Retour sur un procès

Interview de Maitre Vouland
vendredi 23 décembre 2005
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En marge du conflit du PAM et dans la foulée de celui-ci 3 salariés du PAM étaient traduits en justice Maitre Vouland était leur avocat.

R.M : Quels étaient les enjeux de ce procès ?

P.V : C’était un procès choquant à plusieurs titres. Des salariés étaient poursuivis parce qu’on applique au syndicalisme la législation anti émeutes.
On fait une législation qui trouve ses origines à Thiers, puis Lamartine en tant que ministre de la 2e République, qui veut renforcer alors l’autorité de l’Etat.
Le danger c’était l’utilisation que le parquet voulait faire de la législation.

Il y a eu semble-t-il, des dégradations sur le port attribuées à des casseurs. Ceux-ci n’ayant pas été trouvés, le parquet s’est rabattu sur cette législation pour obtenir une condamnation.
Cela veut dire que demain, lors d’une manifestation, si une bande de provocateurs harcèle les forces de police, les organisateurs de la manifestation peuvent être personnellement poursuivis.

Autre problème de fait au moins aussi important. A une porte du port, les forces de police donnent l’ordre de dispersion aux grévistes, il est 23h30. A une 1 heure du matin sur 1 autre porte à 2 km de là, les salariés sont interpellés pour refus de dispersion
On imagine sans peine ce qui se serait passé si les salariés avaient été condamnés.
Un rassemblement dispersé sur le Vieux Port peut permettre des arrestations 2 heures après à Castellane !!

Certains font mine de s’étonner que des salariés se cagoulent pour mener certaines actions symboliques. (On pense en particulier aux salariés d’EDF, impliqués dans l’action Robin des bois NDLR) mais c’est la conséquence d’une judiciarisation sans précédent de l’action syndicale.

Ainsi récemment un conseiller prud’homme a été poursuivi parce qu’il était revenu dans une entreprise où s’était déroulé auparavant un conflit du travail. La direction a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour violation de domicile ! Le fait qu’il y ait constitution de partie civile oblige la justice à poursuivre. Il y a eu non lieu mais là encore on imagine sans peine les conséquences, si le non lieu n’avait pas été prononcé....

De même, toujours au PAM, 5 personnes sont poursuivies pour être soupçonnées d’avoir collé des autocollants sur des panneaux de la route. Voyez la gravité du délit !!!

RM :Dans le procès des salariés du PAM quel a été l’axe de défense ?

PV :Remettons nous bien dans le cadre de la promulgation de la loi qui intervient dans une période historique où s’opère une transition entre la Restauration et la République. Le pouvoir d’alors se donne quelques garde-fous pour éviter que l’application de la loi aboutisse à l’interdiction pure et simple de tout rassemblement.
L’ordre de dispersion doit faire l’objet de sommations officielles et celles-ci doivent être faites par un officier ceint de l’écharpe tricolore, symbole de la République et de la solennité de l’instant. Un décret public précise même dans la foulée de la loi les deux phrases à prononcer. « Obéissance à la loi dispersez-vous » puis « Dispersez-vous, nous allons employer la force »

Un arrêt de la cour de cassation de 1903 a fixé le principe de l’obligation du port de l’écharpe tricolore pour ce moment là.
J’avais plaidé sur l’ensemble des arguments développés plus haut le tribunal a retenu l’arrêt de 1903.

RM : Ce qui veut dire que si le commissaire avait eu l’écharpe les salariés étaient condamnés ?

PV : On ne peut pas extrapoler ni renter dans la politique de la justice fiction. Il restait les autres moyens de défense mais effectivement la question reste posée.

RM : Vous êtes un avocat classé « pénaliste » c’est-à-dire chargé d’ordinaire d’intervenir dans les affaires de vol ou d’assassinat et là vous êtes avocat pour la CGT....

PV : Si la CGT a estimé devoir engager un avocat pénaliste c’est à cause de l’évolution judiciaire dont je parlais plus haut.....
Avant, tout ce qui concernait le droit du travail relevait du droit public, conseil de prud’hommes ou tribunal administratif, aujourd’hui la voie pénale est de plus en plus prise
Ca va s’arrêter où ?

Les patrons vont vers une solution pénale le danger de cette judiciarisation c’est que lorsqu’il y a plainte on met la police dans le dossier avec toutes les risques de dérive que cela comporte.



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