Marie-Luce Penchard : Guadeloupe pas une.

lundi 1er mars 2010
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Le clientélisme de la nouvelle ministre des DOM - tout, tout, pour ma Guadeloupe - n’est pas apprécié outre-mer. Plus ultramarine qu’ultramaline.

Voilà Marie-Luce au fond du trou pour s’être laissée aller aux Abymes [1].

Tout commence le matin du 13 février, veille de ses 51 ans, la ministre de l’Outre-Mer, trois enfants et un mari pilote de ligne, tempête dans « France-Antilles » :

« Il y a des gens qui vont dans le sens du vent, par clientélisme, pour avoir des subventions, des aides plus importantes, c’est inacceptable dans une démocratie moderne et je n’adhère pas à ce type de comportement ».

Le soir, en meeting devant les Abimiens, la deuxième de la liste UMP de Guadeloupe complète son propos :

« Ca me ferait mal de voir cette manne financière (de 500 millions d’euros) quitter la Guadeloupe au bénéfice de la Guyane, de la Réunion ou de la Martinique, et de me dire :enfant de la Guadeloupe, je ne suis pas capable d’apporter quelque chose à mon pays, mais à quoi je sers ? ».

Ca lui ferait mal, mais sa sortie n’a pas fait de bien à son image de ministre censée servir l’intérêt général.

Surtout que Marie-Luce jusque-là avait joué la mère la rigueur.

Aux Réunionnais, elle avait professé, en novembre 2009 :

"Il faut arrêter de croire que chaque fois qu’un ministre vient en outre-mer, c’est pour faire une annonce.
Tout ne se réglera pas en ajoutant des crédits."

Pour les Polynésiens, elle précisait en janvier :« Il faut en finir avec la logique des annonces purement financières ».

En voulant garder ses crédits pour les Guadeloupéens elle a perdu le sien.

Sa descente aux Abymes a été sans rappel.

Yves Jégo, son prédécesseur qui avait vu dans son éviction la victoire des « békés et de l’argent », a laissé parler l’un de ses proches :

« On voit bien qu’elle n’est pas au niveau ».

« Inadmissible », a tonné la Réunionnaise Margie Sudre, ancienne sous-ministre de Chirac.

Patrick Balkany a le plus éructé : « Elle devrait être virée, c’est comme si Brice Hortefeux voulait mettre tous les flics en Auvergne ».

La virulence du serial Tartarin de Levallois, spécialiste des confidences-chocs sur la Sarkozye - c’est lui qui avait annoncé la circoncision du petit-fils du Président -, n’a pas laissé d’intriguer.

Cela aurait-il à voir avec son séjour à Saint-Martin en 1996, quand , poussé par son sens civique, il s’y était exilé afin de méditer sur sa condamnation à 15 mois de prison avec sursis, 200 000 F d’amende et 2 ans d’inéligibilité pour avoir rémunéré aux frais du contribuable trois personnes qui le servaient dans ses résidences ?...

Mais la vraie question demeure : depuis quand un ministre n’aurait-il plus le droit d’arroser son « pays » ?.

Penchard a juste revendiqué à haute voix un clientélisme que beaucoup pratiquent sans le dire.

Une maladresse de débutante bien compréhensible, vu son peu d’ancienneté dans le métier.

Sarko l’a nommée secrétaire d’Etat en juin 2009 pour succéder à ce Jego coupable aux yeux de l’Elysée d’avoir mal géré la grève générale à la Guadeloupe de l’hiver 2009.

Pour tenter de rendre un peu de lustre à des élus guadeloupéens discrédités, il a offert à la France sa conseillère perso.

Lucette Michaux-Chevry, ancienne ministre de Jacques Chirac e sénatrice UMP, a applaudi la nomination :

« Je suis très heureuse pour l’outre-mer ».

Et pour l’outrée mère qu’elle est, aurait-elle pu ajouter, puisque Marie-Luce est sa fille et qu’elle ne s’était pas économisée pour dézinguer le malheureux Jego pendant la crise :

« On ne peut pas continuer à gérer l’outre-mer comme si nous étions dans les colonies : c’est fini cette mentalité de paternalistes », tonnait-elle alors du haut de ses 80 printemps.

Sarko l’a entendue et est tombé dans le maternalisme.

Après la mère, la fille : la Guadeloupe se la joue comptoir des sucriers.

Faut-il chercher dans cette parentèle une explication à la bévue de Marie-Luce ?

« Elle est pire que sa mère », avait prévenu la députée Gabrielle Louis-Carabin, qui, le jour de la nomination, a démissionné de l’UMP en guise de protestation.

Lucette, il est vrai, a des titres de gloire.

Son utilisation toute personnelle de l’argent public lui a valu quelques condamnations.

Et son clientélisme, une certaine réputation.

« Tous les hommes sont sous ma jupe », aime-t-elle à dire.

Mais Marie-Luce revendique son libre arbitre, partie vivre en métropole pour prendre ses distances avec sa mère.

« Mon père, un Blanc, était de gauche, et ma mère, fille d’esclaves, de droite ».

Et de préciser : « Ma mère va beaucoup m’aider car je vais éviter tous les pièges dans lesquels elle est tombée... »

Présomptueuse, avec ça.

Sarko, lui, n’en a pas évité beaucoup dans les DOM.

En 2005, ministre de l’Intérieur, il avait dû annuler une visite aux Antilles.

Les locaux n’avaient pas goûté son vocabulaire d’alors, « karcher », « racaille », et son appétence pour la loi de février 2005 qui saluait le rôle positif de la colonisation française.

Au second tour de la présidentielle, le candidat UMP était derrière Ségolène.

Depuis, sa « rupture » a fait long feu.

Sarko en est à son troisième ministre des DOM en trois ans.

Un festival.

Certes, il a brisé un tabou.

Il a nommé une ultramarine Rue Oudinot, ce qui était interdit pour ne pas donner le sentiment de privilégier tel ou tel territoires.

La rupture du tabou est une réussite.

Et la preuve que même ultramarin un ministre peut couler.

Sarko était pourtant content de Marie-Luce.

Les référendums sur l’autonomie en Martinique et en Guyane, cet automne, s’étaient bien passés, et les Etats généraux de l’outre-mer aussi.

La secrétaire d’Etat avait été promue en novembre.

Et puis la gaffe.

Si son score aux régionales s’en ressent, elle pourrait en faire les frais lors du prochain remaniement.

Sarko a déjà un successeur potentiel.

Il a trouvé un Besson en Guyane, un certain Rodolphe Alexandre, maire de Cayenne, un divers-gauche investi tête de liste par l’UMP.

S’il lui ramène la Région, il faudra bien récompenser sa traîtrise...

Par Jean-Michel Thénard dans Le Canard enchaîné du 24/02/2010

Transmis par Linsay.


[1Les Abymes est la commune la plus peuplée de Guadeloupe. Ses habitants, au nombre de 60 000, sont appelés les Abymiens.



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