaient pas leur bleu mais le célèbre tee-shirt blanc si souvent porté dans ce département, outil de soutien et de popularisation de la lutte, et siglé en rouge la Navale vivra à Marseille.

Une seule ombre au tableau pour l’instant  2 des 45 salariés ne sont pas repris. Vengeance sur des combattants de la première heure dont le comportement a été exemplaire jusque devant ce refus. Ils savent toutefois que leurs amis et camarades ne les lâcheront pas.

Au-delà des 45 familles, au-delà du Port et de toutes celles et tous ceux qui dans ce département ont soutenu ce combat cela prouve, comme l’indiquait le 13 juillet Mireille Chessa, secrétaire départementale de la CGT, « Même avec un gouvernement et un patronat comme on les connaît en France, il est possible d’inverser les choix économiques et sociaux.  »

Entretien avec Noël

Je l’appelle et sa voix est chargée d’émotion et d’enthousiasme. Je n’ai pas fini de lui dire bonjour qu’il enchaine : « Tu tombes à pic ! Je viens de signer mon contrat de travail et je réattaque demain [2] avec la première tranche. Les rentrées vont se faire sur 105 jours à compter du 20 juillet jour de l’accord et donc les derniers rentreront mi-octobre.

Bien sûr on ne lâche pas pour les deux qui sont encore sur la touche et ce sera plus facile au fur et à mesure de l’activité grandissante. Tu sais ces deux ce sont des battants. Quand ils ont vu que les patrons bloquaient pour cinq d’entre nous ils ont dit qu’ils laissaient la place aux autres. Ils ont choisi de favoriser la victoire collective sans penser d’abord à leur intérêt. »

Les mots se bousculent dans sa tête et dans sa bouche. Il me laisse à peine glisser la moitié d’une question sur son regard sur les 501 jours et il enchaine :« Tu te rends compte une issue favorable c’était inespéré. Je regarde mon contrat…je n’en reviens pas….On a fait un truc de fou. On a gagné avec un noyau de salarié-e-s c’est énorme ! Les patrons ont compris qu’ils ne pourront pas faire n’importe quoi Bien sûr on a un peu perdu socialement mais on regagnera. Tu te rends compte reprendre après 501 jours !! » J’arrive à glisser un mot et il repart :« C’est sûr que par moments ça a été dur, même très dur. Tu sais quand tu vas au docteur que tu lui dis que tu te sens oppressé, que tu as la poitrine serrée et qu’il te dit que c’est à cause des soucis du travail ça fait drôle…Il a fallu trouver des gars pour occuper en permanence on pouvait pas lâcher un seul jour. Trouver des gars pour passer les deux nuits des réveillons. Heureusement les copains d’EDF nous ont aidé y compris dans ces moments-là…. »
On sent qu’à nouveau des milliers d’images se bousculent dans sa tête. Il lâche :« ça a été géant »

Un moment de silence puis il repart : « Sans l’entourage, sans la solidarité de toute la CGT, on n’aurait pas pu gagner. Je me rappelle ce préfet qui nous recevait en souriant et derrière son sourire nous on voyait qu’il voulait nous avoir…et maintenant on rentre dans la salle du CE où on faisait des réunions en se disant c’est pas possible on a fini d’occuper…

J’ai été impressionné par la machine de guerre de la CGT. Quoiqu’ils disaient en face on répliquait, on luttait on faisait des propositions qui les coinçaient : le GIE, l’ASSEDIC, les questions économiques…on avait des camarades à nos côtés dans tous les domaines. Quand j’ai vu ça j’ai compris qu’on nous lâcherait pas. Et puis nous aussi on a été avec ceux d’ADOMA, de LEGRE-MANTE, de FRALIB...

Y a des camarades qui ont compté énormément comme Paco [3], il y a eu aussi Olive [4] :il nous a toujours écouté sans rien nous imposer. Il a su trouver les mots pour nous encourager dans les moments compliqués et crois-moi il y en a eu ! Paco et lui ce conflit ça a été leur conflit, c’est la famille de la réparation navale…

Avec cette lutte on a montré qu’on peut gagner l’emploi. Le gouvernement avait décidé la mort de la navale et c’est dur quand tu as le gouvernement contre toi mais voilà on a gagné…Je ne sais pas encore comme on a fait…

Quand je vois tous ce que nos camarades ont fait je n’ai pas pu supporter qu’ils disent qu’on était le choléra sur le port. S’en prendre à la CGT qui défend l’emploi je n’accepte pas. Plus que jamais je vais continuer à me battre avec les copains de l’UL du Port [5].

En tous cas le résultat est là j’ai mon contrat dans la main, »
Il a un moment de remord « j’ai même pas encore téléphoné à ma femme… » et il reprend « Tu sais nos familles elles ont souffert avec nous. Par moment elles doutaient et se demandaient si on ne devait pas chercher du travail ailleurs mais voilà le résultat est là, la ténacité a payé, mes camarades retrouvent leur bleu »


[1Chantier Naval de Marseille

[2mercredi 28 NDR

[3Patrick Castello le secrétaire de la réparation navale des Bouches du Rhône NDR

[4Olivier Mateu chargé du suivi du conflit par le bureau de l’UD NDR

[5Dans le 13 une union locale CGT regroupe tous les salarié-e-s de l’enceinte portuaire NDR



Documents joints

Déclaration <span class="caps">UD<

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