Le petit Nicolas et ses grands amis

vendredi 16 mars 2007
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Les Français ne s’en rendent peut-être plus compte tellement ils ont le nez dedans, mais vue d’ici la manière dont la quasi-totalité des médias s’est rangée en ordre de bataille derrière Sarkozy est proprement sidérante. Ce type peut dire tout et son contraire sans que personne ou presque ne s’en émeuve, de même qu’est notée comme anecdotique l’incroyable posture qui consiste en tant que ministre de l’Intérieur à organiser une élection à laquelle on se présente.

De plus, question conneries, Sarkozy se permet tout et effrontément sans que quiconque relève la supercherie : plus c’est gros, mieux ça passe. Un exemple : dans la seule émission de TF1 du 5 février, il assène que la moitié des salariés français gagnent le smic ; vérification faite, ils sont 17 %. Il parle du baril de pétrole qui aurait atteint 90 dollars alors qu’en réalité il n’a jamais dépassé les 78 dollars ; puis, emballé par sa démonstration, il évoque ces temps affreux où l’inflation, en France, était à 24 %. Depuis que les statistiques existent, le pic le plus élevé indique 14 %. Tout faux, donc, et plus grave que la “bravitude” lâchée par Ségolène Royal. Mais peu importe, c’est elle qui est conne. D’ailleurs, une femme, hein...

Comment expliquer cet alignement ? Eh bien, c’est une belle histoire d’amitié entamée en 1983, et cultivée et arrosée sans relâche depuis. Patiemment, le déjà futur président de la République s’est fait pote avec ceux qui dirigent les entreprises de presse et les journalistes qui vont avec : Martin Bouygues (TF1), Serge Dassault (Le Figaro, L’Express, L’Expansion et des cadors de la presse régionale), Arnaud Lagardère (Paris-Match, Le Journal du dimanche, etc.), Alain Minc (président du conseil de surveillance du Monde), François Pinault (Le Point) et le milliardaire Bernard Arnault, très présent dans la presse économique.
J’en passe. Du beau linge. Tous de droite.

Est-ce à dire que tous les journalistes de ces organes de presse roulent sciemment pour Sarkozy ? Evidemment non, mais comment aller à l’encontre de la ligne éditoriale de son patron sans risquer sa tête - comme Alain Genestar (pas vraiment un gauchiste), le boss de Paris-Match, viré pour avoir publié des photos de Cécilia Sarkozy et de son amant ? Et puis, dans le fond, il est plus facile de se glisser dans le courant dominant que de ramer à contre-courant. Puisque les jeux sont faits, nous dit-on, pourquoi passer pour le ringard de service ? Je vous le demande.
Tous les journalistes ne sont pas des héros.

Cette presse bien-pensante court pourtant un double risque : écÅ“urer les électeurs et une fois de plus leur donner l’impression qu’ils n’ont pas le choix, que l’affaire est pliée. Sans remonter jusqu’à Balladur en 1995 qui allait triompher les doigts dans les narines, c’était cousu, rappelons-nous le référendum de 2005 sur la Constitution européenne. L’immense majorité des médias militaient pour le oui, et c’est tout juste si on ne traitait pas d’inciviques ou de traîtres à la patrie les Français qui trouvaient le gâteau indigeste. Cette année-là, le mépris des élites autoproclamées fut tel qu’elles se trouvèrent fort dépourvues lorsque le non fut venu.

Quoi qu’en pensent - et on s’en fout un peu - les Glucksmann, Finkielkraut, Gallo, Hanin et autres retourneurs de veste, Sarkozy traîne dans son sillage agité un bric-à-brac de brutalité, de démagogie et d’arrivisme aux relents berlusconiens. Que la presse béate à sa botte continue à confondre journalisme et stratégie de communication, et elle en dégoûtera les Français.
Pas trop tôt, j’espère.
Pile poil au deuxième tour.
Sans Le Pen.

Article de Léon Michaux dans Le Journal du mardi du 15 mars 2007

Transmis par Linsay



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