I) Colombo. Une soirée surréaliste

vendredi 17 août 2018
par  Charles Hoareau
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Cela faisait des années que Jean Pierre et Tamara avaient lancé leur invitation pour aller les voir chez eux à Colombo la capitale du Sri Lanka où ils vivent la plupart du temps. L’invitation immédiatement acceptée et avec enthousiasme, le temps de l’honorer est venu cet été.

Un premier vol Marseille Paris, puis, juste le temps d’apprécier en arpentant le dédalle de couloirs de Roissy, les grands panneaux de la CGT d’Air France disant le refus de la privatisation, nous voilà dans l’avion pour Bombay et enfin Bombay Colombo. En tout 21h escales comprises. Un voyage sans histoire…et sans sommeil le premier avion ayant décollé à 7h du matin et le voyage se terminant vers 2h le lendemain (heure française) ou 5h 30 (heure sri lankaise). Voyage sans histoire sauf une petite course dans l’aéroport de Bombay due au fait qu’en arrivant à proximité de la métropole indienne, l’avion a été contraint de faire plusieurs cercles dans le ciel avant d’avoir l’autorisation d’atterrir. De ce fait lorsqu’il se pose, l’embarquement pour le vol suivant a déjà commencé. Cela aura au moins le mérite de limiter au maximum les contrôles tatillons dont les indiens aéroportuaires semblent s’être fait une spécialité.
A Colombo, dès les premiers pas dans l’aérogare, le dépaysement vous prend. Il y a d’abord tous ces panneaux indicateurs écrits en 3 langues : cingalais, tamoul et anglais, puis cette file d’attente bariolée où les européens sont en petite minorité au milieu d’une foule où semblent se rencontrer des voyageuses et voyageurs de toute l’Asie et enfin cette chaleur humide qui, dans la nuit finissante, envahit tout et vous fait comprendre qu’elle ne va plus vous lâcher tout le temps de votre séjour. L’aéroport de Colombo grouille de monde à cette heure qui est l’heure d’arrivée d’un grand nombre de vols internationaux et dehors c’est le ballet incessant des voitures et des autocars dans un désordre tranquille où nous finissons par reconnaître le véhicule venu nous chercher.
Le jour se lève sur la ville dont les maisons semblent pousser en se frayant un espace entre les cocotiers et autres taillis envahissants qui ne renoncent pas à reconquérir toute la place.
Dans la chaleur naissante du jour qui se lève, les rues de Colombo semblent prêtes à grouiller de monde. Il faut dire que le Sri Lanka, cette île en forme de goutte de terre, si elle est presque aussi grande que l’Irlande, avec ses 22 millions d’habitants, est plus de 4 fois plus peuplée et de ce fait l’un des pays à la plus forte densité démographique du monde. Et cela est encore plus sensible à Colombo qui compte à elle seule deux millions d’habitants, autant que Paris sur 3 fois moins de surface...

Le temps d’arriver chez Jean Pierre et Tamara, de poser les bagages et prendre un déjeuner, je peux dormir 2h en fin de matinée. Nous partons alors faire un premier tour de la capitale en touk-touk (ce qu’on appelle ici les three-will) ces mobylettes carénées qui peuvent embarquer, outre le chauffeur, 3 personnes…normalement pas grosses ce qui n’est guère le cas pour nous… La circulation dans Colombo, désordonnée et anarchique me rappelle tout à la fois Dakar, Katmandou ou Delhi. La différence c’est qu’ici les rues sont propres, partout goudronnées et surtout les voitures récentes…mais bon des gaz d’échappement ça reste des gaz peu agréables à respirer.

Ici en principe on roule à gauche mais le plus souvent on roule où il y a de la place et le chauffeur zigzague constamment entre les véhicules et les piétons qui marchent où ils peuvent et surtout pas sur des trottoirs la plupart du temps inexistants. Cela est encore plus vrai pour les touk-touk qui se faufilent partout. Au fur et à mesure que les rues défilent je ne vois guère de panneaux de signalisation et je me demande d’ailleurs à quoi ils serviraient : ici il ne doit y avoir ni sens interdit ni interdiction de doubler à droite ou à gauche.
Nous zigzaguons donc gaiement et au fur et à mesure nous sommes instruits. Monuments, lieux historiques, l’hôtel où a dormi Che Guevara, Jean Pierre explique tout avec force détails.
On visite notre premier temple bouddhiste dont les murs intérieurs sont peints de fresques magnifiques peintes par un grand peintre du 20e siècle dont je me rappelle juste qu’il a été influencé par Picasso dont il admirait l’œuvre.

Puis nous faisons un tour dans Petta. C’est le Noailles ou le Barbes de Colombo mais en plus gigantesque pour cette ville de 2 millions d’habitants. Les magasins sont organisés par rues : celles de l’électronique, celles de l’outillage, celles des habits…et on trouve de tout à profusion. C’est ainsi que nous dénichons un magasin entier de télécommandes. De toutes marques, de toutes tailles de toutes couleurs et à des dizaines d’exemplaires à chaque fois…

Au hasard de notre parcours nous passons devant l’ambassade américaine qui est en fait un ensemble de bâtiments et d’immeubles de plusieurs centaines de mètres ce qui en fait de très loin le plus grand complexe immobilier du pays...juste en face le bureau du premier ministre sri lankais bien petit en comparaison. Tout est dit. On sait qui commande ici.
Nous terminons notre virée par un tour sur un grand espace de terre ocre en bord de mer où les badauds se retrouvent pour flâner en admirant les charmeurs de cobras sous le regard des cerfs-volants multicolores qui déchirent le ciel.

L’espace est fermé à une de ses extrémités par le grand hôtel où a séjourné Che Guevara qui jouit ici encore d’un grand prestige en souvenir du temps où Cuba et le Sri Lanka faisait cause commune dès l’arrivée au pouvoir des révolutionnaires, coopération qui s’est poursuivie plus tard dans le mouvement des non-alignés.

Après avoir bu une bière locale et mangé ces crevettes grillées que vendent ici nombre de marchands ambulants, nous rentrons.
La climatisation bienvenue de la chambre ne peut ôter totalement ce sentiment de chaleur humide tropicale que j’avais déjà connu en Guyane et la nuit sera courte.

Le lendemain ; après une matinée de repos, Tamara et Jean Pierre reçoivent en notre honneur, Lasanda une journaliste du Dailly mirror, Tissa et Buddhi, respectivement secrétaire général et chargé de communication d’un des partis marxistes du Sri Lanka. Ici il y a plusieurs organisations qui se réclament du communisme…ce qui est totalement inconcevable chez nous, n’est-ce pas ?
Je ne connais pas les habitudes sri lankaises mais il me semble que l’heure des repas n’est pas quelque chose de figé ou réglé comme chez nous. Cela m’est confirmé par le fait que les invités d’aujourd’hui arrivent à la même heure, l’une pensant être invitée pour le lunch (équivalent de notre repas de midi), les deux membres du parti pensant être invités pour le repas du soir…ça nous laisse du temps pour l’apéritif sans avoir à se coucher tard !

La soirée sera particulière. On parlera un peu de la situation au Sri Lanka et de l’origine de la division entre les communistes sri lankais, division scellée en particulier sur l’attitude à avoir pendant la 2e guerre mondiale. En effet il y a celles et ceux qui ont considéré qu’ils devaient répondre positivement à l’appel de Staline à l’union de toutes les forces pour combattre le fascisme et celles et ceux qui ont refusé de s’allier à la puissance coloniale anglaise mais poursuivre leur lutte pour l’indépendance. Position nourrie, là comme ailleurs, par les horreurs engendrées par la colonisation. Mais, le Sri Lanka étant un pays grand producteur de thé, l’essentiel de la conversation de la soirée a tourné autour des plantations de thé, des coopératives et de l’économie solidaire (le nouveau mot utilisé par les « politiquement craintifs » pour parler de l’appropriation du capital). Donc Fralib et SCOP-TI ont occupé une grande partie de la discussion et me voilà transformé en agent commercial international. SCOP-TI au Sri Lanka ? Il n’y a plus qu’à faire traduire un des films de Claude Hirsh sur le conflit et ce sera complet !



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