Justice : combien de vitesses ?

lundi 17 septembre 2007
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Rouge Midi a interrogé Charles Hoareau suite à sa convocation à la brigade de sûreté urbaine des quartiers nord.

Alors pourquoi as-tu été convoqué au-delà des conditions disons particulières de cette convocation et dans quel état d’esprit étais tu ? [1]

Charles : Eh bien moi j’étais très content de cette convocation surtout que l’OPJ [2] M. Gaffet m’avait parlé de ma qualité de « témoin privilégié » dans l’affaire Navarro contre La Renaude. Je croyais que c’était pour faire la lumière sur cette histoire…enfin !
Dans cette affaire où une famille a été expulsée hors décision préfectorale par des hommes de main mobilisés par le bailleur HMP [3] conduits par un huissier qui a produit pour justifier son intervention un document qui est un faux, nous avons saisi la justice, écrit au préfet, au ministre sans que nous n’ayons pour l’instant aucune réponse officielle. Suite à cette expulsion illégale Adélaïde a occupé un appartement qui s’est libéré dans le voisinage et s’est donc retrouvée en position de squatter.

Adélaïde Navarro ayant été citée en référé suite à cette occupation nous avions demandé à la justice qu’elle juge au fond l’ensemble des faits (l’expulsion illégale et le squat qui a suivi, et au-delà les autres affaires semblables dans cette cité, car il y en a d’autres !!) et non dans l’urgence le seul squat d’Adélaïde : elle ne nous a pas suivi et Adélaïde a été condamnée à expulsion. Nous passons en appel le 17 septembre. On espère que l’on sera entendus car dans ce dossier nous ne plaidons que pour avoir le droit de plaider !!!

Expulsions illégales, faux produit par un huissier, tu n’y vas pas de main morte !

Oui et je pèse mes mots. Lors de l’expulsion d’Adélaïde l’huissier a dit aux gens autour et en particulier aux responsables de la CSF [4] présentes et qui ont produit une attestation au tribunal que ce n’était pas une expulsion mais en quelque sorte une « aide au départ » puisque le titulaire du bail (Jean Rodriguez le beau-père d’Adélaïde) avait rédigé sur informatique un document dans lequel il disait qu’il rendait les clefs de son plein gré et qu’il demandait que son appartement soit détruit et muré afin d’éviter de futurs squatters !!! Quand on sait que non seulement M. Rodriguez a toujours nié avoir rédigé un tel document et ce pour la bonne raison qu’il est analphabète, qu’il a toujours dit vouloir rester dans son appartement mais qu’en plus le jour du procès il est venu à l’audience – sans pouvoir être entendu – avec la clef de l’appartement pour bien montrer au juge qu’il n’était pas parti de son plein gré on peut pour le moins avoir des doutes…Mais il y a pire !
Quand l’avocate de la famille a demandé à l’huissier à avoir un double du document en question que la famille n’avait pas et pour cause, l’huissier s’est énervé et dans un courrier particulièrement virulent a indiqué qu’il ne remettrait pas une copie du document : vive la transparence de la procédure ! A partir de là se pose la question pourquoi une telle attitude ? Si l’huissier pense que le document est vrai pourquoi refuser d’en remettre une copie ? S’il est faux et qu’il est prouvé que l’huissier a utilisé sciemment ce document il risque une radiation à vie et est passible des assises

C’est à peine croyable !

Ce qui est encore plus incroyable c’est que pouvoir et justice étant informés de tous ces faits aucune enquête n’ait été diligentée au moment des évènements il y a un an. De plus la justice pourrait se pencher utilement sur l’ensemble Je me disais donc naïvement, enfin ils se réveillent !!!

Mais en fait il ne s’agissait pas du tout de cela !!

Mais non ! Tout d’abord passé le moment de colère devant le fait qu’ayant rendu les choses publiques [5], il y ait 200 personnes qui m’aient accompagné, la 1re question de l’OPJ fut pour savoir si j’avais apporté les statuts juridiques du comité chômeurs….statuts qui n’existent pas puisque pour l’instant aucun gouvernement n’a voulu reconnaître aux chômeurs le droit de s’organiser et toutes les questions ont tourné sur le rôle du comité chômeurs dans deux des dernières opérations de squat opérées à Marseille, le nom des militant-e-s…etc.

Les chômeurs n’ont pas le droit de se syndiquer ?

Cela ne leur est pas interdit mais aucun texte ne précise qu’elle peut être leur forme d’organisation. Les comités chômeurs ne peuvent être ni des syndicats professionnels ni des associations. Il y a là un vide juridique sur lequel la CGT avait alerté en 1995 le gouvernement de l’époque quand elle a voulu inscrire dans ses statuts le droit des chômeurs de se syndiquer de s’organiser en son sein. Depuis personne n’a voulu légiférer sur la question et on est restés en l’état. Les seuls textes officiels sont, au moment du mouvement des chômeurs de 97/98 la conférence de presse de Lionel Jospin du 9 janvier 98 et la circulaire de Martine Aubry du 31 mars de la même année qui font allusion au droit des chômeurs de se faire assister par des organisations sans préciser le contour juridique de celles-ci.
Le comité chômeurs 13 n’a donc pas d’existence juridique et ses adhérents sont directement rattachés à la confédération. En fait le soudain intérêt de la justice à nos statuts est dicté par le fait de savoir qui peut être assigné et condamné par exemple, comme c’est le cas pour La Renaude, au remboursement des blindages posés sur les portes. Quand on sait comment HMP a détruit sans permis de démolir, sans consultation du CA ni de l’instance locale de concertation, sans délibération municipale et hors avis préfectoral des appartements entiers qui relèvent du patrimoine public, on croit rêver !

En fait le comité chômeurs est l’empêcheur d’expulser en rond et cela certains ne le supportent pas, d’où ma convocation.
HMP veut détruire La Renaude (l’OPJ m’a dit que c’était une verrue sic !) mais ne veut pas s’embarrasser de la question du relogement des gens d’autant que dans les projets de Gaudin des locataires comme ceux de La Renaude qui non seulement sont pauvres mais en plus gitans, arabes et noirs, devraient quitter Marseille afin de laisser la place à des gens plus fortunés et propres sur eux. C’est tellement vrai par exemple qu’HMP dit aujourd’hui, pour justifier sa demande d’expulsion que l’appartement occupé par Adélaïde devait être loué à une famille. Or ce logement avait été « dévitalisé » - comme ils disent - par HMP le jour même du départ des anciens locataires : sanitaires cassés à la masse, tableau électrique cassé….Drôle de conception de la location et de l’entretien du patrimoine !!!

Et la suite, comment la vois tu ?

D’abord je voudrais souligner avec d’autres la force du rassemblement de vendredi. 200 personnes qui se mobilisent alors que l’information a eu très peu de temps pour circuler c’est une réalité avec laquelle le pouvoir devra compter. Au-delà de La Renaude et de Picon [6] c’est le signe d’une double vigilance des participant-e-s à ce rassemblement : vigilance sur les libertés, vigilance sur le logement.

Sur ces deux points à la sortie du commissariat la CGT s’est exprimée.

-  Sur les libertés le lien a été fait avec ce qui se passe à Mac Do et à Carrefour où une nouvelle affaire d’attaque contre un délégué CGT est observée, la CGT a réaffirmé sa volonté de ne rien laisser passer.

-  Sur le logement, dans une ville où il devient de plus en plus difficile de se loger pour des salarié-e-s et pas seulement pour les précaires, la CGT va s’exprimer avec plus de force pour que le slogan du comité chômeurs « Droit au logement les marseillais restent et résistent » prenne tout son sens.

Sur ces deux points le rassemblement de vendredi montre que la CGT ne sera pas seule…


[1Charles avait été convoqué pendant ses congés et devant sa supposée absence non justifiée menacé d’un mandat d’amener voir article précédent

[2Officier de Police Judiciaire

[3Habitat Marseille Provence, office HLM de la ville de Marseille et présidé par un élu de la majorité Gaudin

[4Confédération Syndicale des Familles

[5l’OPJ m’a même annoncé son intention de porter plainte contre l’article paru dans Rouge Midi

[6une autre cité HLM appartenant à la LOGIREM et dans laquelle le comité chômeurs a logé 4 familles dans 4 appartements murés depuis des années



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