SODEXO ou l’effet d’aubaine de la pandémie

mercredi 11 novembre 2020
par  Charles Hoareau
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L’annonce a fait l’effet d’une nouvelle bombe en plein tsunami de licenciements : SODEXO annonce le 27 octobre entre 2083 et 2299 emplois supprimés soit 7% des effectifs.
Pour la CGT de l’entreprise cela est d’autant plus inacceptable que l’entreprise a perçu, au titre du CICE au bas mot et en fonction des chiffres que veut bien communiquer la direction des sommes considérables qui se décomposent comme suit :
- 2015 43 millions
- 2016 47 millions
- 2017 50 millions
- 2018 53 millions
Soit avec le CICE de 2013(13 millions) et 2014(38 millions) aux alentours de 248 millions d’euros d’argent public.
Et dans le même temps il y a eu 420 millions d’euros de dividende versés sur l’exercice 2019/2020 soit 1,2 milliard en trois ans !
Et l’annonce actuelle ne représente pas une prévision de catastrophe pour le groupe mais au contraire, une consolidation de ces dividendes comme le montrent les graphiques d’un site que l’on ne peut soupçonner de marxisme-léninisme !

Et la CGT du groupe a beau jeu de préciser que depuis 2011 le dividende a doublé en augmentation annuelle constante passant de 1.46 à 2.9 par action et de rappeler que 50% des effectifs ont été en activité partielle du 17 mars au 11 mai 2020 payés sur les fonds publics avec un prolongement jusqu’à fin décembre 2020. La couleuvre étant un peu grosse à avaler SODEXO tente de faire pleurer sur son sort en annonçant une pseudo une perte de 350 millions d’euros...Comme le dit un dirigeant de la CGT SODEXO : « Ils nous prennent pour des jambons !!! Ce n’est pas une perte par rapport à 0 mais un manque à gagner par rapport aux bénéfices de N-1. La nuance est importante !!! En effet ils n’ont pas rentré 650 millions de bénéfice net après impôts comme l’année dernière mais seulement 300 millions... »Le salaire annuel médian de 10 000 salariés dans la restauration

Un groupe solide en pleine recherche d’augmentation de son taux de profit

La petite société fondée en 1966 par Pierre BELLON et contrôlée aujourd’hui à 40% par la famille a bien grandi depuis sa création au point d’être devenue une multinationale qui emploie aujourd’hui plus de 400 000 salariés dans le monde et d’être le 18e employeur au niveau mondial. Avec un chiffre d’affaires de plus de 20 milliards d’euros et le dernier résultat net connu de plus de 651 millions net (soit l’équivalent du salaire moyen annuel dans la restauration, toutes cotisations comprises, de près de 20 000 salariés) on ne peut pas dire que le groupe soit dans la difficulté.
Non les raisons de l’annonce des suppressions d’emplois ne sont pas dues à des difficultés du groupe mais à la poursuite d’une logique de recherche permanente du taux de profit le plus élevé possibles, logique qui a prévalu à sa création et a permis son expansion et sa réussite au sens capitaliste du terme. La même logique qui la conduit à délocaliser le service paie au Portugal et dans la foulée licencier 68 personnes en France sans aucune recherche de reclassement en interne. C’est sans doute ce que SODEXO appelle « Faire de bonnes affaires de la bonne manière ».

Au départ petite société d’approvisionnement en vivres pour la compagnie de navigation mixte, elle va se diversifier dans le service de restauration aux entreprises profitant à plein de la logique d’externalisation de certaines des activités des entreprises, logique qui va devenir le nec plus ultra de la croissance et du Monopoly capitalistes. Dès les années 1960, sous l’impulsion de groupes comme le BCG (Boston Consulting Group créé en 1963) une nouvelle idéologie de développement du capital apparait : en finir avec l’entreprise unique qui fait tout, mais la découper en secteurs d’activités afin que ceux considérés comme moins rentables (restauration, nettoyage, gardiennage…) soient repris par une entreprise extérieure et deviennent en soi une source de profits.

C’est au nom de cette logique que l’on a vu depuis ces années-là être cassées des communautés de travail et se multiplier les exemples de salariés travaillant dans les mêmes locaux, souvent aux mêmes heures, mais embauchés par des employeurs différents liés entre eux non seulement par des contrats mais aussi souvent par des liens au niveau des banques et des conseils d’administration.
SODEXO s’est développé sans discontinuer depuis ces années-là grâce à cette logique. Aujourd’hui, pandémie ou pas, cette logique de développement atteint ses limites et elle coïncide avec des modifications d’exercice des prestations (congélation, automatisation…) qui permettent d’envisager une baisse du temps de travail à service rendu équivalent. Loin de faire profiter les salariés de ces gains de productivité en réduisant le temps de travail et en embauchant d’autres pour une amélioration du service rendu, SODEXO profite de l’excuse de la pandémie pour augmenter son taux de profit en réduisant le nombre d’emplois.
SODEXO n’est pas un petit artisan pris à la gorge par les mesures gouvernementales. C’est un grand groupe qui entend profiter de l’effet d’aubaine de la pandémie pour procéder à des suppressions d’emplois que sa logique capitaliste rendait nécessaire.

Les salariés de l’entreprise, et la CGT au premier rang ont annoncé leur volonté de se battre contre ce plan criminel et bien sûr il est de notre responsabilité de communistes de les soutenir.
Nous voulons en même temps rappeler ici que ce qui est en cause ce n’est pas seulement une décision annoncée par une direction au total mépris de ce que le MEDEF et ses valets appellent le dialogue social, ce qui est en cause c’est la logique qui conduit à cela.

Il est important de ne pas perdre de vue que l’activité de services n’aurait jamais due être coupée des autres activités en découpant, sur la seule base des dividendes, l’entreprise en secteurs nommés avec un cynisme assumé « vache à lait », « star », « poids mort », « dilemme ».
A l’opposé de cette logique nous revendiquons la ré-internalisation des services afin que les salariés retrouvent une communauté de travail et une logique de production et d’échange au sein de la même entreprise.

Evidemment, s’agissant de grands groupes donneurs d’ordre, plus que jamais nous réaffirmons que la solution à terme passe par la réappropriation sociale par et pour les travailleuses et travailleurs.
Si nous avions un doute, l’exemple de la SODEXO nous le confirme.



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