Michel Pébereau : Très encours.

vendredi 2 octobre 2009
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Les sorties répétées de Sarko contre les banquiers ne visent pas vraiment l’heureux patron de la BNP, grand familier de l’Elysée.

AUTANT aller à la fête de l’ »Huma ».

Au moins on n’y est pas hué par « les siens ».

Le patron de la BNP Paribas, Michel Pébereau, 67 ans, s’est fait siffler l’autre semaine à l’université d’été du Médef, syndicat patronal que préside sa protégée Laurence Parisot, d’ailleurs membre de son conseil d’administration.

Notre ami venait, il est vrai, de proférer une grossièreté, en tout cas aux yeux de son public :
« Les banques sont au service des entreprises » (comprenez, pour traverser la crise).

Il semble qu’entre banquier et entrepreneurs les avis soient partagés sur la question.

Une horreur tout de même que ces sifflets : BNP Paribas est un groupe bancaire absolument parfait.

La « Tribune » l’indiquait quelques jours plus tard : selon des critères américains de fiabilité du crédit, c’est même « la banque la plus sûre au monde ».

Elle ne s’est pas empêtrée –ou si peu- dans les subprimes, elle n’a donné qu’avec ménagement dans les « produits dérivés » et n’a jamais employé de trader fou.

Bien loin d’être sérieusement affaiblie par la crise, elle s’y est au contraire renforcée en acquérant, Sarko aidant, la banque belgo-hollandaise Fortis.

Surtout, comme le clament répétitivement des placards publiés ces jours-ci par la presse, BNP Paribas déploie « depuis quatre mois » des trésors de générosité : « + 21% de microcrédits distribués à 7 500 micro-entreprises, + 25,3% de crédits supplémentaires aux étudiants, + 6,2% de crédits immobiliers », etc.

Arrêtez tout !.

La maison tourne au Guichet du cœur !.

« Pour être un grand industriel, il faut être intelligent.

Pour être un grand banquier, il n’y a pas besoin d’être intelligent.

Il suffit de savoir dire non », blaguait le grand historien de la banque Jean Bouvie.

Effectivement, d’une prudence certaine, Pébereau, major de l’X et inspecteur général des Finances tout de même, peut, dans le paysage bancaire français, maintenir un port de tête royal sous une expression sinistre.

De celles qu’on nommait naguère ou jadis « les trois vieilles », la BNP, premier établissement de la zone euro, est la seule à pouvoir se targuer d’une indépendance, d’une santé et d’une réputation décente.

Au terme d’un feuilleton de malheurs, le Crédit lyonnais a été racheté par le Crédit agricole et, depuis deux ans, la Société générale a connu le régime saccadé qu’on sait.

SG que Pébereau avait échoué à racheter en 1999 au moment même où il mettait la main sur Paribas.

Un remake familial en un sens : onze ans plus tôt, son frère aîné, le financier Georges Pébereau, s’était également ramassé dans un raid sulfureux qu’avec quelques associés (et le soutien du pouvoir socialo) il avait lancé contre la Générale .

Célébré, par certains, pour son immense courtoisie, redouté par d’autres pour sa capacité à congeler d’un mot le collaborateur qui offenserait Sa Grandeur ou ses analyses, Pébereau est surtout le prototype du grand techno dont le monde entier reconnaît la spécificité.

Sans la victoire de Mitterrand, il pouvait espérer la carrière d’un Jean-Claude Trichet : directeur du Trésor, gouverneur de la Banque de France puis patron de la Banque européenne.

Conseiller du ministre des Finances Giscard, puis, l’Ex régnant, directeur de cabinet du grand argentier Monory (80-81), il se réfugie dans la banque (publique) quand se lève la vague rose.

Président du CCF, il le privatise au retour de la droite.

Et rebelote à la BNP, où Balladur le propulse en 1993.

Une solide expérience mixte qui l’amène aujourd’hui à jouer les concepteurs de plans de sauvetage, les sages des conflits patronaux et les conseillers écoutés du pouvoir.

Très présent aux réunions sur la RGPP (révision générale des politiques publiques) – la dette est une obsession de notre homme-, Pébereau a aussi mis la main au plan sarkozyste d’aide aux banquiers, lequel, une vraie surprise, ne prévoyait pas, comme en Grande-Bretagne, l’entrée de représentants de l’Etat dans les conseils d’administration des banques .

S’il a – on rigole –affolé Sarko en se proposant de verser dès cette année de généreux bonus à ses troupes, l’humanitaire, le compassionnel Pébereau a en tout cas pris les devants : il s’est sucré pour douze mois son propre bonus et ses stock-options.

Un golgotha, ou l’on ne s’y connaît pas : en sus de ses jetons de présence (Total, Lafarge, Saint-Gobain, etc), Michel ne perçoit jamais que 700 000 euros de salaires annuels, et il bénéficie d’une retraite chapeau de 800 000 euros par an.

Retraite culturelle.

Notre homme, qui affectionne aussi le tarot, ne jure, questions loisirs, que par la science-fiction.

Il assure d’ailleurs la chronique – plutôt insipide – des nouveautés de ce genre littéraire dans « Le Journal du dimanche ».

Début juillet, le grand lecteur Pébereau a, au passage, conduit à la fermeture l’unique librairie américaine de Paris, la centenaire « Brentanos’ » (une douzaine d’employés), avenue de l’Opéra, évidemment incapable d’acquitter le nouveau loyer (200 000 euros au lieu de 75 000) que lui réclamait sans sourciller son proprio, la BNP.

« Les banque sont au service des entreprises ».

Et, à l’occasion, du Pôle emploi.

Par Patrice Lestrohan dans Le Canard enchaîné du 16/09/2009

Transmis par Linsay.



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