La situation au Tibet et la nature des informations

dimanche 16 mars 2008
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Les informations que nous avons actuellement en occident émanent de Radio Free, une radio financée par les Etats-Unis, Radio free Europe et Radio free Asie. Les informations venues de Chine confirment partiellement mais infirment la thèse de tirs de la police chinoise et affirment que les morts sont des commerçants chinois massacrés par des bandes organisées.

Jeudi 13 mars 2008, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, avait accusé les manifestants de "chercher à déclencher des troubles sociaux"..Samedi en marge des travaux de l’Assemblée Nationale chinoise , l’agence Chine Nouvelle a décrit ainsi la situation : "Les manifestations de moines bouddhistes tibétains contre le pouvoir chinois qui ont dégénéré vendredi à Lhassa ont fait 10 morts, et aucun étranger ne figure parmi les victimes."

Le chef du gouvernement régional du Tibet, Champa Phunstok, a affirmé que les forces de l’ordre n’avaient pas tiré. "Nous n’avons pas ouvert le feu, cependant nous serons sévères avec ces criminels dont les activités visent à diviser la Nation", a déclaré samedi Champa Phunstok à l’Associated Press en marge de la session annuelle du Congrès national du Peuple, l’assemblée législative chinoise. Selon Chine Nouvelle, "la plupart des victimes étaient des commerçants".

Selon les informations de radio Free : des manifestations emmenées par des moines bouddhistes tibétains contre le pouvoir chinois ont dégénéré vendredi à Lhassa, la capitale tibétaine où des témoins auraient fait état de tirs des forces de sécurité, de véhicules et de commerces incendiés.

Toujours d’après des informations de Radio Free Europe, deux personnes ont été tuées. Selon Radio Free Asia, des soldats utilisant des gaz lacrymogènes mais aussi des munitions réelles ont tiré sur des manifestants qui incendiaient des véhicules et des commerces détenus par des Chinois dans le centre-ville.

Radio free Europe ou Radio Free Asie ont également cité des témoins qui rapportent avoir vu deux corps gisant sur le sol dans le quartier de Barkor où se sont concentrées les manifestations. La radio a évoqué des bilans plus élevés, sans fournir de chiffres.

La Chine estime que le Tibet, fait partie intégrante de son territoire. Au plan international c’est le cas alors qu’en occident nous pensons que les Chinois ont envahi le Tibet en 1950.

Voici en gros les termes du débat sur le Tibet :

Effectivement depuis le XII e siècle le Tibet appartient à l’Empire Chinois, mais c’était un Empire avec ses féodalités, donc les tenants de l’indépendance du Tibet et du Dalai-Lama estiment que c’était un simple fief, protectorat. Sur le plan historique les indépendantistes Tibétains expliquent que si la région himalayenne était jadis partie intégrante de la Chine,la région était devenue quasiment indépendante et accusent la Chine de chercher à détruire la culture tibétaine.

Le Tibet a été dans le cadre du dépeçage et de la colonisation de la Chine l’objet d’une rivalité entre la grande Bretagne et la Russie. La Grande Bretagne, implantée en Inde voisine l’a emporté et elle a toujours reconnu la suzeraineté de la Chine sur ce pays qu’elle a occupé militairement et commercialement. En 1908, la Chine profitant du départ des britanniques a repris le contrôle du pays.

Puis ça a été l’effondrement de l’Empire chinois et l’instauration de la République en 1911. Ce qui rompt les relations personnelles de vassalité qui existaient entre la Chine et le Tibet selon les moines tibétains, qui sont leur niveau le plus élevé des féodaux pratiquant le servage. Le 13e Dalaï Lama a proclamé l’indépendance du Tibet et a refusé de reconnaitre la République chinoise.

La Grande Bretagne s’est entremise et a proposé une partition du Tibet que la Chine a refusé de reconnaitre même si de fait les liens se sont distendus et le gouvernement théocratique du Dalai-Lama s’est installé. En 1950, l’Armée populaire de Libération communiste est rentré au Tibet qu’elle estime être gouvernée par des féodaux et n’a pas rencontré de résistance. Un gouvernement du Tibet a été créé qui a maintenu la religion et les monastères .

Mais à partir de 1956, les révoltes vont se succéder, en 1959 c’est l’insurrection de Lhassa. Le DalaÏ Lama quitte le Tibet et se réfugie aux Indes avec 150.000 de ses partisans. La révolte a été sévèrement réprimée, les exilés et les associations pour l’indépendance du Tibet font état d’un million de morts, en fait les chiffres déjà considérables ne dépassent pas quelques dizaines de milliers.

Le gouvernement communiste chinois abolit le servage et expliquera depuis qu’il s’agit de révoltes fomentées par les anciens maitres et les moines. Alors qu’à travers l’exil des instances religieuses, ce qui est dénoncé par ces dernières et leurs partisans occidentaux est l’attaque contre la culture tibétaine autant que les atteintes aux droits de l’homme. L’occident, les Etats-Unis en particulier vont développer ce thème de la spiritualité tibétaine bafouée par les envahisseurs chinois.

La Chine considère que non seulement il s’agit d’une région depuis le XIIe siècle intégrée à la Chine, mais qu’elle l’a libérée de la féodalité, désenclavée en construisant un chemin de fer et qui de surcroît est indispensable à sa sécurité. Alors que le Dalai Lama et les exilés, avec les Etats-Unis et les associations pour l’indépendance du Tibet considèrent qu’il s’agit d’une région indépendante dont la Chine détruit la culture. Ainsi avec les aspects religieux les chinois auraient supprimé la médecine traditionnelle et l’astrologie. Autour du DalaÏ Lama en Inde s’est reconstituée cette culture avec une université d’astrologie. Elle bénéficie de grands moyens financiers provenant des Etats-Unis. Les Chinois affirment que la liberté religieuse est respectée, mais leurs adversaires dénoncent la désacralisation de certains aspects de cette culture qui leur ferait perdre leur signification originelle.

Ils dénoncent le peuplement massif par les Chinois et une situation d’exclusion des Tibétains ainsi que les arrestations et les droits de l’homme bafoués, même s’ils reconnaissent une amélioration en matière de droit de l’homme. Les Chinois disent que la situation en matière de droits de l’homme est meilleure que sous le servage et qu’ils ont introduit le développement, ainsi que la protection de l’environnement et la préservation de la culture locale. La richesse des commerçants chinois est un des thèmes les plus agités au plan local. Il faut également considérer que le Tibet comme le reste de la Chine connait un grand développement économique, touristique en particulier, mais aussi un développement des inégalités et surtout actuellement une inflation très forte qui rend difficile l’approvisionnement des familles aux revenus modestes.

Les défenseurs de la cause tibétaine craignent que la nouvelle ligne ferroviaire contribue à accélérer l’immigration chinoise au Tibet ainsi qu’à le vider plus rapidement de ses ressources naturelles déjà surexploitées. Le gouvernement tibétain en exil estime notamment que « le chemin de fer facilitera le contrôle chinois du Tibet et entraînera l’arrivée de nombreux migrants chinois ». Mais pour les Chinois il n’y a pas plus de migration que l’arrivée à Paris de commerçants auvergnats. Le Tibet est partie intégrante de la Chine et les mouvements de population se font à l’intérieur du pays.

Y a-t-il implication du Dalaï-Lama ?

Autre source à Dharamsala, en Inde, le dalaï-lama a appelé la Chine à "cesser d’utiliser la force" contre les manifestations, dans lesquelles il voit "une expression du ressentiment très profond du peuple tibétain". Dans un communiqué, le chef spirituel des bouddhistes tibétains en exil se déclare "très préoccupé" par la situation au Tibet et demande à Pékin de "répondre au ressentiment des Tibétains (...) par le dialogue". Il exhorte en outre les Tibétains à "ne pas recourir à la violence". Ce qui visiblement était le cas lors des premières manifestation des moines mais a rapidement dégénéré en violence. Le dalaÏ Lama a affirmé ne pas être impliqué dans les évènements du Tibet, mais on peut douter de son affirmation.

Des manifestations de soutien aux Tibétains ont également eu lieu en Inde et au Népal, autre source d’information. A Katmandou, au Népal, au moins 12 moines bouddhistes ont été blessés dans des heurts avec la police lors d’une manifestation pro-Tibet qui a réuni un millier de personnes. Des incidents ont également éclaté à New Delhi, en Inde, où est réfugié le daili Lama et ses partisans, il y a eu également des heurts entre des manifestants pro-tibétains qui tentaient d’atteindre l’ambassade de Chine et les forces de l’ordre. La police indienne a arrêté plusieurs dizaines de personnes.

Beaucoup d’images qui nous sont transmises sont soit des images d’archives soit des image de ces manifestations indiennes.

Position des pays occidentaux

S’il est possible de développer des campagnes destinées à sensibiliser l’opinion publique sur la culture propre du Tibet, sa spiritualité bafouée, et sur les droits de l’homme non respectés par la Chine [1], au plan international il est difficile pour les pays occidentaux qui, derrière les Etats-Unis, favorisent ces campagnes, de ne pas reconnaître le Tibet comme territoire chinois. A aucun moment il n’y a eu la reconnaissance d’un territoire indépendant Tibetain au plan international même si comme nous l’avons vu la Grande Bretagne a proposé au moment de l’instauration de la république de Chine une certaine autonomie et la reconnaissance d’un pouvoir "spirituel", légalement il est difficile de reconnaitre cette indépendance, donc c’est essentiellement sur la répression et les droits de l’homme que porte l’intervention occidentale. C’est aussi pourquoi la Chine a réagi très fortement devant le cas du Kosovo. Il y a eu l’exemple du depeçage de l’ex-URSS auquel Poutine a mis un frein et la Chine mesure bien que la stratégie employée pour l’ex-URSS, et pour l’ex-Yougoslavie peut lui être appliquée.

D’où un choix : premièrement la Chine répond à la question des droits de l’homme en renvoyant les Etats-Unis à leur propre responsabilité dans ce domaine, mais deuxièmement elle ne répond pas directement sur la question du Tibet qu’elle juge affaire interne. Il y a eu des morts mais aucun étranger et cela ne vous regarde pas leur dit-elle.

Les Etats-Unis et l’Union européenne ont appelé la Chine à faire preuve de "retenue". "Pékin doit respecter la culture tibétaine", a affirmé de son côté Gordon Johndroe, porte-parole de la Maison Blanche. Le président américain George W. Bush estime que Pékin doit avoir un dialogue avec le dalaï-lama", a-t-il ajouté. Les autorités américaines ont recommandé à leurs ressortissants d’éviter de se rendre à Lhassa.

L’Union européenne a adopté vendredi une déclaration appelant la Chine à la "retenue" au Tibet. "La présidence slovène nous a proposé un texte, que nous avons accepté" qui "demande de la retenue, qui demande que les personnes arrêtées manifestant pour le Tibet (...) soient relâchées", a indiqué le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner autre source d’information.

Robert Mesnard de Reporters Sans Frontières a incité à faire pression sur la Chine, qui tient à la tranquillité pour les jeux olympiques qui auront lieu en août, pour obtenir la fin de la répression. Mia farrow qui depuis des mois mobilise contre les jeux olympiques et s’était illustrée dans la campagne contre la Chine au nom du Darfour, mène maintenant une campagne pour le Tibet et s’est rendue à l’Ambassade de Chine à la tête d’une délégation.

Donc nous avons une stratégie tout à fait au point : faire agir les ONG, les groupes traditionnellement financés par l’occident qui rameutent contre un pays, affirment que les droits de l’homme,la "spiritualité et la culture autochtone sont menacés. Les pays occidentaux ne disent rien dans un premier temps parce qu’ils savent bien que la légalité internationale n’est pas de leur côté, mais ils appuient la campagne en prenant position sur les droits de l’homme et la répression. Ce à quoi la Chine les renvoie à la situation du Moyen orient et à leurs propres répressions.

Il paraît difficile d’imaginer une intervention militaire actuellement contre la Chine mais il s’agit d’entretenir des lieux de révolte potentiels.


[1Selon leur habitude, les Chinois refusent de commenter ce qui leur apparaît comme un problème interne, suivi en cela par la plupart des pays non-occidentaux, d’où la raréfaction de toute information autre qu’occidentale. Mais la Chine choisit de répondre plus généralement sur la question des droits de l’homme aux Etats-Unis en les mettant en cause. Il faudrait également noter la grande activité diplomatique de la Chine sur ce que les Etats-Unis considèrent comme leur chasse gardée dans le Pacifique, la multitude de petites îles sous protectorat étasunien. On a vu également l’évolution politique de Taiwan et les efforts vers la normalisation de la situation avec le Japon. les Etats-Unis qui maintiennent dans le Pacifique la puissante 7e armée ont du mal à maintenir des alliances bellicistes contre la Chine, l’encerclement traditionnel.



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