Le jackpot des mercenaires

jeudi 31 mai 2007
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Parmi les cinq Britanniques enlevés le 29 mai à Bagdad, quatre sont employés par GardaWorld, une entreprise spécialisée dans la sécurité des personnes et des transports. L’occasion, pour The Guardian, d’enquêter sur le juteux marché de la sécurité privée en Irak.

La sécurité privée est devenue un secteur extrêmement rentable en Irak pour quelques sociétés américaines et britanniques. Les anciens soldats qu’elles emploient, qui peuvent gagner jusqu’à 1 000 dollars [750 euros] par jour, font le travail le plus dangereux au monde. Plus de 900 d’entre eux, pour la plupart des Américains, ont été tués au cours des trois dernières années.

Le Pentagone estime à environ 20 000 le nombre d’agents de sécurité opérant en Irak mais, aux dires de certains observateurs, le chiffre serait beaucoup plus élevé. Quatre des cinq Britanniques enlevés hier à Bagdad travaillaient pour GardaWorld, une des plus grandes sociétés de sécurité en Irak. Domiciliée à Montréal, GardaWorld a ouvert des bureaux à Hereford [dans l’ouest de l’Angleterre], à deux pas du quartier général des SAS [unité aérienne des forces spéciales britanniques]. L’année dernière, elle a acquis Kroll Security International, une société londonienne qui possède ses propres unités de sécurité en Irak.

GardaWorld revendique plus de vingt ans d’expérience dans les pays à haut risque et se targue d’employer en Irak une équipe d’élite composée d’expatriés et de spécialistes autochtones formés tant à la protection des personnalités qu’à la gestion des enlèvements et des remises de rançons. Elle a, entre autres, travaillé pour la Fondation anglicane pour la réconciliation au Moyen-Orient, dirigée par le pasteur Canon Andrew White. Cette organisation lui a remis au début du mois son Prix pour la paix au Moyen-Orient 2007. « Sans l’immense contribution de GardaWorld, il nous aurait été impossible d’accomplir notre travail », avait alors déclaré Canon White.

En Irak, les sociétés de sécurité assurent une multitude de tâches qui permettent au pays de fonctionner : protection des personnels de la coalition, escorte de convois, protection des oléoducs et des installations militaires et civiles et sécurité des journalistes et des hommes d’affaires de passage. Si, au début de la guerre, les principaux bénéficiaires des contrats de sécurité étaient Américains, à l’instar des sociétés Blackwater, DynCorp ou encore Vinnell pour la formation de la police et des militaires et la protection des responsables américains, les Britanniques ont rapidement obtenu leur part du gâteau. Ainsi, en mai 2004, l’entreprise Aegis Defence avait remporté un contrat de 293 millions de dollars [218 millions d’euros] pour coordonner la sécurité des troupes du génie américain. Son chiffre d’affaires (dont 75 % sont générés par son activité en Irak) est passé de 554 000 livres [815 000 euros] en 2003 à 62 millions [91 millions d’euros] en 2005.

Ce contrat avait alors fait polémique, car Aegis Defence était dirigée par le lieutenant-colonel Tim Spicer, un ancien mercenaire issu des Scots Guards [Garde écossaise] qui s’était trouvé, à la fin des années 1990, au centre d’un scandale de ventes d’armes en Afrique (des armes avaient été expédiées en Sierra Leone à un chef de la milice accusé de crimes de guerre). La société a survécu à d’autres controverses par la suite et, aujourd’hui, la plupart des officiers supérieurs britanniques en retraite siègent à son directoire.

Le contrat avec le génie américain doit être prochainement renouvelé et l’entreprise britannique de sécurité ArmorGroup, présidée par l’ancien ministre britannique des Affaires étrangères [dans le gouvernement de John Major], le conservateur Malcolm Rifkind, est en lice. ArmorGroup a réalisé 50 % de ses 129 millions de livres [190 millions d’euros] de revenus en Irak l’année dernière. Avec plus 1 200 salariés, l’entreprise affirme être le plus grand protecteur de convois en Irak, avec environ 30 % de convois protégés, soit 1 200 missions assurées l’année dernière. ArmorGroup assure avec Control Risks, une autre société britannique, la sécurité du Foreign Office et du ministère du Développement international pour laquelle le gouvernement britannique a déboursé au cours des cinq dernières années quelque 165 millions de livres [242 millions d’euros].

Selon le dernier audit des dépenses américaines, la sécurité a englouti 34 % des 21 milliards de dollars [15,5 milliards d’euros] affectés à la reconstruction de l’Irak. Les coûts de sécurité représentent en moyenne 12 % de chaque contrat de reconstruction.

Article de David Pallister dans The Guardian du 30/05/2007

Transmis par Linsay



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