La monnaie des faux monnayeurs (I)

vendredi 19 mars 2010
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Pour Didier Feret, journaliste indépendant, l’arnaque est fine, mais bien réelle, et elle se poursuit !

Lorsque, dit-il, l’homme de la rue y regarde de près, à propos de l’euro, dit « monnaie unique », dont les pouvoirs politiques lui ont tant vanté les vertus à l’aube des années 2000, pour ce qui est de la France il constate que, maintenant, on sort une pièce d’un euro comme jadis on sortait un franc !

« En fait, ajoute-t-il, subrepticement, en moins d’un lustre, l’euro a pris la place du franc dans le vocabulaire courant, et il a « ajusté » les choses à sa mesure.

« On a vendu de nouvelles pièces et de nouveaux billets 6,5 fois plus cher qu’avant, sans guère nous donner grand-chose en contrepartie.

« Et ça continue ! Si mes renseignements sont exacts, il paraîtrait que les Pays-Bas viennent de retirer de la circulation les pièces de 1 et de 2 centimes d’euros...! »

69% DES FRANCAIS REGRETTENT LE FRANC !

La nostalgie est toujours ce qu’elle était.

Elle grandit même au fil du temps.

Mais le sondage nous fait dire gentiment ce que sont en réalité notre colère et notre révolte !
Et notre exaspération !

On nous parle beaucoup de démocratie, mais nous, nous qui sommes le peuple, peuple en principe souverain, on ne nous écoute pas, on ne nous entend pas, y compris lorsque l’on vote !

Nous en avons assez de ce viol permanent !

Il n’est pas inutile toutefois d’en rappeler les résultats.

Donc 69% des Français « regrettent le franc », selon le titre qui est celui de la plupart des journaux.

Ils précisent toutefois.
47% disent le « regretter beaucoup ».
Et 22%, « un peu ».

Mais ces 69% étaient 61% en juin 2005 !

Et 48% en juin 2002, lorsque les euros, pièces et billets, ont été mis en circulation.

Huit ans après le remplacement du franc par l’euro, la hausse est pour le moins notable !

Le désamour initial vis à vis de l’euro va crescendo ! Et c’est avant tout parce qu’il s’est fait surtout sentir au niveau du porte-monnaie des citoyens français et européens !

QUAND « DROITE » ET « GAUCHE » COLLABORENT ET COHABITENT...

C’est déjà une vieille chronique que celle de cette naissance, aussi importante et ambitieuse selon ses promoteurs que l’acte fondateur de « l’Union européenne » qu’a constitué le traité de Rome en 1957.

Un long cheminement parce que cette naissance s’est accompagnée de nombreux et larges débats tant au plan de sa légitimité économique que des incertitudes et des risques qu’il contenait.

Et c’est peut-être seulement aujourd’hui que la mise en oeuvre de l’objectif fait apparaître dans toute sa nocivité les dangers qu’il contenait, tant cette nocivité accompagne celle de la crise du capitalisme dont elle est à la fois une conséquence et une cause.

LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES ET CAPITAUX

Si l’idée d’une monnaie unique n’est pas affichée pour être partie intégrante du projet initial de construction européenne, c’est à partir des années 1960 que les pressions inflationnistes et les tensions sur les marchés des changes, conjuguées à l’achèvement de l’union douanière en 1968, poussent les 6 pays de la CEE à aller plus loin dans la « solidarité économique », c’est-à-dire plus loin dans la « libre circulation des marchandises et des capitaux » pour mieux répondre aux nouveaux besoins des grands groupes capitalistes, les accompagner dans le processus d’extension de leur domination par delà les marchés nationaux, vers toujours plus de mondialisation établissant cette domination sur l’ensemble de l’humanité.

C’est aussi le temps où, le 15 août 1971, Nixon décrète la non-convertibilité du dollar en or, où donc le système international de Bretton-Woods, déjà en ruines, s’effondre.

L’UEM, l’Union économique et monétaire, est donc lancée avec, en octobre 1970, le rapport Werner qui considère que le maintien des monnaies nationales est concevable mais qui juge, pour des motifs politiques et psychologiques, la monnaie unique préférable.

En 1972 succédera l’institution du « serpent monétaire européen » pour réduire les marges de fluctuation des monnaies européennes entre elles, et en 1978 le « système monétaire européen » est introduit pour prendre en compte la progression de l’intégration économique par un système de changes.

DU MARCHE UNIQUE A LA MONNAIE UNIQUE

Finalement, c’est au Conseil européen de Hanovre en juin 1988 qu’est prise la décision de créer une union économique et monétaire, et qu’un comité d’experts, présidé par Jacques Delors, est chargé de réfléchir aux conditions et modalités de sa réalisation.

Ses conclusions sont adoptées en juin 1989 au Conseil européen de Madrid et aboutissent à la signature du traité de Maastricht sur l’Union européenne le 7 février 1992. Il prévoit un passage à la monnaie unique en 1997 ou, au plus tard, au 1er janvier 1999, pour les seuls états ayant mené à bien un processus de convergences macroéconomiques.

Pourtant la ratification de la signature du traité par référendum en septembre 1992 fait l’objet d’une âpre bataille politique.

Certes, le Oui l’emporte sur le Non de 539 410 voix, soit 1,41% des inscrits et 2,09% des exprimés.

Il suffit toutefois de noter qu’il y eut 909 410 bulletins blancs ou nuls pour souligner la relativité du résultat.

Par rapport au nombre des inscrits, les résultats peuvent s’écrire ainsi :
- non votants = 30,30%
- blancs ou nuls = 2,37%
- Oui = 34,36%
Non = 32,95%

LE COMMENCEMENT DE LA FIN

Pourtant un très large éventail s’était engagé sous la bannière du Oui :

- le gouvernement Mitterrand-Bérégovoy-Durieux,

- la grande majorité des dirigeants du PS et de son appareil,

- les dirigeants au plus haut niveau de « l’opposition », le prédécesseur de Mitterrand à la présidence de la République, Giscard d’Estaing, l’ancien premier ministre Raymond Barre, l’ancien futur candidat à la présidence de la République, également ancien premier ministre Jacques Chirac, le futur candidat premier ministre dans l’éventualité d’un retour d’une majorité de députés du RPR et de l’UDF à l’Assemblée nationale Edouard Balladur...

Ce n’est pas qu’un peu...!

Et, pour sa part, François Mitterrand, dont l’objectif visait certainement à ne pas se contenter d’obtenir la ratification du traité, ou du moins un résultat modeste, s’était engagé très fortement.

Et rarement propagande officielle n’a été si intense, si mensongère, si vicieuse. Pendant des semaines, du matin au soir, sous une forme insidieuse ou ouvertement, radios et télévisions ont donné de la voix et de l’image pour le vote Oui.
Manifestement le résultat n’était pas au niveau de l’ambition.

Le peuple français, dans sa profondeur, commençait à exprimer ce qui avait failli l’emporter cette fois, et l’emportera clairement par la suite, le rejet clair et net de la construction européenne et de la monnaie unique.

Les mêmes expressions, quelquefois plus accentuées encore, vont se manifester dans la quasi-totalité des pays d’Europe, souvent mêmes plus accentuées qu’en France, lorsque les peuples seront sollicités pour donner leur opinion, comme à l’occasion des dernières élections au parlement européen.

LE GOUVERNEMENT JOSPIN ACHEVE LE TRAVAIL

Mitterrand avait cornaqué le traité de Maastricht et sa ratification, et c’est le gouvernement de Lionel Jospin, qui cohabite avec le président Chirac, qui mènera toutefois la monnaie unique à bonne fin, l’essentiel du travail, le plus ingrat, étant toutefois achevé.

Ce n’est qu’en 2002 que Jospin devra s’acquitter de l’addition.

Quelques dates jalonnent cette fin de parcours.

Mai 1998, Conseil européen extraordinaire de Bruxelles qui entérine la naissance de l’euro, désigne les onze pays qualifiés et annonce les parités bilatérales des monnaies nationales appelées à se fondre dans l’euro.

Juin 1998, mise en place de la Banque centrale européenne ( BCE ) et du système européen des banques centrales.

31 décembre1998, les cours irrévocables de conversion des monnaies nationales en euros sont annoncés à 12h30.

1er janvier 1999, entrée en vigueur de la 3e étape de l’UEM, l’euro devient la monnaie unique des pays de l’UEM, toutes les opérations financières de la zone se font dans la nouvelle monnaie.

1er janvier 2002, mise en circulation des pièces et billets en euro.

22 février 2002, fin de la double circulation, celle-ci prend fin en France le 17 février.

LES PEUPLES SANCTIONNENT

2002 est aussi en France l’année de la nouvelle élection présidentielle.

Jospin, candidat du Parti socialiste, est rudement sanctionné dès le premier tour et arrive derrière Le Pen, il ne peut être présent au second tour.

Robert Hue, candidat du PCF, est également fortement sanctionné.

Le Pen arrive en seconde position derrière Chirac, lequel n’a plus alors de difficulté à se faire réélire au deuxième tour.

En 2005, les gouvernements et les forces capitalistes essentielles qu’ils incarnent, veulent « couronner » l’édifice institutionnel mis en place par une constitution qui consacrerait l’évolution vers un Etat fédéral européen où les peuples seraient encore plus largement dépossédés de leur souveraineté.

Là où ils sont consultés ( France, Pays-Bas ), les peuples récusent.

Le projet de traité constitutionnel, lequel reprend l’ensemble des traités fondateurs, est forclos, de même que le sont les traités constitutifs de cette Europe du capital.

Cette réalité-là est toutefois cachée au peuple français, sa victoire va lui être volée et sa décision souveraine va être violée.

LE COUP D’ETAT

Violée, parce que selon les dispositions constitutionnelles, seul le peuple lui-même peut remettre en question les décisions qu’il a lui-mêmes prises. En l’occurrence, ses « représentants » ne peuvent le faire à sa place.

Pourtant, le président Sarkozy n’hésitera pas devant le coup d’Etat qui consiste à passer outre et à soumettre une « nouvelle » mouture quasi-identique, le traité de Lisbonne, à la représentation nationale.

Pourtant personne, et notamment aucune force politique, ne récuse la démarche, même si quelques députés peuvent se dédouaner à bon compte en votant contre le traité de Lisbonne.

Mais le peuple souverain a été violé, et la constitutionnaliste Anne-Marie Le Pourhiet restera cependant bien seule, en compagnie de quelques gaullistes « historiques » qui avaient appelé à voter Non ( Nicolas Dupont-Aignan, Pierre Lefranc, Etienne Buron des Rosiers, pierre Maillard...), à dénoncer le coup d’Etat et, du même mouvement, à exiger la présentation du président de la République devant la Haute Cour de Justice.

SE COUCHER OU ACCOMPAGNER LE PEUPLE

Un coup d’Etat peut-il être accepté, y compris par ceux qui sont partisans d’une perpétuation de « l’Union européenne » sous quelque forme que ce soit en se réclamant d’une autre Europe ?

Mais ceux-là ont-ils des convictions démocratiques et s’accommodent-ils d’une constitution qui garantit une forme de gouvernement des affaires des principales firmes capitalistes sous la direction personnelle d’un « grand commis » qu’elles ont en fait désigné préalablement à toute « onction » électorale ?

Toujours est-il que les Français, dans le développement de leurs luttes socio-économiques, viennent de confirmer, en les amplifiant, quelques manifestations de l’évolution de leurs convictions profondes.

Le boycott massif, à 60%, des élections au parlement européen en juin dernier, a réaffirmé le fait qu’ils se sont définitivement prononcé quant à la poursuite ou non de l’existence de ladite « Union européenne ».

Les 69% d’entre-eux qui « regrettent » la disparition du franc s’inscrivent tout à fait dans la même tendance de fond.

Et voilà maintenant qu’à 72%, ils considèrent le capitalisme comme négatif, ce qui, faut-il le préciser, est le contraire de « positif » ?

Va-t-on enfin prendre en considération ce que ce peuple exprime de différentes manières, ou bien s’agit-il de continuer à considérer, en se référant à diverses idéologies, qu’il convient d’apporter de l’extérieur la vérité au peuple, lequel serait évidemment bien incapable de discerner ce qu’il pense ou exprime lui-même ?

FAUT-IL EURO-REGULER ?

Dans « l’Humanité des débats », Thomas Coutrot, co-président d’ATTAC France, et Bruno Jetin, membre de son conseil scientifique, demeurent « incrédules » face à la passivité des gouvernements et de la commission européenne alors que quelques dizaines de fonds spéculatifs ont lancé une attaque coordonnée contre l’euro !

Selon eux, l’Union européenne, bien sûr maintenue, doit immédiatement instaurer une taxe sur les transactions financières pour désarmer la spéculation qui menace de déclencher une nouvelle catastrophe financière.

Dans le même temps, « Regards citoyens », sous le titre « Euro-régulons », y vont de leur couplet :

« A lire la presse britannique, l’heure est grave. Paris veut tuer la City. Comment ? En régulant de manière outrancière la finance européenne.

« Chef des conspirateurs : Nicolas Sarkozy, bien sûr. Complice : José Manuel Barroso. Exécuteur des basses oeuvres : Michel Barnier, nommé par le second sous la pression du premier au poste stratégique de commissaire au marché intérieur et aux services financiers.

Bref, euro-régulons en choeur !

Je remarque toutefois que personne ne parle encore de « moraliser le capitalisme », même si cette euro-régulation peut s’inscrire dans cette moralisation.

Mais c’est peut-être « Agora Vox » qui approche le plus de la situation réelle :

« Ce n’est donc pas la Grèce qui fait peur, pays dont l’Europe se contrefiche, disons les choses crument.

« Ce qui fait peur, c’est le spectre de la contagion.

« Selon Helga Zepp-Larouche, « les deux choix qui s’offrent à l’UE tant qu’on s’enferme à l’intérieur du système actuel, sont celui d’une austérité draconienne, à la Hjalmer Schacht, et celui, en faisant tourner la planche à billet de la BCE, d’un renflouement bancaire provoquant une hyperinflation à la Weimar.

« Ces deux choix nous conduisent vers encore plus de crise et peut-être la guerre. »

DONNER AUX PEUPLES LES MOYENS POUR DECIDER

On le comprend bien, nous sommes dans les fins d’un système qui, au service du capitalisme, s’entremêle dans ses contradictions et les multiples aspects de sa crise.

Décidément, l’alternative ne peut être que celle dessinée par les peuples depuis pas mal de temps déjà.

Va-t-on enfin leur donner vraiment la parole et les moyens pour mettre en oeuvre ce dont ils auront décidé ?

On voit bien qu’il n’en est guère question, on reste aux vieilles berceuses qui servent à endormir !

Alors, si on ne la leur donne pas, il faudra bien qu’ils la prennent !

Et le plus tôt sera le mieux.



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