Essais, le mur français du mensonge doit tomber

vendredi 30 avril 2010
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Plus de cinquante ans après le premier essai français (13 février 1960) et quatorze ans après le dernier (27 janvier 1996), il a fallu que des parlementaires – des Verts à l’UMP en passant par les socialistes et les communistes – se mettent autour d’une table, à l’invitation des associations de victimes et de leurs soutiens [1], et élaborent – fait rarissime – une proposition de loi commune, pour que le ministère de la défense dépose un projet de loi, de peur que la maîtrise du dossier lui échappe.

Tout au long du débat parlementaire qui s’est déroulé durant l’année 2009, le ministre et sa garde rapprochée n’ont eu de cesse de repousser les nombreux amendements déposés par les parlementaires, y compris ceux provenant de sa propre majorité ou du médiateur de la République. Et la loi du 5 janvier 2010 « relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français » à peine publiée au Journal officiel [2], les tractations pour en restreindre la portée se sont poursuivies.

D’abord, des rumeurs ont circulé, visant à réduire de 18 à 13 le nombre de cancers reconnus comme imputables à l’exposition aux essais nucléaires et permettant l’indemnisation des victimes. Ensuite, le projet de décret d’application [3] réintroduit la notion de seuil pour ouvrir des droits à réparation, malgré le refus de celle-ci par les parlementaires, et opère un découpage des zones concernées par les retombées radioactives qui ressemble étrangement à cette ligne de frontières ayant arrêté en 1986 le nuage en provenance de Tchernobyl.

Bref, à travers tout un dispositif technique, le ministre de la défense s’octroie le pouvoir de décider qui a été ou non irradié. Et pour M. Hervé Morin, seules « quelques centaines de personnes [4]  » devraient bénéficier d’une indemnisation.

Selon le ministre, par exemple, la radioactivité serait plus forte en Bretagne que sur les atolls de Moruroa et de Fangataufa, où la France a fait exploser 193 bombes nucléaires dont certaines équivalent à plusieurs dizaines de fois la puissance de celle d’Hiroshima... Si la radioactivité est si faible sur les atolls polynésiens, pourquoi n’ont-ils pas été rendus à leurs propriétaires ou transformés en club de vacances, au lieu de rester des zones militaires interdites d’accès ?

Par Patrice Bouveret. Le Monde diplomatique Mai 2010

Transmis par Linsay


Patrice Bouveret
Cofondateur et président de l’Observatoire des armements/Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits, Lyon.


[1Cf. Bruno Barrillot,Victimes des essais nucléaires : histoire d’un combat, préface de Christiane Taubira, L’Observatoire des armements, Lyon, 2010, 200 pages (www.obsarm.org).

[2Cf. le dossier législatif.

[3Soumis actuellement au Conseil d’Etat, il est consultable sur le site www.obsarm.org.

[4Selon ses propos tenus le 24 mars 2009 lors de la conférence de presse de présentation de son projet de loi.



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