« J’ai eu tort de soutenir la guerre en Irak »

mercredi 8 août 2007
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Dans le New York Times, le politologue et éditorialiste Michael Ignatieff prend la plume pour se repentir. Devant la catastrophe irakienne, il regrette d’avoir soutenu le président Bush. Extraits :

« La catastrophe irakienne a définitivement décrédibilisé le jugement politique d’un président mais aussi de beaucoup d’autres personnes, moi inclus, qui, comme commentateurs, ont soutenu l’invasion. Nous étions nombreux à penser, comme me l’a dit un ami exilé irakien la nuit où la guerre a commencé, que c’était la seule chance pour les gens de sa génération de vivre libres dans leur pays. Que ce rêve semble lointain aujourd’hui. »

« La décision à laquelle sont aujourd’hui confrontés les Etats-Unis illustre l’extrême difficulté du jugement politique. Rester ou partir : chaque option représente un coût énorme. Une chose est sûre : si les Etats-Unis restent, le coût sera supporté par les Américains, s’ils partent, il sera essentiellement supporté par les Irakiens. L’énoncé du problème montre en lui-même dans quel sens les responsables américains trancheront probablement la question. »

« On peut dès lors se demander qui a le mieux anticipé le déroulement des événements sur la question irakienne. Or beaucoup de ceux qui avaient à juste titre prédit une catastrophe ne l’avaient pas fait en exerçant leur jugement mais en faisant appel à l’idéologie. Ils étaient contre l’invasion parce qu’ils pensaient que le président n’en voulait qu’au pétrole irakien ou parce qu’ils pensaient que, de toute façon, les Etats-Unis ont toujours tort. »

« Ceux qui ont fait preuve d’un bon jugement ont correctement prédit les conséquences de l’invasion mais également correctement évalué les motifs qui guidaient celle-ci. Ces commentateurs n’avaient pas nécessairement plus d’informations que moi. Ils ont travaillé avec les mêmes renseignements tronqués et la même méconnaissance de l’antique division religieuse de l’Irak. Ils n’ont cependant pas pris leurs désirs pour la réalité. Ils n’ont pas supposé, comme l’a fait le président Bush, que, puisqu’ils croyaient en l’honnêteté de leurs motifs, tout le monde dans la région y croirait aussi. Ils n’ont pas cru qu’un Etat libre pouvait se construire sur les fondations de trente-cinq ans de terrorisme policier. Ils n’ont pas supposé que les Etats-Unis avaient le pouvoir de modeler l’évolution politique d’un pays lointain dont les Américains savaient peu de choses. Ils n’ont pas imaginé que, puisque les Etats-Unis avaient défendu les droits de l’homme en Bosnie et au Kosovo, ils allaient faire de même en Irak. Ils se sont épargnés toutes ces erreurs. »

« J’ai moi-même commis certaines de ces erreurs, plus quelques autres. La leçon que j’en ai tirée pour l’avenir, c’est de moins me laisser influencer par les passions de personnes que j’admire - les exilés irakiens, par exemple - et de moins me laisser dominer par mes émotions. Je me suis rendu dans le nord de l’Irak en 1992. J’ai vu ce que Saddam Hussein avait fait aux Kurdes. A partir de cet instant, j’ai pensé qu’il devait partir. Mes convictions avaient toute l’autorité de l’expérience personnelle. Mais pour cette même raison j’ai laissé les émotions me faire perdre de vue les questions difficiles, par exemple : les Kurdes, les sunnites et les chiites peuvent-ils ensemble vivre en paix dans un pays que Saddam Hussein tenait par la terreur ? »

« Pour avoir un bon jugement en politique, il faut se juger sévèrement soi-même. Le président n’a pas pris la peine de comprendre l’Irak, mais il n’a pas non plus pris la peine de se comprendre lui-même. Le sens des réalités qui aurait pu le sauver de la catastrophe aurait pu prendre la forme d’une sorte de sonnette d’alarme interne l’avertissant qu’il ne savait pas ce qu’il faisait. Il est toutefois peu probable que le président ait jamais entendu de sonnette d’alarme interne. Il a eu une vie protégée et les sonnettes d’alarme ne tintent pas dans ce genre de vie. »

Article de Michael Ignatieff dans le New York Times du 06/08/2007

Transmis par Linsay



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