Quand Bush consterne son propre parti

mercredi 2 mai 2007
popularité : 3%

Même les républicains estiment désormais que le président est incompétent. La solution ? Charger le secrétaire général de la Maison-Blanche de prendre les choses en main en attendant les élections.

C’était il y a peu dans le Bureau ovale. Le président était assis dans son fauteuil, l’air méfiant, face à un journaliste qui l’interrogeait sur la prestation du ministre de la Justice, Alberto Gonzales, devant le Congrès, à propos du licenciement contesté de plusieurs procureurs. Alors que nombre de personnalités républicaines avaient publiquement jugé ce témoignage évasif et incomplet, M. Bush a déclaré narquoisement que son ministre de la Justice avait fourni “un compte rendu très sincère et répondu à toutes les questions auxquelles il pouvait répondre, au point que sa confiance dans les capacités de celui-ci à assumer ses fonctions s’en était trouvée accrue”.

On peut dire tout ce que l’on veut de M. Gonzales, mais seul un extraterrestre pourrait qualifier de “très sincères” les réponses d’un homme qui a répété 64 fois au cours de son témoignage la phrase “Je ne sais pas”. A croire que M. Bush ne savait pas que tout le monde à Washington avait vu, quelques jours plus tôt, son ministre esquiver des questions devant une commission du Sénat !

Pendant que le président prononçait ce plaidoyer manifestement inexact, le général David Petraeus était silencieusement assis à ses côtés, une quatrième étoile flambant neuve sur son épaule. Le général Petraeus est l’officier intelligent et ambitieux que la Maison-Blanche a envoyé au créneau pour défendre sa stratégie de sortie de crise en Irak. On peut se demander à quoi il pensait en regardant le président renforcer sa défense autour de la Maison-Blanche assiégée.

Quelque chose doit changer. Voilà ce qu’on se dit aujourd’hui à Washington, tandis que les nouvelles d’Irak continuent d’empirer et que le président s’obstine à mener une politique militaire que beaucoup de responsables de l’armée contestent. Malheureusement, ce qui en pâtit actuellement, c’est l’intérêt national. M. Bush s’en tient à sa stratégie de renforcement des troupes, et l’armée en fait les frais. Le général des marines en retraite John Sheehan a résumé le scepticisme de l’armée en expliquant pourquoi il avait décliné l’invitation de la Maison-Blanche à devenir le “patron de la guerre” en Irak et en Afghanistan. “Le grand problème est qu’ils n’ont pas la moindre idée de ce qui les attend.”

Aujourd’hui, si vous voulez entendre des gens désespérés à Washington, adressez-vous aux républicains. Alors que les démocrates se réjouissent de leur nouveau pouvoir politique et ne pensent qu’à tirer parti des difficultés de M. Bush, les républicains expriment l’amertume et la frustration d’individus enchaînés à la coque d’un navire en train de couler.

Une incompétence absolue dans tout le gouvernement

Je me suis entretenu avec cinq ou six responsables du Parti républicain, qui avaient pour la plupart occupé des postes de haut niveau dans les gouvernements de Ronald Reagan et des Bush père et fils. Tous ont fait le même constat impitoyable : la Maison-Blanche est isolée et impuissante, le pays a cessé d’écouter le président Bush de la même manière qu’il s’était détourné du malheureux Jimmy Carter. Le sens de la loyauté mal placé du président nuit au parti et à la nation.

“C’est la présidence la plus incompétente que j’aie vu depuis mon arrivée à Washington”, assène un sénateur républicain. “Son équipe de liaison avec le Congrès est lamentable. Mes confrères ne savent même pas qui assure la liaison avec le Sénat. Il y a une incompétence absolue dans tout le gouvernement. C’est le cabinet le plus nul que j’aie jamais vu.” Rappelons que c’est un républicain qui tenait ces propos.

Un autre conservateur très en vue a renchéri : “Dans ce gouvernement, on est fidèle non pas à une idée, mais à une personne. Sous celui de Ronald Reagan, quand les conservateurs parlaient de quelqu’un de loyal, ils ne voulaient pas dire qu’il était fidèle au président mais au courant conservateur.” L’acharnement avec lequel M. Bush a défendu le ministre de la Justice offense ces républicains, qui voient le président rester obstinément fidèle à un responsable qui a perdu la confiance de la population, comme il l’a fait trop longtemps avec l’ancien ministre de la Défense Donald Rumsfeld.

Quand une présidence se trouve dans une aussi mauvaise position que la sienne, la procédure normale est de charger un secrétaire général de la Maison-Blanche - puissant et fin politicien - de mettre en place les changements qui s’imposent. C’est ce que le gouvernement Reagan a fait en nommant à ce poste l’ancien sénateur Howard Baker, puis le politique Ken Duberstein, afin d’effacer les retombées de l’affaire Iran-Contra. Et Bill Clinton a procédé de la même manière en demandant à John Podesta d’administrer la Maison-Blanche après la débâcle Monica Lewinsky.

Plusieurs personnalités républicaines estiment que l’actuel secrétaire général de la Maison-Blanche, Josh Bolten, devrait lancer une opération de sauvetage similaire. Mais ils doutent qu’il ait l’habileté politique nécessaire. Et, surtout, ils se demandent si lui ou un autre serait capable de percer la solide carapace de M. Bush et lui dire ses vérités. Ce qui commence à craquer, ce n’est pas le président farouchement attaché à ses opinions, mais le pays.

Article de David Ignatius dans The Washington Post du 03/05/2007

Transmis par Linsay



Commentaires

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur