Double discours : on n’oublie pas !

lundi 26 octobre 2009
popularité : 3%

Au cours d’un débat à la Fête de l’Humanité entre des responsables politiques et syndicaux, Pierre Khalfa, syndicaliste à Solidaires, a livré cette réflexion : « Au niveau politique, il faut clarifier les contenus. Tout le monde n’est pas égal sur ce point ; certains ont tenu un double discours en faisant le contraire de leurs engagements au gouvernement. Il y a un problème de confiance vis-à-vis de la gauche institutionnelle ». Ce qui est valable pour le gouvernement français, ou plutôt pour les gouvernements successifs (la liste est longue des engagements non tenus ou des décisions contraires aux engagements pris), l’est aussi sur le plan européen.

On se souvient que, pendant la campagne des européennes, les socialistes français et européens menaient campagne contre Barroso, président de la Commission européenne. En France, des tracts et des affiches affirmaient avec force : « Sarkozy-Barroso STOP - Changeons maintenant ». Pour le lancement de leur campagne à Toulouse, Martin Schulz, le président du groupe socialiste au Parlement européen, appelait à battre Barroso. Quelques mois plus tard, ces attaques virulentes sont passées à la trappe. Grâce au vote favorable ou à l’abstention des parlementaires européens socialistes, José Manuel Barroso, le candidat des 27 chefs de gouvernement de l’Union européenne, a été réélu par 382 voix contre 219 et 117 abstentions (la droite ne disposait que de 354 voix) pour un nouveau mandat de cinq ans.

Ce double discours apparaît également si on compare les décisions gouvernementales et les votes au Parlement européen. Tous les parlementaires européens des partis du gouvernement de gauche plurielle avaient voté avant 1997 contre la libéralisation du secteur énergétique. Après 1997, le gouvernement Jospin l’a pourtant mise en œuvre. Aujourd’hui, les cheminots ont raison de se mobiliser contre la libéralisation du fret qui, comme l’a souligné Didier Le Reste, secrétaire général de la CGT cheminots, au rassemblement du Bourget le 16 septembre 2009, « génère le dumping social et de graves entorses aux règles de sécurité du transport ferroviaire ». Mais une question mérite d’être posée : en serait-on là aujourd’hui si le gouvernement Jospin n’avait pas entériné l’accord du Conseil des ministres de transport de l’Union européenne en décembre 2000 (sous présidence française) qui ouvrait le fret à la concurrence. C’était bien en 2000...et non en 2006 comme l’a affirmé « L’Humanité » du 17 septembre 2009 !

Une fois la brèche ouverte avec le fret (international puis national), c’est le transport ferroviaire international des voyageurs qui sera ouvert à la concurrence au 1er janvier 2010. En avril 2009, le Parlement européen a même demandé la libéralisation du trafic ferroviaire national des voyageurs en 2012. La Commission Barroso ne manquera pas de suivre cette recommandation.

Mais quid du secteur postal qui fait la une de l’actualité ?

Le Parlement européen et le Conseil ont décidé que les services postaux devaient être totalement libéralisés au 31 décembre 2010. Il a fallu plus de dix ans, depuis la première directive de 1997, pour aboutir à cette décision. Plus de dix années pendant lesquelles les gouvernements français, de droite comme de gauche plurielle, ont accepté l’ouverture progressive à la concurrence par paliers successifs sans jamais remettre en cause le processus. Les engagements de Lionel Jospin de réviser les principes et mécanismes de la construction européenne dans un sens social et respectueux du service public sont restés lettre morte ! Ceux-là même qui, par leur participation au gouvernement Jospin, avaient accompagné ce processus de libéralisation, ont pu bénéficier aujourd’hui d’une session de rattrapage et faire en quelque sorte amende honorable en étant partie prenante du fort mouvement populaire contre la privatisation de la poste.

Quelles leçons tirer de ces événements ?

Seule une forte mobilisation populaire peut permettre de faire échec au double langage et contribuer au respect des engagements pris. Mais cette mobilisation doit éviter la délégation de pouvoir et ne pas faiblir, quel que soit le gouvernement en place. Cette mobilisation nécessite également une grande vigilance. C’est actuellement le cas vis-à-vis de certains participants au collectif anti-privatisation qui a organisé avec succès la votation citoyenne du 3 octobre. La vigilance s’impose effectivement quand les auditeurs de France Inter ont pu entendre Martine Aubry le 1er octobre se contenter d’une « poste qui reste à majorité publique » (ce qui revient à accepter une ouverture partielle du capital) et même justifier l’ouverture du capital de France Telecom par Dominique Strauss-Kahn ! Le meilleur moyen aujourd’hui de créer un rapport de forces plus favorable ne serait-il pas de tout mettre en œuvre, à tous les niveaux, pour construire une convergence des luttes dans toutes les entreprises publiques qui sont concernées par le processus de libéralisation et de privatisation mis en œuvre sur le plan européen et relayé par les gouvernements ?

L’EUROPE EN BREF...

- Dans une déclaration sur le Honduras, la présidence suédoise de l’Union européenne a appelé les parties « à la retenue » ! En renvoyant ainsi dos à dos les putschistes et les résistants, c’est une façon pour l’Union européenne de cautionner le coup d’Etat !

- Auditionné le 28 septembre par la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, le président de la Banque Centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, s’est dit opposé à la « taxe Tobin » sur les transactions financières. Faut-il s’en étonner ?

- Dans une enquête parue dans « La Croix » intitulée « L’accès aux soins : un droit non respecté », l’association humanitaire « Médecins du Monde » dresse un bilan inquiétant sur la santé des immigrés en situation irrégulière dans onze pays d’Europe de l’Ouest.

- La Commission européenne propose d’allonger le temps de travail des conducteurs de poids lourds. Encore un secteur qui n’était pas complètement déréglementé !

- Après avoir reconnu que « depuis 2007, les zones d’insécurité ont augmenté », le représentant spécial de l’Union européenne, Ettore Francesco Sequi, a plaidé devant les parlementaires européens le 6 octobre pour un renforcement de la mission de police de l’Union européenne (EUPOL) en Afghanistan.

- L’Union européenne vient d’attribuer à une firme israélienne un marché de 230 millions d’euros pour « des travaux de construction de stations de traitement de l’eau potable » à Chypre. Encore une mesure d’encouragement à Israël qui rationne l’eau potable pour la population palestinienne !



Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur