Carrefour Le Merlan : Momo est de retour !

samedi 13 août 2005
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L’inspection du travail ayant refusé d’autoriser le licenciement du délégué syndical CGT de Carrefour Le Merlan. Mohamed Bedhouche, a repris son travail lundi 11 août. Cependant, la direction qui conteste cette décision a déposé un recours devant le Ministère du travail.
Articles parus dans La Marseillaise du 11.

« MOHAMED, signes particuliers : très proche des salariés, n’est pas à vendre » C’est ce qu’on peut lire dans le local syndical de la CGT, où les portraits des délégués sont affichés sur les murs, avec une description succincte. Nouveau rebondissement dans l’« affaire Bedhouche », qui dure depuis plus d’un an (lire ci-dessous) : après moult péripéties, « Momo » est de retour au magasin, au plus grand dam de la direction qui a déposé une requête devant le Ministère du travail pour obtenir l’autorisation de le licencier. Il faut dire que le délégué CGT est une figure au magasin du Merlan, agent de sécurité depuis 15 ans, mais surtout un représentant syndical intraitable depuis 1996, dont l’action gêne considérablement la direction. A tel point que le rapport de l’inspecteur du travail affirme clairement : « qu’il ne peut être écarté l’existence d’un lien entre les mandats occupés par Monsieur Bedhouche et la demande de licenciement. »

Considérant son « aventure » avec philosophie, il explique que ce conflit aura été « un mal pour un bien, car cela a soudé les salariés et surtout la direction a compris qu’il ne fallait pas s’amuser avec la CGT. »
Le retour ? Momo, l’envisage sereinement, « je suis content, très heureux de retrouver mon équipe qui s’est battue corps et âme, sans jamais céder aux provocations. J’ai d’autant plus de joie à les retrouver, que l’action syndicale s’est poursuivie pendant mon absence, et que leur comportement a toujours été très correct », explique le délégué CGT.

« Couper la tête de la CGT »

Sur fond de climat social tendu, un banal conflit amoureux s’est transformé en opération anti CGT, dont Momo est la figure emblématique. « Depuis deux ans que le directeur est arrivé, il ne s’occupe que de la CGT. Un jour il m’a dit, qu’il était venu ici pour couper la tête de la CGT », affirme-t-il. Pour quelles raisons ? « Nous sommes un syndicat revendicatif, et non des accompagnateurs. Forcément nous ne sommes pas en osmose avec la direction, je suis là six jours sur sept, du matin jusqu’au soir, je les rends fous. »

Momo est fier de l’action accomplie par la CGT durant des années au Merlan, « J’ai eu des propositions pour favoriser mon départ, j’ai refusé. Nous nous sommes cassés la tête pour avoir une organisation syndicale qui tient la route, c’est le fruit de plusieurs années de travail, pas question de laisser tomber », assure le délégué CGT.
Une action syndicale qui dérange, exemple lorsque les cadres haranguent les salariés à travailler plus vite, Momo rétorque, « on ne vient pas pour gagner du temps mais de l’argent. » La CGT est un syndicat qui « ne promet rien, mais qui s’engage », et qui obtient des résultats. Exemple en 2003, « nous avions demandé à la direction d’arrêter de piocher dans les caisses du CE pour financer les Tickets Restaurants. Selon la loi, le financement est assumé à parts égales entre employeurs et salariés. Ici la direction ne payait que le quart. Il y a eu un conflit, le magasin était vide. Le directeur a fini par céder, et nous avons obtenu 55 000 euros pour le CE, et à partir de 2006, le budget du CE aura 50 000 euros par an. »

Forcément Mohamed Bedhouche gêne, « On ne manque jamais de leur voler dans les plumes, nous sommes sur tous les fronts, s’il y a un conflit à Grand Littoral ou à Vitrolles, nous y allons tous. »
Momo n’est pas de ceux qui plient devant l’adversité, il pense déjà aux combats futurs, « il y a ceux qui sont anéantis par la pression, moi au contraire ça me renforce » explique-t-il.

Et des combats, il en reste à mener : les conditions de travail, les suppressions de postes, les salaires, sans oublier le « lavage de cerveau à l’embauche d’un nouvel employé, on lui dit de se méfier de la CGT. Nous, on intervient en expliquant au salarié qu’il a des droits et que le patron n’est ni son père ni sa mère, on lui dit bonjour et au revoir », explique Mohamed.

Après avoir connu l’expérience de la prison, ce père de famille au casier auparavant vierge, ne garde pas de rancÅ“ur, y compris contre l’adjoint de sécurité qui l’a accusé d’avoir exercé des pressions à son encontre. Au contraire, Mohamed répète inlassablement que « le témoin était manipulé, je ne lui en veux absolument pas, je tiens à le souligner. »

Momo, est confiant à propos du recours de la direction devant le Ministre, « ils ne me feront pas partir, le combat continue plus que jamais. »
Michel TACCOLA


L’ « affaire Bedhouche »

TOUT commence un beau jour d’avril 2004, un employé du Carrefour, Florent, est interpellé à la sortie du magasin par un vigile. Ce dernier lui reproche de s’être constitué des lots de marchandises à prix décotés.
Emmené au bureau du chef de la sécurité, le jeune Florent ne se démonte pas et met en avant sa bonne foi, déclarant que les produits font bien l’objet d’une promotion.

L’adjoint de sécurité, et le permanent de la direction demandent alors au jeune homme de signer une déclaration dans laquelle il reconnaît les faits. Ce à quoi se refuse Florent.
Le ton serait alors monté, le recours à la police envisagé. Ce que Florent accepte tout en demandant également la présence d’un délégué syndical. En l’absence de délégué CGT, un délégué FO intervient ce jour là. Celui-ci, aurait assuré à Florent que sa signature n’entraînerait aucune sanction. Rassuré, le jeune homme signe, mais se voit gratifié d’une « mise à pied conservatoire. » Juste avant la signature un agent de sécurité assistera à la scène.

Florent est licencié et dépose une plainte pour « séquestration et extorsion d’une reconnaissance de vol sous la contrainte. »

C’est à ce moment que Mohamed Bedhouche intervient. Le délégué syndical, fidèle à sa fonction, tente de s’assurer que la législation en matière de licenciement soit respectée, et rencontre le témoin à plusieurs reprises pour lui demander de dire la vérité. C’est alors que l’adjoint dépose une plainte pour « subornation de témoin » contre Mohamed Bedhouche, assurant avoir subi des pressions pour qu’il revienne sur son témoignage. Ce que le délégué CGT dément formellement.

Ironie du sort, ces évènements se passent juste avant les élections professionnelles, et dans un contexte social tendu. La justice auditionne alors Mohamed Bedhouche, « J’avais la conscience tranquille, j’accepte de comparaître immédiatement. Je n’aurais jamais cru aller en prison, j’avais un casier judiciaire vierge, marié, père de trois enfants et je travaille depuis trente ans. », explique-t-il.

Flanqué d’un avocat commis d’office, Mohamed se présente serein devant le tribunal. Et là, la sentence tombe, implacable, cinq mois et demi de prison avec sursis dont quinze jours ferme. Mohamed sera alors incarcéré 12 jours aux Baumettes. Suite à la formidable mobilisation qui s’ensuit, Momo n’effectuera pas la totalité de sa peine. « En appel, la sentence a été reconnue injuste et convertie en amende, la peine de prison a été annulée », explique le délégué CGT.

La direction continue de demander l’autorisation de licencier Mohamed Bedhouche. Elle déclare que « Mohamed Bedhouche va être réintégré provisoirement, en attendant le résultat du recours déposé auprès du ministre pour demander son licenciement. La justice s’étant prononcée sur sa culpabilité, la direction considère qu’il ne peut plus assurer son poste dans la sécurité puisqu’il a maintenant un casier judiciaire ». Ce sont les seuls commentaires que la direction veut communiquer sur la réintégration de Mohamed Bedhouche, qui s’effectuera quand même ce soir à 19 heures.

M.T



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dimanche 16 février 2014 à 04h22 - par  Ferdinand
lundi 5 février 2007 à 20h06

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