Evo Morales veut légaliser la justice coutumière

lundi 30 avril 2007
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La justice communautaire, assortie de ses peines traditionnelles - coups de fouet ou bannissement -, n’a jamais cessé d’être appliquée en Bolivie. Elle pourrait désormais être légalisée, si l’Assemblée constituante approuvait un projet du gouvernement dans ce sens.

Des peines comme les coups de fouet, les travaux communautaires ou le bannissement pourraient être légalisées en cas d’adoption d’un projet du gouvernement d’Evo Morales, destiné à introduire le « pluralisme juridique » dans la législation bolivienne. La justice ordinaire est gangrenée par la corruption, les honoraires élevés des avocats, la lenteur des procédures. Face à cela, certains mettent en avant l’efficacité, la gratuité et le caractère participatif de la justice dans les communautés paysannes, qui sont plus de 12 000 dans tout le pays.

L’Etat bolivien est absent de centaines de localités rurales, où ce sont les mallkus (dirigeants indigènes) ou les responsables syndicaux qui rendent la justice face au peuple réuni en assemblée, sur la place principale ou autour du terrain de football.

Ces pratiques judiciaires alternatives sont parfois décriées, notamment à cause de cas de lynchage. Dans la ville d’El Alto, voisine de La Paz, on voit des mannequins accrochés aux lampadaires, avec cette inscription : « Avis à la population, les voleurs seront lynchés ».

« La justice communautaire a toujours existé, seulement on l’a rendue invisible », explique Celima Torrico, ministre de la Justice et ancienne dirigeante paysanne. « Cela n’a rien à voir avec les lynchages. »

De son côté, Petronilo Flores, directeur de la Justice communautaire, a précisé que « les coups de fouet doivent être seulement symboliques. Il ne s’agit pas de laisser des marques sur le condamné, ce serait une violation des droits de l’homme. »

Les défenseurs des « usages et coutumes ancestrales » font valoir qu’il s’agit de rétablir l’équilibre au sein de la collectivité et que les indigènes ne parlent pas de délits, mais d’« erreurs » que l’on peut réparer.

Dans le quotidien La Prensa, de La Paz, le mallku d’un village riverain du lac Titicaca raconte que la seule manière de faire toute la lumière sur un crime survenu en 2006 a été d’obliger l’accusé à passer toute une nuit au cimetière : « Là, les montagnes sacrées et l’âme du défunt l’ont ramené à la raison, et dès le lendemain, il racontait tout. On l’a condamné à céder à la veuve une partie de ses terrains ainsi que dix têtes de bétail, et à lui verser une pension alimentaire pour qu’elle puisse élever ses enfants. »

C’est à l’Assemblée constituante qui siège actuellement que revient la tâche de définir la place de la justice communautaire et celle de la justice d’Etat dans le cadre de l’Etat « plurinational » souhaité par Evo Moralès.

Article de Pablo Stefanoni dans Clarín du 25/04/2007

Transmis par Linsay



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