La Rouguière de la révolte spontanée à la colère organisée.

mercredi 3 janvier 2007
par  Charles Hoareau
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La Rouguière est une cité des quartiers Est de Marseille à mi chemin entre le centre ville et Aubagne, à deux pas d’un grand centre commercial et d’un cinéma multi salles rendez vous de la jeunesse du samedi soir quand elle a les moyens de se payer une sortie.

On y vit ni mieux ni plus mal qu’ailleurs en ces temps de chômage élevé que seuls nos ministres croient voir baisser à force de triturer les chiffres. Ici comme dans d’autres quartiers les habitants tentent de faire avec...
Avec cette jeunesse exclue, en premier lieu du travail, traînant son ennui au bas des bâtiments.
Avec ces bâtiments justement, si peu et si mal entretenus.
Avec ce centre social sans grands moyens et qui tient depuis tant d’années par des travailleurs sociaux qui ont fait de leur emploi un engagement de tous les instants.
Avec aussi cette vie associative louée en d’autres lieux comme facteur de cohésion sociale et de dialogue, mots à la mode en ces moments de révoltes sporadiques qui éclatent ici ou là.

Au cÅ“ur de la cité, quelques magasins, une chapelle, un jeu de boules....Bref depuis tant d’années que la cité existe elle n’a pas fait de bruit, elle constate simplement que la situation sociale se dégrade et elle essaie de faire face. Pourtant ces derniers temps la situation s’est emballée, il y a eu des incidents et des jeunes ont été arrêtés. Pourquoi ? Ecoutons le comité de soutien :

« Depuis 1996 les habitants du quartier constitués en association négocient [1] avec la mairie pour obtenir un local qui aurait servi de lieu de culte pour la communauté musulmane...Après maintes réunions avec la mairie et le logeur,les habitants ont constitué un dossier avec des courriers officiels, ce qui confirme une démarche citoyenne, légale et honnête.

Or les pouvoirs publics ont fait la sourde oreille, ce qui démontre un dénigrement total d’une population déjà en difficulté par la dégradation sociale de leur situation.

Pendant le mois de Ramadan, les habitants ont occupé le local [2] pour accomplir leur rite religieux ». Et le comité de souligner à juste titre que cette occupation s’est passée « sans aucun problème de voisinage avec les commerçants et les habitants. »

Que croyez-vous qu’a été la réaction du logeur rapidement épaulé par les pouvoirs publics ? Procédure d’expulsion ultra rapide et grâce à la diligence de la préfecture le 13 décembre, à 6h du matin 7 cars de CRS expulsent une dizaine de personnes âgées en pleine prière !

Comme le demande fort opportunément le comité de soutien « quand il y a volonté de dialogue de la part des habitants de la cité doit on utiliser la force comme seule réponse institutionnelle ? » Poser la question c’est évidemment y répondre...

La suite elle se devine sans peine. Dans les heures qui suivent des réactions de colère se font jour et 7 voitures sont brûlées...7 voitures d’ouvriers qui s’en servent pour aller à leur travail dans cette cité mal desservie par les transports en commun. Le mépris provoque la colère et celle-ci frappe en premier...les méprisés.
A la violence policière a succédé l’escalade...

Le lendemain dans le quartier c’est la consternation, consternation d’autant plus grande qu’un feu a léché la porte de la chapelle. On n’a jamais vu cela ici et évidemment on n’approuve pas !
7 jeunes sont arrêtés un peu au hasard. Plus grave l’un d’entre eux, Hamza, pourtant sans histoire, membre du CA du centre social et en 2e année de BTS, est sous mandat de dépôt pour 4 mois, mandat susceptible d’être renouvelé 2 fois...Autant dire que son année scolaire risque d’être foutue... Hamza n’a bien sûr pas été pris en flagrant délit mais considéré comme le meneur de la révolte il fait un bouc émissaire parfait.
Il doit payer.
Pour l’exemple...

On a envie de dire quel gâchis !
Luc, le directeur du centre social, de résumer le sentiment général : « Comment va-t-il sortir de là ? »

Alors les habitants relèvent la tête. Ils créent un comité de soutien à Hamza, multiplient les démarches, organisent jeudi 29 décembre une marche pacifique en direction de la mairie de secteur.

Dans la manif pour laquelle le comité chômeurs CGT avait mis à disposition sa sono il y avait des habitants, des associations, de simples citoyens, croyants ou non, de toutes origines, partisans d’une laïcité respectueuse de la diversité et que la situation faite à Hamza fait réagir.

Une réaction d’autant plus salutaire que l’extrême droite locale avait voulu récupérer ces évènements en s’appuyant en particulier sur un article nauséabond et pour partie erroné paru dans La Provence

Les musulmans finiront par avoir leur lieu de culte, mais ces évènements renforcent le sentiment de discrimination. Comme le dit une responsable associative locale la cité ne peut que constater qu’elle est victime à double titre : victime de la surdité des pouvoirs publics, victime du cycle répression - violence - répression.

Le comité de soutien se réunit à nouveau en début d’année, pour Hamza, pour que la justice ne soit pas à deux vitesses, pour que la cité soit entendue et respectée...n’est ce pas cela défendre l’état de droit ?


[1(ou plutôt tentent de négocier NDLR)

[2un magasin fermé depuis des années (qui faisait l’objet de négociations)



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